Sorties de villes
Comme nous avons fait agrandir notre petite maison de l’Essonne rurale, je fréquente souvent la RN 20. La vision à répétition de ces tronçons entiers de non urbanisme et de non architecture me fait régulièrement me demander si en matière d’architecture et d’urbanisme, notre pays ne serait pas malencontreusement demeuré un pays … « en voie de développement ».
Ayant travaillé de nombreuses années chez un grand maitre d’ouvrage parisien, je me disais que les concours, les architectes voyers sévères, les règlements d’urbanisme détaillés, tout cela était généralisé et devait concourir à la production d’espaces urbains et expressions d’architectures qui évitaient le plus souvent la médiocrité, même s’ils ne constituaient pas toujours des réussites flamboyantes. Mais visiblement, le niveau de savoir faire architectural et urbain diminue de manière exponentielle au fur et à mesure que l’on va du centre aux périphéries urbaines.
Manque ou médiocrité des documents d’urbanisme, disparition progressive des services qualifiés de l’Etat, choix architecturaux laissés à des intervenants de secteur sans culture, logique du laisser faire (pourvu que ça rapporte ?), ce pseudo libéralisme a produit très majoritairement des lieux dépourvus du minimum de qualité des espaces et des bâtiments créés.
Ma femme et moi avons parcouru en 2016 l’Utah, le Montana, l’Idaho et l’Oregon. Une amérique des petites villes et des grandes routes « interstate ». Eh bien, dans ces états qui comportent plus de petites conurbations que de grandes métropoles, les étalements commerciaux qui marquent parfois longuement les entrées/sorties de villes sont infiniment mieux ordonnancés et de bien meilleure qualité que ce qui est produit autour de nos grandes agglomérations. Visiblement, le libéralisme n’a pas empéché la production de quelques réglements simples qui, s’ils sont parfois un peu répétitifs, produisent néanmoins un minimum de qualité urbaine.
Paradoxalement, nous avons en France une pléthore d’architectes et une belle brochette d’architectes urbanistes. Mais, en forçant à peine le trait, on peut dire qu’entre 25 et 35 ans un/une architecte est trop jeune ou/et trop peu expérimenté pour être considéré comme véritablement utile, qu’entre 35 et 45 ans, si il/elle a la chance de pouvoir accéder à des cercles restreints ou à quelques concours, il/elle fera partie des happy architectes qui sont publiés dans les revues (s’il y en a encore) ; sinon il pourra quand même subsister s’il a de la persévérance. A partir de 45 ans commencera une carrière difficile de « vieil architecte ». Ainsi, en forçant à peine de trait, on peut dire qu’une carrière d’architecte, c’est comme une carrière de footballeur mais c’est moins bien payé.
En résumé, a un bout de la chaine, des espaces urbains médiocres et à l’autre bout, tant de compétences inutilisées. Ou est l’erreur ? Décidément, la France est le pays du luxe. Le vrai luxe, c’est d’avoir à portée tous les possibles …et ne pas s’en servir.
Beau texte sur ce constat de l’abandon des périphéries urbaines , les paysages « urbains » chaotiques et pléthoriques que l’on vit tous au quotidien.... seule remarque , ces espaces Péri-urbains me semblent autant cacophoniques aux USA qu’en France! Et j’ai autant de mal la bas de leur trouver une homogénéité tangible, d’Est en Ouest , même combat même vide intersidéral.... j’ai lu il y a longtemps un ouvrage de Robert Venturi et Denise Brown (1972) un ouvrage. Célèbre » learning from Las Vegas » qui procède un peu du même thème de votre post ... et dès 45 ans nous cataloguer « vieux archis » c’est peut être un peu fort de café non!!??