Regard sur le communiqué de presse de l'ACPR du 10/03/2020 sur l'assurance vie
Début des années 2000... Cela ne me rajeunit pas. Je suis alors étudiante en fac de droit et j'écoute (plus ou moins attentivement j'avoue...) Mme X, maitre de conférence, nous détailler les différentes typologies possibles des contrats d'assurance : Assurances de biens et de responsabilités et assurances de personnes / Assurances individuelles et collectives / Assurances gérées en capitalisation et gérées en répartition / Assurances vie et non vie...
Des années plus tard, je suis jury pour un Bachelor assurance / banque et j'ai l'horreur de lire la classification des contrats d'assurance donnée par un groupe d'élèves pour le soutien de leur mémoire : assurances IARD / assurance vie... Quid des assurances complémentaire santé, prévoyance... Je n'en saurai rien.
Je me souviens alors de ma réflexion une dizaine d'années plus tôt. Pourquoi l'assurance vie est-elle considérée comme un produit d'assurance et non comme un produit d'épargne ?
La réponse vient dans la garantie du risque assuré en assurance vie :
- soit la survie d'une personne au terme du contrat --> assurance vie en cas de vie,
- soit son décès avant le terme du contrat --> assurance vie en cas de décès.
Il apparait ainsi logique que l'assurance vie, quel que soit son objectif de souscription (épargne affectée ou non à la retraite, prévoyance, transmission du patrimoine), est un produit d'assurance.
L'assurance vie est un produit d'assurance
Les composantes du contrat d'assurance sont en effet présentes... deux souscripteurs a minima ayant des obligations réciproques : garantir un risque pour l'assureur contre le paiement d'une prime / cotisation pour le souscripteur.
En tant que tel, ses conditions de souscription restent similaires à celles de tout produit d'assurance :
- La capacité des parties que ce soit celle de l'assureur devant être agréé et celle du souscripteur devant être capable juridiquement.
- Le consentement qui doit être libre et éclairé que ce soit de nouveau du point de vue de l'assureur par le biais du recueil des besoins et exigences du client et du souscripteur qui doit répondre exactement aux questions de l'assureur sous peine de sanctions.
- Une information précontractuelle matérialisée par une proposition d'assurance, la notice d'information / les conditions générales et la formalisation du devoir de conseil, le DIC doit être donnée en amont de la souscription (éventuelle) d'un contrat, et ce, y compris pour la vente à distance !
L'assurance vie est néanmoins un produit d'assurance particulier...
Particulier pourquoi ? car il concerne à la fois la protection d'un patrimoine (ici financier constitué des primes / cotisations versées par le souscripteur et confiées à l'assureur pour valorisation) et d'une ou plusieurs personnes assurées d'un contrat.
Particulier comment ? car il est entendu par le législateur et le régulateur du secteur (le gendarme ACPR) comme un produit devant bénéficier d'un devoir de conseil renforcé.
Je vais sur ce point essayer d'être à la fois exhaustive et pragmatique. La chose n'est pas aisée tant les caractéristiques des produits, les rendements, les profils et objectifs des souscripteurs peuvent différer.
- Avant souscription (et en cours de contrat), le distributeur doit interroger le souscripteur éventuel sur ses besoins, objectifs et exigences (comme pour tout autre produit d'assurance) mais aussi sur sa situation financière et patrimoniale, ses connaissances en matière financière, son appétence au risque. On me dit souvent que le questionnaire en assurance vie est long, compliqué à formaliser pour le courtier qui devra choisir parmi ses fournisseurs le produit qui sera le plus adapté aux besoins de son client mais aussi à ses connaissances et compétences en matière financière. C'est une réalité : le mien fait 12 pages de mémoire. Reste que ce recueil est la base du devoir de conseil et que lui seul pourra permettre au conseiller de comprendre les besoins de son client et de pouvoir lui conseiller la bonne allocation d'actifs, le bon arbitrage, le bon mode de gestion du contrat...
