Social Selling : L'Imposture 2.0
14h20. Meeting room. 7eme étage. Le café est tiède, les politesses sont passées, nous arrivons maintenant au cœur du sujet :"Oui, me dit-il, je sens bien que le Social Selling est un véritable enjeu ! Mais… mes commerciaux ne s’y mettent pas ! Pourtant on leur a donné une bonne formation sur linkedin ! On a découvert plein de champs, d’usages et d’options. Depuis le soufflé est retombé. On a arrêté de leur payer le Sales Navigator, les commerciaux ne l’utilisaient pas. Et ils ne publient quasiment rien malgré tout le contenu relayé par notre marketing. Quand à en créer eux-mêmes et provoquer de l'émulation, j'ai l'impression qu'on en est très loin ! Tu en penses quoi, Laurent ?» Le directeur commercial me rend la parole et attend que j'émerge de mon long silence.
Ce que j’en pense ? Franchement ?
Je pense qu’il est grand temps de tomber les masques !
Je pense que le Social Selling va avoir comme effet, totalement inattendu dans les organisations commerciales, de soulever enfin le couvercle de la boite de Pandore. Ou d'y mettre un grand coup de pied !
Comme toujours, le symptôme n’est pas la maladie. Le Social Selling n’est pas le souci en soi, pas plus que l’agilité face aux nouvelles technos ou la maturité digitale des commerciaux. Le noeud du problème est vieux comme la vente, vieux comme le monde. Et il se manifeste déjà sous bien d’autres formes dont les plus courantes sont la démotivation et le turnover des commerciaux , le chiffre d’affaire en berne, la difficulté à prospecter, à défendre le prix, les marges, la fragilité face à la concurrence, …
Cette maladie profonde, sévère, cause de toutes ces difficultés, est passée sous silence. Comme la petite vérole jadis, elle est de nature honteuse et jusqu’ici personne ne peut s’en déclarer ouvertement atteint dans son entreprise sans attirer sur lui l’indignation, la colère ou le mépris. Alors c’est l’Omerta !
Elle s’appelle, le Défaut de Conviction.
J’invoque ici le mal qui ronge la majorité des forces de vente que je croise : Ils ne croient pas (ou plus) en ce qu’ils vendent. Ils le savent et ils le taisent ! Ils « font le job », touchent leur salaire à la fin du mois et s’assoient sur ce manque de Foi comme si il faisait partie des meubles ordinaires de leur environnement de travail. Un truc normal. Encombrant, moche, excessivement lourd, oui, certes, mais inévitable.
Le défaut de Conviction, c’est l’Éléphant dans la pièce de toutes les forces commerciales. Personne ne dénonce sa présence énorme qui déforme tout. Et tout le monde le décrit par un bout, d’une patte ou d’une défense, d’un symptôme à un autre ; une énième démission, un trimestre plombé, encore un grand compte qui s’en va, et maintenant, l'équipe de vente qui semble infoutue, malgré les formations et les invectives, d'utiliser correctement Linkedin et Twitter pour remplir son pipeline ou son agenda !
Et bien non, vos commerciaux ne feront pas votre Social Selling, parce qu’ils n’ont pas la Foi !
Soyons lucides : 40 heures par semaine le temps de travail de vos commerciaux vous « appartient ». Ils jouent le jeu et l’emploient de leur mieux à mettre en avant les mérites de vos produits ou services auprès de vos cibles clients. C’est leur boulot. Ils essuient tous les refus au nom de votre Maison, dans le respect de leur contrat. Pour ce faire, ils utilisent le téléphone, le mail, la voiture, la doc de l’Entreprise, mais...
Mais qu’est-ce qu’un "profil", sur un réseau social, même professionnel ? C’est tout simplement un espace personnel ! Public, certes, mais personnel. Il s’agit de leur propre vitrine, qu’ils considèrent souvent comme une sorte de CV. Ils en ont le contrôle exclusif ! Il est ouvert à tous, pas seulement aux prospects choisis par votre entreprise. Leurs profils sont visités par leurs connaissances, leurs amis, leurs anciens collègues ou clients, des recruteurs, leurs futurs employeurs peut-être. Nous parlons ici de leur façade personnelle, ouverte sur leur vie sociale, privée et pro.
