RATIONALITÉ - (article manifeste)

RATIONALITÉ - (article manifeste)

RATIONALITÉ

(article manifeste)

Croissance, décroissance, transition écologique, sobriété, économie verte ; tous ces mots ont peu de sens. Ils servent au mieux, quelques ambitions politiques de portées limitées.

Petit pêcheur à la ligne, j’allais reprendre la saison. Alors que je récure ma petite boite rouge, pour asticots, une nuée de mouches mortes me saute dessus. Le spectacle de cette boîte remplie au-delà du bord de cadavres de mouches nécrophages m’horrifie. Cette image ne m’a jamais quitté.

J’ai pris très tôt conscience de la notion d’un monde défini dans ses limites et ses conséquences. J’avais 7 ans.

Dans le vote démocratique, sans distinction de partie, la promesse de croissance est le moteur principal de toutes élections. Après, il se passe ce qu’il se passe ; en politique, il n’y a pas de service après vente. Or, nous vivons tous dans un monde où nous avons des limites : limites physiques, limites des ressources, limites de l’espace, limites d’eaux douces, limites d’atmosphères. Une croissance ne peut être infinie, dans un monde fini (JM Jancovici).

Dans ces conditions et dans les conjonctures mondiales actuelles, toutes croissances économiques, démographiques, se font automatiquement au dépend du vivant et en hypothéquant sur l’avenir des futures générations.


D’un point de vue humain, du moins pour 99,9 % des humains, entrer dans un monde de décroissance, n’est pas concevable. Cela voudrait dire, qu’il faudrait être chaque jour plus pauvre, ou du moins renoncer à des pans entiers de notre confort moderne.

Ha ! Ce n’est pas un programme politique. Il créera plus d’inégalités et plus de tension sociale.

En tout cas, je ne vois pas comment cela peut-être concevable pour le politique comme pour l’économiste, pour une raison très simple : les dettes des états sont attribuées, du moins elles n’étaient concédées que sous l’hypothèse d’une croissance démographique, sociale, économique et de l’enrichissement des ménages consommateurs.

Dans l’hypothèse, et pour certains pays « riches » c’est une réalité, la décroissance démographique pose un grand nombre d’inquiétudes, dont le règlement de la dette des états et surtout le fonctionnement de ces états et de leurs entreprises dans un avenir plus ou moins proche, même s’ils n’ont pas ou peu de dette.

Une décroissance est hélas possible, voire très probable. Mais, elle risque fort d’être subie avant tout. Car sur une terre aux limites connues et définies (la terre est bleue comme une orange), la croissance des uns causera fatalement la décroissance des autres. Et, dans un marché des matières et des ressources de plus en plus tendu, la décroissance des uns et des autres sera inévitable au final.


La sobriété, je commence à avoir un doute sur sa réelle signification économique et politique. Mais surtout, je vois mal comment défendre un concept qui est avant tout une démarche personnelle (P. Rabhi – La sobriété heureuse). Cette démarche demande une prise de conscience à l’échelle de l’individu, et donc un éveil de conscience.

Je ne sais pas si l’on peut envisager la sobriété sous un angle politique, sans risquer à terme un dogmatisme énervé.

Pourtant, être sobre au sens de la définition de Pierre Rabhi, n’a pas pour objectif de remettre en cause notre bonheur, mais à le construire en appréciant avant tout ce que l’on a, et à le conserver du mieux possible. La Terre, fait partie de ces choses indispensables à notre bonheur, et accessoirement à notre survie. L’ obsolescence programmée du Vivant, dans ce cas très précis, n’est pas une option souhaitable.

J’insiste, c'est à mon sens une démarche personnelle. Une démarche que j'explore, à mon rythme. Et qui en aucun cas ne peut devenir un programme politique ou social, en soi.

Concrètement, pour un premier pas vers la sobriété, essayez de planter quelques pieds de tomates, des patates, des choux, des carottes, des poireaux, quelques fruitiers, et jouissez de vos premières récoltes. C'est compliqué, et ça demande de se pencher vers la terre.

Vous mangerez, certainement une maigre récolte pour commencer, des produits sains et bio. En terme de circuit court et de sobriété, c'est le top du concept : du jardin à l'assiette.

En cela, le sens de la « sobriété » est la reconnexion à la terre, au temps, à l'indispensable.


