Quand on n’a qu'un marteau, tous les problèmes prennent l'aspect d'un clou ! Partie 1 de 2
Un regard oblique sur une compétence transverse (soft skill) … et ce qui permet à cette compétence de se manifester.
Un regard oblique sur une compétence transverse (soft skill) … et ce qui permet à cette compétence de se manifester.
Identifiez les maladresses de vos collaborateurs et collègues quand ils résolvent les problèmes et aidez-les à progresser.
L’Internet me dit que le célèbre aphorisme sur le marteau et le clou serait, dans sa formulation originale, une phrase de Maslow. Que nous dit-elle ? Elle nous dit que l’homme est un technicien, qu’il adore faire, agir, être dans l’action. Car pour son malheur, comme faisait mine de le regretter Pascal : « il ne sait pas demeurer en repos dans une chambre ». Alors il agit. Mais, souvent, il agit dans la précipitation. Et il résout les problèmes d’une manière incertaine.
La résolution de problèmes a commencé avec le silex. Puis il y eut l’amélioration du silex, l’invention du biface. Une affaire qui s’est jouée sur plusieurs générations. Par chance, disons-le, les choses vont plus vite aujourd’hui. Enfin, il parait que c’est une chance !
Quand il s’agit d’outils physiques et de problèmes concrets cet empressement peut nous donner à rire. Ce bon vieil ami qui tente de planter un clou avec une pince, qui se blesse (légèrement) et qui essaie ensuite de le retirer, (parce qu’il s’est tordu), avec le même outil. On voit qu’il y a dans la caisse, un marteau et une tenaille. Mais il ne sait pas à quoi cela sert !
Ce même ami, s’y prend peut-être de la même manière quand il s’agit de problèmes immatériels, des problèmes relationnels par exemple, et de méthodes intellectuelles. Mais, là, il a de la chance. Est-ce une chance ? Car cela ne se voit pas. Et comme ce n’est pas lui qui paye les désagréments de sa précipitation, il peut faire comme si de rien n’était.
Dans cet article nous vous proposons d’observer cinq manières de s’y prendre mal avec les problèmes. Et nous vous proposons quelques pistes de progrès.
Comment qualifier ces manières de s’y prendre de manière inadéquate ? Des erreurs ? Il faudrait qu’il y ait une doctrine universelle. Des fautes ? Il faudrait que la personne ait connu la méthode et agisse volontairement à son encontre.
Nous choisissons de parler de maladresses. C’est bienveillant. La mauvaise intention n’y est pas. Et le maladroit est susceptible de progresser quand on le confronte. C’est reposant d’imaginer qu’il y ait dans le monde plus de maladresse que de méchanceté.
La résolution de problèmes est un thème qui se décline à trois niveaux : la compétence, la méthode, les techniques.
· La résolution de problèmes est pour certains une compétence. Un « soft skill », proche de l’esprit critique dont on dit partout qu’elle est une des principales compétences attendue dans les années à venir. On parle alors d’un état d’esprit : vouloir intervenir sur un système pour l’améliorer. Être positif. Au-delà de ma méthode, il faut croire dans le réformisme, dans les projets qui se déploient lentement et qui modifient la culture en changeant les habitudes. C’est un « savoir être » mais aussi une compétence opérationnelle : savoir rapidement, parfois dans l’urgence, poser un diagnostic et produire le plan d’action adapté. Les contrôleurs qui par écran ou au téléphone supervisent des situations réelles et doivent décider d’un niveau de réponse adaptée exercent cette compétence.
· Pour d’autres la résolution de problèmes est une affaire de méthode. Cela concerne par exemple des personnes habituées à exercer une fonction et à qui l’on demande de conduire un projet. On sort des clous, pour entrer dans un tout autre monde où deux fois par semaine un problème inédit se pose. Il faut alors savoir innover, raisonner par anticipation quant aux conséquences de ses actes. L’essentiel du message pédagogique doit alors porter sur la rigueur intellectuelle. Car comme le dit De Bono, la créativité n’est pas une affaire de gènes. C’est une confiance dans la méthode.
· Enfin, pour une dernier groupe, la résolution de problèmes est une affaire de techniques à apprendre afin d’optimiser une activité. Cette fois nous parlons de personnes qui n’ont pas un problème nouveau par semaine. Mais elles connaissent une certaine solitude dans la fonction couplée à un management qui ne sait pas quoi faire pour aider. L’envie est là. L’envie de se renouveler. Mais comment faire ? Cette population a besoin d’outils concrets et très pratiques.
