Qu’avons-nous détruit, qu’allons-nous laisser ?
Quand j’étais enfant, mon père m’emmenait souvent à la plage de trou d’eau dans l’ouest de l’île de la Réunion. Dans mon souvenir, ce rivage était recouvert de coquillages aux formes et aux couleurs dissemblables. On pouvait y apercevoir une étrange procession de petits crabes noirs. Cet escadron déambulait maladroitement sur le sable doré par le reflet du soleil couchant. Dans l’eau limpide du lagon, nous pouvions voir de nombreux poissons tournoyer entre nos jambes : des idoles des Maures, des licornes, des papillons… On y observait aussi de nombreux mollusques et des murènes aux couleurs surprenantes. Parmi les coraux aux couleurs vives, les bancs de capucins labouraient le sable immaculé en quête de nourriture.
Aujourd’hui, trente ans après, c’est moi qui accompagne mon fils de 10 ans sur cette plage pour y prendre quelques photos.
Malgré notre émerveillement devant l’arrivée d’un baliste Picasso, curieux de nous voir dans son élément, la tristesse m’envahis :
Pas un crabe ou un coquillage à l’horizon. Le lagon de mon souvenir est devenu turbide, verdâtre et froid.
On y distingue un corail moribond couvert d’algues brunes et rougeâtres, sur lequel demeure une éponge à l’agonie. A droite, à la manière de Sisyphe, une holothurie tente de nettoyer cet environnement saturé de matières détritiques.
Au centre, un chirurgien bagnard condamné à sauver son hôte et patient. A sa gauche, un faux nettoyeur guette les égarés de ce théâtre dystopique. Quelques mètres plus loin, un poisson lion, qui à l'instar de Cassandre, semble annoncer à l’humanité présente la fin de cette pièce dramatique. Le petit monde onirique de mon enfance s’est transformé en un tournant concret: une scène banale de notre société consumériste où Capucins et Chirurgiens, semblables à des vaches destinées à l’abattoir, broutent un pré d’algues semées par sapiens.
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Ce même sapiens qui sait tout ce qu’il faut savoir, ne peut-il pas faire l’épiphanie du changement nécessaire en faveur de notre environnement ? Pouvons-nous accepter de transmette ce spectacle décadent à nos enfants ?
Pour ma part, je suis persuadé qu'il est encore temps d’agir en faveur de nos écosystèmes et de notre biodiversité: alors démenons-nous, redoublons d'efforts et d'espoir pour sauver ce qu’il nous reste! Po nou sauv sak i rest !