THOMAS MAURAS, UNE FIN DE CYCLE EN APOTHÉOSE

THOMAS MAURAS, UNE FIN DE CYCLE EN APOTHÉOSE

Il y a quelques semaines, le Réunionnais Thomas Mauras a été sacré champion d'Europe -17 ans, seulement le deuxième titre dans l'histoire du squash français dans une compétition jeunes par équipe après celui de 1993. Alors qu'il va emprunter un nouveau virage à partir de la rentrée prochaine, c'était l'occasion de revenir sur le parcours du joueur du Jardin Squash Club depuis six ans, qui avait commencé par un titre de champion de France en -11 ans et qui se conclut par un sacre continental.

PRÉAMBULE

L'info n'a pas pu vous échapper si vous suivez le squash de près : il y a quelques semaines, les Bleus ont remporté le championnat d'Europe -17 ans à Prague, en battant la Belgique en finale, et c'était un évènement. Depuis que la France a commencé à participer aux compétitions internationales en jeunes au milieu des années 1980, elle avait décroché un seul titre - en 1993 au championnat d'Europe -16 ans. Bravo donc à Lauren Baltayan, Axel Diet, Mathias Santiago de la Colina, Inès Guyot et Thomas Mauras, qui ont marqué l'histoire du squash hexgonal et n'oublieront jamais ce dimanche 14 mai. À peine le temps de savourer ce succès, le Réunionnais s'est ensuite rendu à Bordeaux pour y disputer les championnats de France de la catégorie. Il s'est logiquement incliné en quart de finale contre un très solide Thomas Garcia, avant de terminer à la sixième place, un résultat honorable pour un garçon qui a fêté ses 15 ans le 18 novembre dernier. À l'issue de la compétition, on a retrouvé Thomas Mauras en compagnie de celui qui a été son entraîneur depuis six ans et son père Julien, souvent à ses côtés en compétition. À la fois pour revenir sur le titre européen, mais aussi pour évoquer la saison prochaine.

Jérôme Elhaïk : Pour commencer, on va parler de la finale du championnat d'Europe et de la manière dont vous l'avez vécue tous les trois. Thomas, tu n'étais pas aligné pour cette ultime rencontre face à la Belgique, comment et quand l'as-tu appris ?

Thomas Mauras : Notre entraîneur yann menegaux a annoncé la composition le matin. J'étais évidemment très déçu, je considère que je gère plutôt bien la pression et je pensais sincèrement que j'allais jouer. D'un autre côté, je n'étais pas au top de ma forme donc j'ai accepté cette décision. Et de toute façon, c'est une compétition par équipe, ça ne sert strictement rien de faire la gueule (sic) et d'avoir une mauvaise attitude. On gagne ensemble, on perd ensemble. Une fois la déception passée, j'ai donné mes tripes pour encourager les deux équipes de France que ce soit les -15 ou mes coéquipiers des -17. Comme les deux finales se sont enchaînées, je n'ai même pas mangé le midi tellement j'étais à fond dans les matches !

Jérôme Elhaïk : Revenons brièvement sur le déroulement de cette finale historique contre la Belgique, qui commence avec le match de Mathias Santiago de la Colina contre le numéro 2 adverse Wiktor Maquin (remporté par le Français en 4 jeux).

Thomas Mauras : C'était un match compliqué à regarder, Mathias a galéré et n'a pas joué au niveau qu'il est capable de produire. Mais c'est difficile pour moi de commenter sa prestation, je ne suis pas à sa place, c'est lui qui était sur le court et l'essentiel était de gagner.

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De gauche à droite : Julien Mauras, son fils Thomas et l'entraîneur du jeune réunionnais, Matthieu Huin (Crédit photo : Jérôme Elhaïk)

Jérôme Elhaïk : Avec ce format de rencontre à 3 matches, on savait que c'était un match décisif car la Française Lauren Baltayan était sur le papier largement au-dessus de toutes les autres joueuses de ce championnat.

Thomas Mauras : C'est vrai, mais Yann n'a jamais évoqué le sujet, et on n'en a pas parlé entre nous en amont. Même si c'était évidemment dans un coin de nos têtes, un match reste un match et la Belge Savannah Moxham est une bonne joueuse. En ce qui concerne le match des numéros 1, son frère Maddox Moxham a été très fort : ce n'est pas facile de jouer contre Axel (Diet, le numéro 1 français) cependant il l'a très bien cerné, même si Axel a mieux joué en fin de match.