Transition énergétique, économie verte, entre les deux mon cœur balance.

Pourquoi pas une économie bleue, rouge, jaune ou rose, que justifie ce choix de couleur ?


Historiquement, avec le développement de l'humanité, des technologies, et donc des besoins en énergie, les nouvelles sources d'énergie viennent en strates successives, s'accumulant les unes aux autres.

Croire au miracle que la sainte « technologie » du futur réglera notre sort, c'est parier son avenir avec une pierre plate. Le monolithe fera une belle pierre tombale « Ci-gisent les prétentieux ».

Plus on avance (vers quoi?) , plus notre niveau technologique enfourne de matières et d'énergies.


Dans l'exemple de l'Allemagne, la transition énergétique, et surtout le renoncement au nucléaire civil, a rendu le système industriel dépendant au gaz, au charbon et au lignite. Il est clair à mon sens que la glorieuse transition énergétique est particulièrement gourmande en énergie, en énergies fossiles et en mines africaines.


L'idée d’arrêter les moteurs thermiques en 2035 en Europe, a-il du sens ?

L'idée de transformer notre mobilité fait son chemin, mais sans cartographie claire.

C'est bien l'idée que la technologie, par ses progrès, va répondre aux problématiques transitoires.

N'est-ce pas là, un pari d’orgueilleux ?

Ce qui est évident, c'est que c'est un pari gagnant sur le marché des matières premières, des terres rares, et des croyances en une nouvelle croissance vertueuse.

Ainsi, quand nous aurons fini de vider les trous de charbon ou de pétrole, nous ferons encore plus de trous pour exploiter d'autres matières, en lieux et place d'espaces vivants.

En 2035, serons-nous un verre de Champ' à la main pour se biser au nouvel an heureux d'une transition, ou devenus cannibales (Alex' tu f'ras la dinde ct' année) ?

2035, c'est bientôt !


Très bien, restons sur les problématiques de mobilité :

Une loi, qui se moque des choix démocratiques, comme des dictatures et des dogmes : E=1/2mv²

Et les joies de la mobilité alors ?

Une loi, et une seule , elle n'est issue d'aucune discussion, débat ou vote démocratique. C'est une loi physique ; E=1/2mv² .

Toute notre mobilité repose exclusivement sur cette formule.

Que cela veut-il dire ?

Peu importe la source primaire d'énergie, le besoin d'énergie pour déplacer un objet, dépend de sa masse (poids) pour moitié et de sa vitesse de façon exponentielle (au carré).

A cela s'ajoutent les différents dérivés de cette formule, concernant le sCX, la surface de roulement, et le rendement mécanique.

Bref, faire une voiture électrique ou un SUV (Sans Utilité Véritable) hybride de 2 tonnes, n'a pas plus de sens que de faire pomper des Shadoks.

En fait, cet exemple, me permet d'aborder une autre approche, très simple : la rationalité.


L’énergie, dit-on au long des crises diverses, est un enjeu de premier rang pour les pays

industriels. L’énergie, c’est le Graal de la croissance : NON !

NON !…

… c’est faux.

Ces dix dernières années, le monde n’a jamais produit autant d’énergie primaire, toute origine confondue, avec une presque exclusivité pour les énergies fossiles. On n’a jamais eu à notre disposition autant d’énergie. Nous avons même atteint un pic.


C’est juste qu’une société vorace en énergie n’a pas pris en considération « LA RATIONALITÉ », ni de ses besoins, ni de ses dépenses.


En 1996, Albert Jacquard fait part de son approche rationnelle sur le rapport démographie / niveau de vie :

« La terre peut nourrir 11 milliards d’êtres humains. Mais elle ne peut supporter que 700 millions de personnes riches comme vous et moi, et la terre n’en peut plus. » (En ajustant les données de progression des empreintes carbones générales, aujourd’hui ces chiffres seraient approximativement de 500 millions)


Pour faire face à l’explosion démographique, Albert Jacquard insiste sur l’éducation, et surtout l’éducation des filles.

Certes l’éducation est une première pierre à l’édifice de la raison, mais il faut aussi prendre conscience de notre place réelle dans un monde complexe, où la terre est un bien commun à tous les êtres vivants, et que ce même monde devra et doit être encore viable pour les générations suivantes.