- Avant souscription toujours, le distributeur devra mettre en garde son souscripteur... C'est l'objet du communiqué de presse de l'ACPR concernant l'assurance vie dans ce contexte financier particulier (des taux de rendement bas parfois inférieur à l'inflation et une volatilité du marché financier compliquée à anticiper à court terme dans ce contexte COVID 19). Alors mettre en garde son souscripteur comment ? En informant le souscripteur sur le fait que :
- le contrat d'assurance vie, même si la réforme Flat Tax de la fiscalité entrée en vigueur le 1er Janvier 2018, a pu laisser penser que ce contrat pourrait ne plus être seulement un produit de long terme, reste un produit d'épargne de long terme (avec un horizon préférable supérieur à 8 ans) car une sortie anticipée peut présenter des pertes en capital en raison des rendements actuels et des frais de l'assurance vie (frais de versement, frais de gestion).
- le contrat d'assurance vie est un produit financier qui peut être source de risques de perte en capital selon les modalités d'investissement choisies. Et c'est là où le bas blesse. Combien de personnes âgées voient encore une allocation d'actifs constituée principalement en unités de compte ? Combien de jeunes actifs ayant pour but de préparer leur retraite voient au contraire leur capital investi en 100% fond euros.
- En cours de contrat, le distributeur devra de même revoir régulièrement son client et s'assurer que le contrat (au sens large) reste toujours adapté à ses besoins et exigences. En cas de demande de rachats, d'arbitrage, d'avance, le distributeur devra de plus s'assurer que les opérations effectuées correspondent aux objectifs de la personne et que le choix fiscal est le meilleur... et toujours toujours informer son client.
Le contrat d'assurance vie est ainsi un contrat d'assurance... particulier. Il est important de rappeler que si le client averti est celui qui présente des connaissances et une expérience dans le domaine financier notamment, le distributeur bon conseiller est celui qui présente à minima une connaissance et une expérience importante dans le domaine. Pour bien conseiller en effet, pour mettre en garde et pour anticiper les risques de perte en capital mais aussi de déception, chacun doit en effet comprendre que dans notre contexte financier actuel, seule l'information sur les produits choisis et conseillés (modalités d'investissement, allocation d'actifs, arbitrage, modalités de sortie et fiscalité...) permet à mon sens d'éviter les surprises désagréables. Je rejoins donc le communiqué de presse de l'ACPR qui rappelle les bonnes pratiques en matière d'information.
https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20200310_cp_assurance_vie.pdf
Conseil en stratégie
4 ansC'est une juste analyse et fort intéressante. Mais sur le fond, nous avons un produit d'épargne long hébergé dans une enveloppe assurantielle (qui implique effectivement un aléa et l'intégration d'une garantie prévoyance en cas de décès) qui est extrêmement contrainte et de l'autre nous avons des produits d'épargne bancaire (comptes à terme par exemple) ou financière (PEA par exemple) et des instruments financiers (SICAV par exemple) qui ne souffrent pas du même niveau de contrainte dans la distribution et la gestion. Cela crée incontestablement une distorsion de concurrence d'autant plus que le rôle du distributeur est prépondérant dans l'orientation de l'épargne des ménages qui disposent généralement de faibles connaissances financières. Par exemple, juste après la crise de 2008, les banques ayant prioritairement besoin de liquidités avaient fortement orienté l'épargne assurantielle vers l'épargne bancaire et nous avions constaté un temps, une sérieuse décollecte en assurance-vie. In fine, la sur-régulation de l'assurance ne me semble profitable pour personne et source de coûts significatifs (répercutés dans les frais de gestion...). Qui peut dire que le Livret A qui fait perdre de l'argent à ses détenteurs (taux inférieur à l'inflation) est aujourd'hui un bon placement, et pourtant c'est le placement star, bien au-dessus des besoins d'épargne de précaution. Mais comme on en a besooin pour financer le logement social (noble cause)) on évite la sur-réglementation et la sur-information de l'épargnant...
Présidente chez EOLE BUSINESS ET RH
4 ansMerci pour ce Regard ! Dans la définition du contrat d’assurance vie il manque l’aléa . La Cour de cassation l’exprime en disant qu’au moment de la souscription, le souscripteur ne sait pas si c’est lui ou le bénéficiaire qui touchera les fonds! Et l’autre aléa c’est que le souscripteur ne connaît pas la date de son décès ! Pour autant cette mise à jour de la recommandation de 2013 était nécessaire pour DDA et post RGPD !