Réglementaire - Quelle réponse à la gestion des crédits non performants ?
Lors de la présentation de ses priorités de supervision pour 2019, l’ACPR a rappelé que la gestion des portefeuilles NPL était sa priorité absolue.
Concrètement, comme indiqué par la BCE le 22 août dernier (post que j’ai publié le 20 septembre), les forfaits de provisionnement demandés par le CRR (Pillier 1 – Approche « Comply ») et ceux exprimés au sein de l’ECB addendum (Pilier 2 - approche « Explain ») ont été alignés. Il s’agit ici d’un effort de simplification mais qui, in fine, ne change rien au cœur du sujet NPL.
D’ailleurs, quelle problématique se cache derrière ce sujet NPL?
Disons le tout de suite, en Europe, la part des stocks de NPL dans les encours totaux baissent de façon continue depuis 2 ans (voir graphique ci-dessous), ce qui rend difficile de comprendre en quoi ce sujet est une urgence pour le régulateur :
Source : ECB
N’est-ce pas le rôle d’une banque que de gérer son activité afin que ses revenus puissent faire face aux défauts de ses débiteurs ? Aussi n’est-ce pas paradoxal de challenger les banques sur leur cœur de métier historique ?
Les banques ont toujours fait ce métier mais pas forcément dans le monde tel qu’il est aujourd’hui. La crise de 2008 a clairement développé une phobie du régulateur européen à l’égard de la défaillance bancaire, dont l’augmentation des défauts des ménages est un indicateur avancé. Et force est de constater qu’une situation de taux bas et une concurrence renforcée (i.e. la situation de marché actuel) ne permettent pas de dégager un niveau de marge suffisant pour faire face à une hausse du taux de défaut des ménages et des entreprises. En clair, les banques ne sont plus suffisamment rentables pour compter sur leur seul talent. Aussi, un renforcement des outils de surveillance et l’évolution vers un système de gestion pro-actif des risques de défaut deviennent vital.
Théoriquement, suite à BCBS 239 et à l’accroissement significatif de la pression réglementaire depuis 10 ans (au travers de l’avalanche de textes réglementaires et de la refonte des dispositifs d’inspection), les banques françaises auraient dû avoir remis à plat leur systèmes d’information et leurs processus de monitoring et de reporting. Or, malgré l’engagement des top managements sur ces thèmes et des budgets significatifs investit dans ces sujets, aucune des grandes banques de la place n’a pour le moment réussi à mettre en place l’architecture technique et fonctionnelle nécessaire à un pilotage en temps réel des risques de défaut.
Les raisons de ce retard sont probablement à chercher du côté de l’obsolescence technologique des systèmes cœurs ainsi qu’un certain nombre de rigidités organisationnelles.
Concernant le premier aspect, l’essentiel des Core Banking Systems en place sont des systèmes développés dans les années 80. Les chaînes comptables présentant une granularité à la maille contrat sont rares, notamment sur les périmètres Retail. Or, l’essentiel des reportings utilisés au sein des banques sont issus de ces systèmes. Il n’est donc pas envisageable, en l’état, d’obtenir rapidement une qualité de données suffisante, permettant de piloter finement l’évolution des portefeuilles de crédits non performants.
En l’absence d’une base de données portant sur les collatéraux, il semble difficile d’assurer une évaluation précise, documentée et renouvelée régulièrement de ceux-ci. Les guidelines ECB sur la gestion des portefeuilles NPL décrivent 4 types de forfaits de provisionnements prudentiels (Unsecured, Secured par Collatéraux éligibles hors RE, Secured par collatéraux RE, Encours couvert par ECA) rendant cet exercice réglementaire extrêmement sensible à la qualité de l'information sur les collatéraux.
Si l’on se place dans le cas d’une banque ne pouvant apporter de réponses détaillées sur ses processus de valorisation de collatéraux, on peut imaginer suite à une inspection par une JST, dans le meilleur des cas, une pénalité prudentielle et dans le pire, le déclassement des encours concernés en Unsecured (les collatéraux n’étant pas considérés comme éligibles). Imaginez l’impact que cela pourrait avoir sur le CET1 d’une grande banque…
Dans ce cadre, quelle réponse pouvons-nous proposer sans forcément refondre l’intégralité des systèmes de la Banque ? Bien que la question s’impose, il s’agirait plutôt de proposer une réponse tactique, intégrée dans un programme plus large de transformation digitale.
Cette ébauche de réponse, je me propose de la présenter dans un prochain article.
Inspecteur commercial Grand Est
5 ansTrès bel article. Merci Alexandre !