Sans cette édification de la « RATIONALITÉ » en chaque être humain, nous irons fatalement vers un monde cannibale et de plus en plus violent. L’irrationalité ne peut conduire qu’à, l’extrémisme, à l’égoïsme, à la violence sous toutes ses formes, qu’à l’autodestruction de nous-mêmes.


L’extrémisme sous toutes ses formes, politiques, idéologiques, religieuses, économiques, a une haine profonde de la rationalité, de la « Raison » même. Tout extrémisme, tous les extrémistes se nourrissent de la peur, de la colère, de la frustration, et de l’égoïsme des uns, pour dominer et les uns et les autres, sans partage. L’extrémisme se reconnaît à sa capacité de destruction de l’éducation, de la culture, de la philosophie, du débat, et de l’ouverture d’esprit. L’extrémisme, exclut toute « rationalité », mais va opérer de façon rationnelle à sa destruction grâce à des gens très intelligents et instruits (Nazisme, Trumpisme, Poutinisme, Talibanisme).


Et pourtant, les régimes démocratiques et libéraux ne sont pas pour autant sur les rails de la rationalité, bien au contraire. La méthode (René Descartes) sert avant tout à performer le capital et à contrôler les flux de richesse, oubliant autant que possible une certaine redistribution et un renforcement des outils étatiques (éducation, santé, justice, défense, culture).


Si l’humain, souhaite émettre un vœu de rationalité dans son devenir, c’est à dire, avoir le désir d’une continuation de son espèce, il y a au moins 7 questions qu’il doit se poser :

- Quel est (sont) le(s) projet(s) « de l’Humanité » ?

- Quels sont les ressources disponibles ?

- Quels sont nos besoins réels ?

- Comment répartir ces ressources ?

- entre humains,

- entre humains et nature vivante,

- Pour combien d’êtres humains ?

- Sur quel espace dédié (humains, agricultures, industrie et nature vivante)?

- Que doit-on laisser aux futures générations ?

Cette dernière question est à mon sens fondamentale. Elle doit poser la base de toute politique, et de tout le monde.


Avec la chute de l’empire Mandchou, la nouvelle république chinoise émerge en 1910. Le programme de Sun Yat Sen se résume en 3 mots : Indépendance, Souveraineté, Bien être du peuple.

À la fin, des années 1940 la Chine est l’un des pays les plus pauvres du monde (peut-être même le plus pauvre), après plus de 50 ans de guerre et de révolte. (Alain Pyerefitte – quand la chine s’éveillera, le monde tremblera).

En 2000, La Chine a réalisé le rêve de Sun Yat Sen, devenant une puissance politique et économique incontournable.

Avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, l’économie chinoise est malmenée (crise bancaire et crise immobilière), le pouvoir chinois devient militariste, nationaliste, toujours plus répressif (crise sanitaire, Ouïghour, Promesses de Hong-Kong ...), vindicatif, compétiteur, « IRRATIONNEL ».


Nos sociétés « Modernes », toutes influences politiques et gouvernances confondues ne se posent pas la question de l’héritage qui sera laissé aux futures générations d’êtres humains. Et donc, n’agissent que dans des intérêts à court terme, électoralistes, de captation du pouvoir, spéculatifs, d’enrichissement personnel, ou face à des crises impromptues.

Donc, la préservation du bien-être, de l’environnement, des espèces (dont l’être humain), par la « rationalité », ne fait partie d’aucune idéologie politique, économique ou sociale. Pourtant, cela me semble assez simple et abordable. Et cela, deviendra inévitable.


Rationalité et rationnement, il y a bien un parallèle à faire.

Ma mère m’a confié ses souvenirs de jeunesse. Elle est née fin 1938. Elle avait malgré son jeune âge, des souvenirs tenaces de cette période ; la peur, l’horreur, la faim, et les privations. Durant l’occupation, puis encore quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale (1949 en France), l’argent n’avait de valeur pour se nourrir, que s’il était accompagné de tickets de rationnement. Dans toute l’Europe, ce type de ticket avait cours, et son indexation était fonction des besoins vitaux de chacun en fonction des ressources théoriquement disponibles.

Étrangement, hormis le marché noir, ce système n’a pas causé de mouvement sociaux, de manifs, ou d’atermoiements politiques.

Dans les faits, ce système de monnaie sans valeur, a sauvé la vie de ma mère, de beaucoup d’autres, et accessoirement de maintenir la cohésion de la société française.