Sincèrement, lequel d’entre vous serait prêt à coller sur la façade de son domicile une affiche en 4 par 3, vantant votre dernier produit et, juste au-dessous, une série de communiqués officiels ? Porterez-vous, cet été à la plage un T-Shirt avec le logo de votre boite et ses résultats en chiffres clés ? Un maillot avec l’Url de la page actu de son site ? Lequel d’entre vous lèvera son verre en récitant un communiqué professionnel inspirant ou un témoignage client poignant au moment de découper en famille la dinde de Noel? Qui est prêt à se faire tatouer la Mission de son employeur sur la poitrine ?
Sans pousser jusqu’à ces extrêmes, comprenez-vous qu’ils n’utiliseront pas leurs précieux profils personnels pour faire du Social Selling au nom de votre entreprise si ils ne possèdent pas en eux la conviction parfaite que ce qu’ils vendent est important, louable, noble, si ils ne sont pas fiers de travailler pour votre Entreprise ? Pas juste « contents » Mais Fiers, avec ce « F » majuscule qui caractérise les Grandes Boites ou les Nobles Causes ?
Oui, demander aux forces commerciales de passer au Social Selling risque de mettre violemment en lumière ce problème grave d’absence de conviction dans l’âme et le cœur de nos vendeurs, qu’on ne pouvait alors qu'observer dans ses effets indirects sur l’activité commerciale.
Avant j’utilisais un truc infaillible pour sonder cette conviction ; Je demandais, au débotté, à un commercial si il avait déjà offert ses produits ou services à son entourage direct, ses amis proches, sa famille (ou cherché à exploiter ce réseau intime pour trouver des contacts qualifiés en B2B). La réaction est toujours éloquente ;
Souvent c’est« Heu non... »suivi d’une excuse bredouillée du genre « mais… ça n’intéresse pas grand monde chez moi ». (Ah bon, vraiment, dans ta famille ou tes amis, personne n’est en contact avec un client potentiel ?)
Parfois c’est « Non, Jamais ! » avec un ton franc qui me fait entendre « Déconne pas ! Pas de ça chez moi ! ».
Exceptionnellement j’ai « oui, bien sûr ! j’ai commencé par eux, c’est une opportunité dont je ne pouvais pas les priver ! ».
Mais cette astuce-là est dépassée. Aujourd'hui, je n’ai qu’à leur proposer de faire du SocialSelling, pour voir. D’ailleurs, vous vous doutez bien que les deux premières catégories de répondants n’en feront probablement jamais alors que la troisième ne vous a pas attendu pour s’y mettre !
Faites le test, si vous l’osez. Et si on vous pose la question, répondez franchement, c’est peut-être enfin l’occasion d’ouvrir les yeux. Et, oui, c’est une bonne chose ! Tout ce qui permettra aux acteurs de l’économie de comprendre l’ampleur de la catastrophe silencieuse que représente le défaut de Fierté et de Sens dans les organisations, mérite d’être tenté !
Car, tant qu’à être lucide, changeons le scalpel pour la hache : ce n’est absolument pas de la faute des commerciaux si leur foi est en berne ! Il est question ici de la responsabilité de la chaine de commandement de l’entreprise, de son plus haut sommet jusqu'à son plus intermédiaire manager, qui échoue, au mieux par omission, au pire par la même absence totale de conviction réelle, à incarner un leadership inspirant capable d’allumer la flamme dans le cœur des vendeurs ! Comme le dit si bien Michael Aguilar : « Êtes-vous croyant ou seulement pratiquant ? »
Bien sûr, je vois déjà émerger tout une ribambelle de nouvelles justifications qui suivent un « je veux bien mais… » et qui vont leurrer un temps les organisations, comme, par exemple « … vais-je recevoir une augmentation pour ce travail supplémentaire ?» ou « …mes contacts continueront-ils à m’appartenir si l’entreprise paye mes abonnements aux réseaux sociaux ? ». Ces questions sont intéressantes, mais elles seront utilisées comme un épandage sauvage d’huile dans l’espoir de faire déraper la bagnole du Social Selling.