Dans la suite de cet article nous traiterons de 5 manières de passer à côté d’un fonctionnement « résolution de problèmes ». Dit autrement, il s’agit de 5 modes de fonctionnement facilement observables et qui peuvent être optimisés.
Maladresse n°1. Le problème c’est la solution ! Ne pas résoudre un problème en le nommant par la solution. Zapper la phase identification du problème.
Extrait d’un dialogue chez un médecin.
- Bonjour Docteur, je viens vous trouver pour mon fils qui a besoin de calmants. Pour le faire se lever le matin … c’est toujours un enfer.
- Et c’est quoi le problème ?
- Il faudrait qu’il dorme plus tôt.
- Et comment savez-vous que les calmants c’est la solution ?
- C’est surtout que j’aimerais que le matin, ils se réveille normalement, reposé, enthousiaste de la nouvelle journée qui arrive. Comme moi.
- Etc.
Analyse. Un problème c’est un écart entre une situation actuellement insatisfaisante et une situation future satisfaisante. Situation actuellement insatisfaisante (SAI) : mon fils semble peser trois tonnes le matin quand il s’agit pour lui de se lever. Situation future satisfaisante (SFS) : Il se lève aisément.
L’intérêt à problématiser, est que cela ouvre le champ des solutions. Dans cet exemple.
· Il y a bien sûr la chimie.
· Mais il peut aussi se coucher plus tôt.
· Il peut avoir une activité physique à 19h00 qui le fatigue.
· Il peut apprendre à se relaxer.
· Il peut s’interdire les écrans (question de la lumière bleue) dès 20h00.
· Etc.
Préconisations.
· Les formateurs (les bons) passent leur temps à problématiser puisque ce qu’ils transmettent c’est la prise de recul qu’une personne réalise face à l’action. Pour aider un collaborateur à problématiser confiez lui des missions de formation.
· Un problème bien posé est à moitié résolu. Beaucoup de personnes n’investissent pas assez de temps sur cette phase qui leur parait prise de tête. Donc investir 30 % du temps disponible n’est pas excessif.
· Se rappeler la blague du plombier. 99 € pour savoir où donner le coup de marteau, et 1 € pour le coup de marteau.
· Beaucoup de nos actions échappent à l’évaluation et rentrent dans le cadre de la gratuité, du don. Mais la résolution de problèmes non. Tant qu’on n’a pas les critères à partir desquels évaluer, c’est qu’on n’a pas suffisamment problématisé.
· Donc on écrit l’équation : SAI – SFS. Et si le problème concerne plusieurs parties prenantes on regarde les écarts pour chacun des acteurs.
· Etc.
Maladresse n°2. Il n’y a pas de problème ! La dénégation.
Illustration.
Extrait d’un dialogue dans un hôpital.
- Où en est-on quant au temps d’attente aux urgences ?
- L’indicateur est très bon, il n’y a pas grand monde dans le couloir, mais…
- Mais quoi ?
- Mais pour que l’indicateur soit bon, on fait attendre les malades dehors dans les ambulances.
- Et est ce que cela affecte l’indicateur ?
- Ben non !
- Alors circulez, il n’y a rien à voir. Pas de problème !
(Ce cas est un cas réel).
Analyse. Un problème avant d’être posé est perçu. Et dans les logiques d’entreprise, il arrive parfois que le réel soit confondu avec les seuls paramètres ayant une expression quantitative. Chacun vit alors au quotidien entouré de deux familles de problèmes. Les problèmes perçus traités : on a mis en place un indicateur et une procédure. Et de problèmes perçus non traités.
Le rôle d’un leader, s’il se sent concerné par la compétence « esprit critique » consiste donc à exacerber ses sens pour percevoir les fameux signaux faibles annonciateurs des catastrophes à venir.
Mais il se trouvera probablement en opposition avec des managers habitués à gérer le problème par la dénégation, laquelle bien souvent marche, tant que le problème n’a pas explosé.
C’est ainsi qu’une certaine entreprise de vente à distance va jeter des tonnes d’équipements neufs en présence de managers disant « y’a pas de problèmes » ! Jusqu’au jour où l’on considérera que cela peut nuire à l’image de l’entreprise. Et où l’on dira : Problème !
