Quand un homme pleure
A un rythme rapide, le monde, où nous nous mouvons, déploie toutes ses ressources de changement. Cette vérité n’étant jamais sujette à différend,il n’empêche que notre sensibilité à l’imaginaire nous insinue de temps en temps une fausse conscience de notre réalité…
Dans notre psychologie, nous pouvons puiser de quoi dissiper l’embarras nous cachant la lumière du choix d’un exemple…A titre illustratif, le mythe, comme référentiel social, s’impose ! Il est plutôt correct que maints mythes, invétérés dans le vivier de notre culture arabe, continuent de se survivre dans notre démarche, nos comportements et nos appréciations. Et ce, au grand préjudice de la dynamique émancipatrice de notre intelligence.L’histoire de tout mythe est bien évidemment liée à celle de la morale statique,pour ne pas dire statuaire,qui en découle. Or, La sagesse consiste à l’implication de la conciliation du subjectif et l’objectif, l’individuel et le collectif dans l’appropriation concrète de mythes, en tant que sources de valeurs sociales. Sinon, la rationalité s’évapore…
Entre autres, le mythe de la virilité se maintient dans notre culture arabe. Voici ce qui fonde l’intolérance qui guette toujours et à tous les échos le pleur de l’homme.
Alors que les larmes féminines relèvent de l’ordinaire, le pleur de l’homme suscite une vive intrigue chez quelques mortels. S’agit-il d’une transgression de la nature humaine ? Au cas où la réponse serait positive, je dois reconnaître ma grande ignorance sur ce point.
« Il pleure comme une femme. Nous avons vécu des expériences émotionnelles plus intenses sans qu’elles nous tirent une seule larme ». Curieux propos de la part d’un vieux paysan partageant la même terrasse de café que moi. Le bonhomme fait allusion à unhumain qui, sous la houlette d’une forte émotion, a commis ouvertement l’action de pleurer.Et selon ses dires, un homme doit avoir honte de son pleur quoique l’effet que produirait son émotion soit-il.
Vous m'en direz tant ! me contentai-je de me dire à l’entendre proférer cela à son interlocuteur.
Autant avouer que, malgré le temps, quantité de gens se raccrochent encore à des idées reçues vieillottes et sentant le moisi depuis de longues années.Sans ambages !rien d’excellent ne peut avoir son origine dans une culture qui donne tellement de l’importance à des stéréotypes qu’elles les rendent indéracinables.
Le fait que nos aînés ont plus de contrôle de l’affectivité que nous, s’entend.Sur ce chapitre, pouvons-nous suivre, dans les circonstances actuelles, les traces de nos devanciers ?.Il n’entre pas dans mes intentions de me livrer ici à de la futurologie. Du train où vont les choses, je m’avance pourtant à dire que l’aridité du cœur et la sécheresse des yeux ne seront guère des caractères essentiels de la virilité.Le devenir du monde nous laisserait voir, me semble-il, une virilité de plus en plus « efféminée » …Bref,au fil des ans, l’homme aura la larme facile et son pleur sera plus acceptable en société.
La virilité et le corps de la femme sont malheureusement sur la même ligne de mire de ceux qui savent détruire, avec bien entendu la complicité de certains dirigeants politiques.Sous l’influence déterminante de différents Médias, une Alimentation dont les industriels s’abandonnent sans réserve au charme lucratif d’hormones femelles, la Mode…, les limites séparant les sexes tendent à se rétrécir. Et avec l’avènement du phénomène homosexuel, les contours de ces dernières deviennent de plus en plus flous.Malgré la fermeté du substrat de ce fameux mythe, nous impose-t-on une appréhension de la masculinité de moins en moins « virile ».
Encline à l’introspection, la femme donne plus d’espace à ses sentiments et par là elle s’adonne à son affect. Au profit de sa féminité, elle s'est donc attribuée le monde émotionnel plus profondément que l'homme. Dans le prolongement de ce que j’ai dit en rapport avec les singularités générées par notre société : de nos jours, le quotidien nous laisse voir des types de l’homme qui a suivi la femme dans cette voie. Des hommes à moitié femmes à moitié hommes sans qu’ils ne soient homosexuels.
En revanche, l’homme laisse le dessus à l’intellect. C’est pourquoi il est à même de tenir ses émotions ou du moins les dissimuler. Au moyen du rationnel, son « Moi » s'est modifié d'une façon indésirable et il est maintenant entièrement dominé par son esprit. Et ses réactions émotionnelles, comparé à la femme, sont plus objectives. En maintes situations émouvante, l’homme rationnel sera considéré comme sans cœur. Pure dérision !
De là à en déduire que personne n’est impassible devant les émotions. Et si la campagne de l’homme est trop sensible pour ne pas être vulnérable, l’affectivité est naturellement commune à l’homme et la femme.
Puisque la consommation imitative et la critique infondée, sous toutes leurs formes, sont essentiellement l’orgueil de notre apport passif à la civilisation universelle, laissons parler la science au moins, fût-ce, par snobisme ! : « scientifiquement, l’homme sensible est doté d'une personnalité solide ».
Sur les débris de tant d’aspects culturels, nous continuons notre chemin vers le mirage de développement. Ne serait-il pas utile d’interroger notre conscience, en cours de route, sur l’essence de nos comportements : sommes-nous ce que la nature humaine nous a octroyé ? ou bien, sommes-nous ce que les convenances sociales ont fait de nous ?
L’action de pleurer n’est enfin qu’un état de réaction émotionnelle. Cependant, la perception intolérante et incompréhensive du pleur de l’homme, dans l’inconscient collectif, est un phénomène social digne de questionnement.