Psyché & Déclic : Merci Tom !
Claude, Infirmier de Secteur Psychiatrique depuis les années 1980, ne cultive pas plus la nostalgie qu'il serait du genre à sortir les vieux rossignols, pour les remettre à tout prix sur le marché. Certaines références de sa formation initiale, méritent plus le pilori que d'être mises au clou. Mais du début de ses quatre décennies de pratique à aujourd'hui, il en est une qui demeure actuelle, même si elle n'est pas enseignée dans les facs de médecine et les IFSI.
Thomas d'Aquino (1225-1274), moine de noble extraction lombarde, a en plein siècle de l'Inquisition Médiévale, intégré la folie dans une conception cohérente de l'homme. Distinguant l'animus, partie de l'esprit organisant le fonctionnement du corps et la satisfaction des plaisirs, de l'anima, partie de l'esprit correspondant à l'âme spirituelle, toutes deux indissolublement liées, il voyait dans la folie (amentia) la prise de pouvoir de l'une sur l'autre.
C'est ainsi que le fou, demeurait bel et bien un être humain en dépit de ses symptômes, même les plus effrayants. Partant de là, le travail du thérapeute consiste alors à restaurer, soutenir et développer l'anima de cet être en souffrance qui n'est rien d'autre que son alter ego. C'est ce qui, entre autres références, a fortement orienté la pratique de Claude durant quatre décennies, sans qu'il soit pour autant un cul-bénit.
Il y a bien des choses à dire et à contredire sur et dans la théologie thomiste, mais il n'en demeure pas moins remarquable qu'en des temps où nombre de malades mentaux alimentaient les bûchers, un intellectuel de premier plan comme lui n'a pas hésité à s'opposer aux fous de dieu pour défendre les fous atteints de folie dite naturelle, donc n'ayant absolument rien à voir avec les puissances occultes.
Face à chaque patient envahit par ses symptômes, Claude pense à l'apport fondamental de celui qu'il surnomme Tom, et se focalise sur la question du comment restaurer l'anima. Prenant quelques liberté avec la rigueur des énoncés théologiques thomistes, il conçoit l'animus comme la partie animale et instinctuelle de l'être humain c.a.d ce qui le tire vers le bas et l'anima sa partie spirituelle et intellectuelle c.a.d ce qui le hisse vers le haut.
Parce que comme le dit Hubert Reeves, poussières d'étoiles, nous pouvons tous aspirer à l'excellence pour notre anima et museler le excès de notre animus. Les malades mentaux ne sont rien d'autre que des miroirs nous renvoyant une image de nos insupportables et impensables possibles. Nous disons que cela peut arriver à n'importe qui, mais nous sommes persuadés que nous ne sommes pas n'importe qui et ça, c'est vraiment n'importe quoi !
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«Cum homo sit "naturaliter animal sociale", indiget ab aliis hominibus adiuvari ad consequendum proprium fïnem. Quod eonvenientissime fit dilectione mutua inter homines existente.» soit en clair « Puisque l'homme est par nature un animal social, il a besoin pour atteindre sa fin du secours des autres. Ce qui est le fruit par excellence de la dilection mutuelle entre les hommes. » Thomas d'Aquin in Summa Contra Gentiles, III, ll7,
Avertissement : L'unique ambition de cette série est de contribuer à la réflexion collective sur le sens du soin en psychiatrie. Construites sur le modèle des chroniques de Baptiste Beaulieu, la plupart de ces vignettes cliniques synthétisent plusieurs situations pour en restituer une version quelque peu romancée. Celle-ci, se référant à un personnage historique, n'est romancée que quant à sa formulation.
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4 moisThomas d'Aquin. Référence religieuse mais pas seulement