Taux effectif global (Teg) : la démystification ?
Les parlementaires ont voté, avant-hier, le projet de loi n°45/2020 portant définition et répression de l’usure. L’une des décisions phares contenue dans ce texte reste incontestablement l’obligation faite aux établissements de crédits de mentionner désormais le Taux effectif global (Teg). Ce dernier, rappelons-le, correspond au taux qui prend en compte l’ensemble des frais occasionnés par la souscription, par exemple, d'un prêt auprès d’une institution bancaire ou de microfinance. Ce jalon posé par l’État à travers le ministère des Finances et du Budget est une étape importante vers la démystification du Teg qui continue d’être une énigme pour bon nombre de clients.
Avec le vote de ce texte et son application prochaine, les usagers de banque deviendront plus informés et auront une meilleure appréciation des coûts de leur crédit et de leur tableau d’amortissement durant toute la maturité (durée) de leur prêt. On ne peut que s’en réjouir. Depuis toujours, le pauvre client a été laissé dans le flou ; empressé qu'il est de voir la couleur de l’argent. Dès lors, il se souciait peu des éléments intervenant dans la structure du coût de son crédit.
Le manque criant d’information sur les taux d’intérêt est manifeste. Les résultats de la dernière enquête réalisée par l’Observatoire pour la qualité des services financiers (Oqsf) sur les services bancaires montrent que la qualité de l’information préalable fournie sur le Teg est diversement appréciée. Une proportion de 17,9% des clients bénéficiaires d’un prêt auprès des banques déclare n’avoir pas été informés avant la signature de leur convention de prêt. De même, une proportion de 22,9% des clients interrogés déclare ignorer les taux d’intérêt débiteurs qui sont appliqués aux prêts.
Ils sont nombreux nos concitoyens qui ont mordu à l’appât des taux d’intérêt promotionnels affichés par les banques et les systèmes financiers décentralisés, notamment en période de fêtes (Tabaski, Korité) ou de rentrée scolaire et universitaire. Des taux estimés au départ à 5% renchérissent pour se situer à plus de 7% au moment du calcul du Taux d’intérêt effectif global (Teg). Normal ! Certains frais ne seront connus par l’emprunteur qu’au moment d’apposer sa signature. Imposer les établissements de crédits à mentionner le Teg dans les contrats de prêt est certes salutaire, mais cela ne suffit guère pour garantir à l’usager d’avoir en possession les outils devant lui permettre de mieux appréhender le taux avec lequel il emprunte l’argent à sa banque.
Toute la problématique réside plutôt dans les éléments constitutifs du coût du prêt et les montants pondérés qui leur sont assignés. Ce qui n’est pas souvent le cas lors des signatures des conventions de prêts. Cette volonté des banques de ne pas divulguer le Teg dans leurs documents de prêts peut se justifier par des raisons purement commerciales si l’on sait qu’elles opèrent dans un secteur aussi concurrentiel. Toutefois, l’absence de mention de ce taux peut être source d’asymétrie d’informations entre les deux parties et contribue à favoriser les contentieux bancaires. L’on ne peut pas passer sous silence le paramètre risque, minutieusement analysé et sérieusement pris en compte dans la détermination du taux d’intérêt.
Ces mesures prises par l’État n’auront de sens que lorsqu’elles seront accompagnées par un suivi strict et une surveillance accrue de la part des autorités en charge de la réglementation bancaire, en particulier et du système financier en général. Les clients semblent désarmés face au pouvoir d’influence du système bancaire qui semble suspendre une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. L’on se souvient encore des 19 mesures prises par la Bceao relatives à un certain nombre de services bancaires qui devaient être offerts à titre gratuit par l’ensemble des établissements de crédit exerçant leurs activités dans les pays membres de l’Uemoa. Malgré leur entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2014, des clients se plaignent encore des tracasseries subies dans les établissements de crédits.
Tous les acteurs devront jouer leur partition pour un respect strict de cette mesure relative à la mention obligatoire du Teg dans les contrats de prêt (dans les établissements de crédits). D’où l’apport déterminant attendu des acteurs tels que l’Observatoire pour la qualité des services financiers (Oqsf), l'Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif), la Commission bancaire de l’Umoa ou la Direction de la monnaie et du crédit (Dmc).
Par #Abdou_Diaw, Journaliste économique
CEO de Droit Médias Finance (DMF) - Auteur d'un Code du Marché Financier de la CEMAC.
4 ansBoris Rodrigue Minlo Enguele