Quinquennat de Marc Dugain
Ce livre que je viens de lire, un peu par hasard, bien que connaissant Marc Dugain depuis longtemps est un antidote au Novitchok. J’ose cette métaphore pour exprimer une surprise gallactique car le livre est excellent, bien que la fin, véritable lame de fond, noie trop vite le lecteur déjà asphyxié. Clairement, si on prend à la lettre ce que l’auteur distille au fil des pages, on quitte définitivement la France pour rejoindre une communauté animale. Bref, on échappe aux convulsions du Novitchok, mais pas aux nausées qui vous tordent en deux, le nez sur vos mocassins, et vrillent votre conscience citoyenne pour un temps indéfini, tel un stress post-traumatique. Encore plus clairement, ce livre risque de vous dissuader définitivement non seulement de vous engager en politique, mais de faire de la politique par quelque moyen que ce soi, pire, d’avoir le moindre respect pour tout ce qui touche de près ou de loin à ce domaine, journalistes et services spéciaux officiels ou non compris. Tout simplement, parce que l’auteur dissèque - trop bien - la part d’ombre de ses personnages, dont Lubiak et Launay, candidats aux plus hautes fonctions, entourés d'individus amoraux. A titre d’exemples, quelques phrases bien ciselées, qui mutilent littéralement l’encéphale du lecteur-citoyen tout en brossant une constellation politique incroyable : « La politique est un cabinet d’aisances où se pratique l’incontinence verbale sans pudeur. » « Tant que le peuple se laissera infantiliser et ne reprendra pas le pouvoir à son échelon, car malgré tout, l’Etat, tout en soufflant sur la braise de l’individualisme, parvient à se maintenir en fédérant des intérets antagonistes ». « La France a un problème particulier dans le concert des pays occidentaux. Elle est comme un adolescent qui se vautre de siège en siège dans une pièce sombre, ne sachant où poser son mal-etre ». « Elle l’avait reçu dans son corps comme elle l’aurait fait dans sa maison de campagne, en toute simplicité, sans affectation, mais avec la distance propre à son milieu ». « Terence l’avait possédée sans que jamais elle ne lui appartienne ». « Il faisait l’amour comme il inhalait de la ventoline ». « De haute taille, élégant, du genre qui peut participer aux plus sales coups à condition de ne pas en sortir décoiffé ». Bref, notre pays comme beaucoup d’autres, est selon l’auteur une kleptocratie où les intermédiations facturées sont légion.
« L’élimination de l’autre devient un objectif en soi ».
« Quinquennat », c’est le tome deux de la trilogie de l’emprise. J’ai commencé par le tome 2, ce n'est pas bien grave, le tout est de commencer. De toute façon, je ne suis pas à un manquement près à la logique. J’ai en effet lu « American Tabloid » de James Elroy à l’envers en comprenant mieux les personnages dont JFK que beaucoup d'autres lecteurs.
Comme quoi, la politique et la corruption, ou la corruption et la politique, pas de différence ! Je ne vais pas tarder à attaquer les deux autres tomes, question de curiosité. Comment l'auteur peut-il en effet décrire des personnages aussi cyniques, animés autant par l'argent ? On se soufflera entre juristes que le droit de la compliance devrait se développer un peu plus vite.
Question fondamentale aussi que de savoir si le romancier ne dit pas mieux et plus vrai que le journaliste ou l'historien....