PRÉJUDICE D'IMPRÉPARATION ET PERTE DE CHANCE, 
DEUX PRÉJUDICES AUTONOMES
LA HAUTE JURIDICTION PERSISTE ET SIGNE

PRÉJUDICE D'IMPRÉPARATION ET PERTE DE CHANCE, DEUX PRÉJUDICES AUTONOMES LA HAUTE JURIDICTION PERSISTE ET SIGNE

Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2017, 16-21.141, Inédit

"Qu’en statuant ainsi, alors que la perte de chance d’éviter le dommage, consécutive à la réalisation d’un risque dont le patient aurait dû être informé, constitue un préjudice distinct du préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences de ce risque et consiste, dès lors que son existence est retenue par les juges du fond, en une fraction des différents chefs de préjudice déterminée en mesurant la chance perdue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;"

En l'espèce, Mme X a été victime d’un accident vasculaire cérébral dont elle a gardé de graves séquelles, après avoir subi, la veille, une sclérothérapie, réalisée par Mme Y, médecin généraliste.

Elle saisi la Commission Régionale de conciliation et d'indemnisation des Victimes, et accepte à l'issu de deux expertises ayant conclu à une indemnisation au titre de la Solidarité Nationale sur le fondement de l'article L 1142-1 du Code de la santé Publique, les offres d'indemnisation formulées par l'ONIAM (Office Nationale d'indemnisation des Accidents Médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales).

L'ONIAM, estimant que Mme Y n’avait pas informé sa patiente des risques inhérents à la sclérothérapie et ne disposait pas de la qualification requise pour la réaliser, a exercé contre elle et son assureur, l’action subrogatoire prévue par l’article L. 1142- 17 du même code.

Contre toute attente, la Cour d'appel de Riom (arrêt du 25 mai 2016, n° 14/02377) rejette les demandes de l'ONIAM estimant que la perte de chance subie par Mme X s’analyse, à la suite de la réalisation du risque lié à la survenue d’un accident vasculaire cérébral, en un préjudice moral lié au défaut de préparation psychologique aux risques encourus et au ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle et que ce préjudice moral n’a pas été indemnisé dans le cadre des protocoles d’accord signés entre l’ONIAM et Mme X… ;

La Cour de Cassation casse l'arrêt d'appel et rappelle le principe d'autonomie du préjudice issu de la perte de chance d'éviter le dommage et du préjudice moral résultant de l'impréparation au risque subi.

*  *  *

Rappelons ainsi que la distinction de ces deux postes de préjudices a été posé par un arrêt de principe rendu par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation le 3 juin 2010 (n° 09-13.591), aux termes duquel la Haute Juridiction estimait que :

"Il résulte des articles 16 et 16-3, alinéa 2, du code civil que toute personne a le droit d'être informée préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être accueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir.

Dès lors, le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice que le juge ne peut, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, laisser sans réparation."

Ce principe est depuis lors constamment réaffirmé par la Cour de cassation. (notamment : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014, pourvoi n°12-22123, publié au Bulletin,Cass. Civ. 1ère, 25 janvier 2017, pourvoi n°15-27898, publié au Bulletin)

Le préjudice moral d’impréparation aux conséquences du risque médical s’étant réalisé est en conséquence parfaitement autonome du préjudice constitué par la perte de chance d’éviter la réalisation de ce risque, en refusant, par un choix plus éclairé, que l’acte ne soit pratiqué.

Aux termes de son arrêt du 22 juin 2017, la Cour de Cassation affirme à nouveau que la perte de chance ne peut inclure le préjudice moral d'impréparation.

Il s'agit bien au contraire de deux préjudices distincts et autonomes, ne se confondant pas.

Il faudra tout de même rappeler que cette autonomie a pour corollaire que les deux préjudices doivent être caractérisés, mais surtout invoqués pour être réparés de manière autonome.

Il faut entendre en conséquence qu'aucune réparation ne pourra être accordée à la victime sur le fondement du préjudice moral d'impréparation, si seule une demande sur le fondement de la perte de chance a été formalisée.

C'est ce que rappelle la Haute Juridiction aux termes d'un arrêt rendu le 15 juin 2016 par la Première Chambre Civile (n° 15-11.339) qui dispose que :

"Mais attendu qu’après avoir retenu un défaut d’information imputable à M. Y…, l’arrêt écarte l’existence d’une perte de chance de Mme X… de renoncer au traitement ; que, s’étant bornée à en demander la réparation, sans solliciter l’indemnisation d’un préjudice moral d’impréparation résultant de ce défaut d’information, Mme X… ne peut, sous le couvert de griefs non fondés de méconnaissance de l’objet du litige et de violation de la loi, reprocher à la cour d’appel de n’avoir pas accueilli une demande de réparation dont elle n’était pas saisie ; que le moyen n’est pas fondé ;"

Pour conclure, il est désormais (à priori) de jurisprudence constante que le préjudice d'impréparation aux risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins est parfaitement distinct de celui issu de la perte de chance pour la victime d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques.

Mais encore faut-il le savoir, et le demander !!!



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