Les convaincus, les zéoltes, les fans de leur Boite font déjà naturellement du Social Selling, depuis suffisamment longtemps que pour commencer à en récolter les fruits (juteux). A ceux-là, mes amis les experts vont pouvoir apporter une tonne de nouveaux outils et de bonnes pratiques pour en démultiplier l’effet. Et ils prendront tout !
Les autres ne sont pas perdus pour autant. Ils sont juste en défaut de Sens et de Fierté. Ils vous tendent un miroir dans lequel il va falloir vous regarder pour comprendre qu’il y a un travail profond à réaliser dans votre organisation. Profond mais formidablement intéressant, enthousiasmant, jouissif même, si vous arrivez à son terme.
La semaine dernière encore, un confrère me confiait « Enfin, Laurent, 75% des vendeurs n’en n’ont rien à foutre de leur produit ! C’est un boulot alimentaire ! Je ne vois pas en quoi ça te choque ! ». Ca ne me choque pas, non c'est bien pire, ça me révolte !
Ca me révolte parce que la vente est un des plus beaux métiers du monde et que l'exercer est une chance, pas un fardeau ! Ca me révolte parce que ce résultat est le produit d'une démission générale de la responsabilité humaine et sociétale des entreprises qui pourraient aider des millions de travailleurs à réussir leur vie et pas juste à la gagner. En donnant du sens, en cultivant la fierté !
Et en même temps cela m'enthousiasme, car c’est ma raison d’être ! Voyez vous, j’ai comme marché 75% des vendeurs et comme mission de leur faire aimer ce qu’ils font. Et des solutions existent ! On en parle quand vous voulez !
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10 moisC'est beau 🤩 C'est tellement vrai. Belle analyse.
Tout le monde devrait raconter son histoire 🎬 Content Manager chez Tokster & Zepros / Storyteller & Créateur de contenu free-lance
6 ansTrès bien écrit, très bien raconté ;)
Chargé d'Affaires
6 ansTout est vrai dans ces écrits, seul manque à l'appel le back office maîtrisé sur lequel peut s'appuyer un commercial : les commerciaux sont les soldats d'une entreprise, ils conquièrent de nouveaux territoires de nouveaux clients, doivent entretenir de bonnes relations avec ces partenaires, etc, et pour ne pas perdre leurs fonds de commerce, ils solutionnent diverses problématiques quand elles surgissent, avec le concours, soutien, et compétences des services internes ad'hoc. Pour ce faire le back office doit être efficace, et capitaliser sur l'historique, mettant en place une efficience qui "subjuguera" le client de par la qualité des réponses proposées. Tel un entraîneur qui après une 1ère mi-temps calamiteuse repositionne son équipe sur un nouveau schéma de jeu, avec ou sans nouvelle tête, car il aura appris soit de ses erreurs, soit des innovations auquelle son équipe était exposé en cette première partie de jeu. Pour l'entreprise il me semble que c'est la même chose, le talent d'un commercial, quel que soit son niveau de management, est aussi tributaire de l'implication de l'organisation générale dans lequel il évolue. Si l'entreprise ne prend pas en compte l'adversité créée soit par ses produits (ou services), soit par la concurrence, elle ne peut demander l'impossible à son front office. Les clients sont les utilisateurs de nos contrats, ils les achètent avec les services qui vont avec, donc tous les intervenants sont impliqués, du front au back office, cela reste et demeure le grand défis de l'entreprise.
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6 ansWahouuu. Vraiment impressionnant de vérité. Félicitations.
Merci pour cet article très intéressant sur l’importance de créer la conviction au sein de ses équipes afin de réussir le Social selling de son entreprise ou ses produits. Ton texte est à la hauteur de la qualité de tes conférences et formations! Alan Walter Rugamba Fabienne Vier John van de Kerckhof