Ce mode de répartition juste de la nourriture et des ressource était tout simplement rationnel, dans un monde de fous.

La rationalité n’est pas, et ne doit pas être politique, ni idéologique.

La rationalité doit être un état de la raison au service de la « Communauté ».


En annexe à ce texte, et pour illustrer son propos, j’aimerais proposer quelques axes d’actions qui me semble possibles et rationnels :

- Améliorer le rendement énergétique des voitures (VP), pour la limitation du poids (et des dérivés cités ci-dessus), et de la vitesse (115 Km/h maxi) – Faible investissement technologique, division de la consommation par deux ou trois, donc moins de pollution, moins de dépendance énergétique, et une amélioration du pouvoir d’achat de facto.

- Obligation du ferroutage pour les poids lourds en transit par la France, et pour les distances d’au moins 400 kms – Diminution du transport routier, de la pollution diesel, d’accident, meilleure régulation du trafic péri-urbain, rentabilisation du réseau ferré (et donc baisse du billet voyageur).

- Consignation / réemploi des contenants de liquide, et donc suppression des bouteilles plastiques consommables (standardisation des contenants en verre, en inox, en aluminium …) - Développement d’une filière nationale à impact régionale, zéro investissement technologique, énorme économie de gaz dans l’industrie du verre recyclé.

- Développement de la culture et de la filière du bambou – Le bambou est une alternative à la pénurie de plus en plus grave du bois. Sa croissance en terme de volume est 7 fois supérieure aux pins communs à croissance rapide et au peuplier. La résistance du bambou et 2 à 3 fois meilleure que les meilleurs bois exotiques. Cela implique une nouvelle filière de transformation en matériaux de construction (60%) et en granules de chauffe (40%). De plus, le Bambou est un éco-régulateur, un dé-pollueur de sol, et un formidable puits de carbone. Il n’a besoin de rien, ou presque. Enfin, son exploitation est régulière, de 5 à 7 ans pour la récolte (un rendement d’avenir face aux incendies à répétition et pourrait faciliter la gestion des parcelles face à ces risques).

- Penser un habitat individuel semi-enterré – en encaissant la maison individuelle de 80 cm sous le niveau du sol, on bénéficie de la modération naturelle de la température de la terre (16°). La terre comme principal matériau d’isolation pourrait venir compléter ce principe d’architecture. On aurait besoin de moins de matières premières, moins de consommation d’énergie (hivers avec double flux, été sans clim). Ce principe me semble le plus évident face aux températures de plus en plus élevées en période de canicule (40-45°). Ce serait une amélioration du confort et moins de besoins énergétiques. Ce principe pourrait être conciliable avec des bâtiments publics, voire d’entreprise. (Technique vs Technologie miracle)

- La semaine de travail de 36+2 (ou 3) sur 4 jours (9 heures sur 4 jours de présence par semaine (rotation des jours de la semaine) + plus 2 heures dus à l’entreprise pour le distanciel, la formation, les pics d’activité, les réunions en téléconférences, la promotion de l’entreprise, …) - Cela aurait plusieurs avantages : plus de flexibilité sur les postes de travail et moins d’espace de bureau, 20 % de trajet pour aller au travail en moins, moins de transport/circulation urbain et péri-urbain (20%) aux heures de pointe et donc moins de pollution et de disponibilité de transport, plus de temps pour soi et plus de repos.

Ce sont là quelques exemples de propositions, ni politiques, ni technologique, mais qui auraient un impact économique, environnemental, social, et individuel très positif. Le problème, ce sont les intérêts privé et les lobbys, qui à terme seront menacés d’une façon ou d’une autre.


Et parce qu’aucun empire n’est éternel, que la gloire des nations ne sert qu’à bouger des frontières, il est plus qu’évident qu’en tant qu’espèce dite intelligente, nous devons avoir une approche plus rationnelle et globale de l’intérêt commun et surtout de l’intérêt des futures générations d’êtres humains en particulier, du Vivant en général.


La Terre est bleue comme une orange (Paul Éluard).

Qu’elle ne devienne pas une boîte rouge à asticots, s’il vous plaît.


Jyb – le 16-09-2022

Lien en références :

Jean Yves BOULAY

Directeur-fondateur de Y-CAT chez Y-CAT (marque déposée)

2 ans

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