Si tant de problèmes sont traités par de la dénégation, reconnaissons-le, c’est que cela marche. La devise Shadock « s’il n’y pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème » exprime une situation que nous pouvons tous observer. Et qui est loin de manquer de sens.
Préconisations.
Les managers sont-ils sensibilisés (formés) sur leur capacité à traiter les problèmes perçus par leurs collaborateurs. Savent-ils par la négociation trouver une issue favorable à cette attente, qui, si elle n’est pas traitée est cause de démotivation.
· Quelle représentation de la réalité préfère-t-on et encourage-t-on ? Celle (totalisante) d’un monde où il n’y a qu’une réalité ? Ou celle d’un monde (constructiviste) où chacun, par sa perception particulière, construit une réalité ?
· La culture de la négociation est-elle encouragée ? Sait-on faire un PVA « point de vue de l’autre » comme le préconise De Bono. Pour ensuite dialoguer et chercher dans la bienveillance le meilleur argument. Ou bien se précipite-t-on pour donner tort à l’autre ?
Maladresse n°3. Adopter une solution qui pose plus de problèmes qu’elle
n’en résout. L’ultra solution !
Illustration.
Avec Donald Trump, nous sommes certains d’avoir pour aujourd’hui et demain toutes sortes d’exemples d’ultra-solution.
Une tuerie se produit dans un lycée.
On peut s’attendre à des propositions de limitation de distributions d’armes. C’est un raisonnement logique de type cause – conséquence.
Que nous dit Donald Trump dans un tweet ? "Si un tireur fou sait que dans une école de nombreux enseignants savent aussi utiliser des armes, le fou n'attaquera jamais cette école".
Bilan. Aux victimes des armes utilisées par des tueurs s’ajoute aujourd’hui les victimes d’enseignants armés maladroits. "Mardi 13 mars 2018 vers 13h20, des agents ont été appelés au lycée de Seaside", ville à deux heures au sud de San Francisco, "après qu'un professeur eut semble-t-il accidentellement tiré avec son arme en classe",
Analyse. Paul Watzlawick a rédigé un livre entier sur l’ultra-solution et est devenu la référence mondiale sur le sujet : comment faire pour réussir à échouer.
On pourrait penser que l’ultra solution apparaisse rapidement comme une erreur lorsqu’il s’agit de régler des problèmes techniques. On a sous les yeux les effets néfastes. On peut donc réagir. Mais pour autant chacun a l’expérience d’ultra solutions : « à la Trump ». C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de dynamiques relationnelles, où, on préfère les ruptures aux aménagements.
La différence entre un personne créative et une personne non créative, c’est que le créatif qui trouve une aiguille dans une botte de foin en cherche une deuxième.
Avec cette phrase tout est dit. Le goût de l’ultra solution tient à l’insuffisance de solutions à comparer entre elles. Quand on se contente de la première et qu’elle ne satisfait pas la partie adverse, il n’y a plus que la rupture. Cette dynamique est bien évidemment renforcée par la logique de l’expertise. Elle ne favorise pas toujours la multiplication des solutions. Cette dynamique est renforcée dans les environnements de jeu à somme nulle, les jeux de compétition, où il faut que l’un gagne l’autre perde, et réciproquement. Le fameux jeu de la poule mouillée où deux automobilistes se font face. Ou il faut garder sa trajectoire sauf à devenir une « poule mouillée ». Et où les deux meurent.
Préconisations.
Dans la suite de Paul Watzlawick et de l’école de Palo-Alto, la préconisation pour échapper à l’ultra solution consiste à se détourner de la répétition. Un problème, c’est une tentative de résolution qu’on reconduit alors que nous constatons qu’elle est un échec. Résoudre un problème, c’est donc tenter une solution nouvelle, à 180 ° de la précédente, pragmatique, évaluée, dans laquelle on est conscient du but recherché.
Dans une logique de renforcement de la compétence à l’esprit critique, il s’agit de construire un projet de solution avec toutes les parties impactées par la solution. L’ultra solution est souvent la solution du franc-tireur qui agit seul, fier de son pouvoir. L’ultra solution est parfois un jeu de sauveur, qui joue sa survie dans un poste en créant une situation encore plus inextricable qui le fait apparaitre comme le seul sauveur possible.
Le travail d’évaluation de l’impact des solutions, afin de choisir la meilleure est dans de nombreux cas à intensifier. En évitant que l’étude ne devienne elle-même une ultra solution pour ne rien décider.
...... La suite dans la partie 2