Jérôme Elhaïk : 1-1 balle au centre. Comme prévu, Lauren remporte le match décisif, et une équipe de France est sacrée championne d'Europe en jeunes pour la deuxième fois dans l'histoire de la discipline …

Thomas Mauras : Pour le coup, on avait commencé à évoquer la victoire avant le début du match de Lauren. Inès était censé mettre la musique "Ramenez la coupe à la maison" en rentrant sur le court, je n'ai pas trop compris pourquoi mais ça n'a pas fonctionné. Par contre, on a bien chanté dans le bus et ça fait partie des images que je retiens tout particulièrement, avec la Marseillaise sur le podium. C'est seulement dans le vol du retour vers Paris, le lundi matin, que j'ai commencé à réaliser ce qu'on avait fait.

Jérôme Elhaïk : Julien, tu accompagnes très souvent Thomas sur les compétitions, et tu étais présent à Prague. Racontes-nous comment tu as vécu ça.

Julien Mauras : J'atterrissais à Orly en provenance de la Réunion et j'avais seulement un battement de deux heures pour rallier Roissy et décoller vers Prague. J'ai pris le risque en sachant que je pouvais louper le vol, mais j'étais finalement dans les temps. Je suis arrivé au club juste avant le début du quart de finale contre l'Italie - une rencontre sans histoires - et j'ai essayé de prendre rapidement le train en marche (rires). Le tirage des demi n'était pas idéal, on savait qu'on avait plus de chances de passer contre la Belgique que contre les Tchèques, car leurs deux garçons sont de très bons joueurs et la suite l'a prouvé puisqu'Axel s'impose à l'arrachée contre leur numéro 1 (NDLR : de son côté, Thomas Mauras s'est incliné 3-1 contre le numéro 2 Tchèque Martin Stepan). En ce qui me concerne, je m'étais placé entre les deux courts car je suivais en même temps l'autre demi entre l'Angleterre et la Belgique, qui était capitale car en cas de qualification la probabilité de gagner contre les Belges était plus élevée que contre les Anglais. Au final, le scénario a été un enchaînement d'évènements favorables qui nous a conduits ensuite au titre de champions d'Europe.

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Le camp tricolore n'a pas été avare en encouragements pendant la finale du championnat d'Europe -17 ans (Crédit photo : squashPage.net)

Jérôme Elhaïk : Un petit mot sur le fait que Thomas ne joue pas la finale, comment tu le vis en tant que père ?

Julien Mauras : Matthieu avait été mis au courant par les entraîneurs en amont et me l'avait annoncé, je le savais donc avant Thomas. Dans les heures qui ont suivies, j'ai été présent à ses côtés pour l'aider à évacuer sa frustration. Néanmoins, comme il l'a bien expliqué le plus important c'est le collectif. Il faut prendre du recul. Peu importe qui joue, l'équipe passe avant tout.

Jérôme Elhaïk : Qu'est-ce que tu retiens des instants qui ont suivi la victoire ?

Julien Mauras : La célébration appartient aux jeunes, personnellement j'étais totalement concentré sur mon rôle, à savoir rentrer sur le court pour prendre des photos et immortaliser l'instant ! Comme le disait Thomas, les moments après la victoire ont été superbes, avec les chants dans le bus, et on a également passé une soirée très sympa avec les entraîneurs et le directeur technique national qui était sur place.

Jérôme Elhaïk : Quand on a un enfant qui commence à faire de la compétition à haut niveau, est-ce qu'on s'imagine que ça aboutira sur une sélection en équipe de France et un titre de champion d'Europe ?

Julien Mauras : Pas le moins du monde ! Quand Thomas remporte le championnat de France -11 ans à Royan, c'était seulement sa deuxième participation. Le truc, c'est qu'on ne connaissait pas le système fédéral et son fonctionnement, on a appris au fur et à mesure.

Jérôme Elhaïk : Matthieu, je ne vais pas te demander comment tu as vécu la finale, car tu étais en métropole pour préparer le concours de professorat de sport et on l'a regardée ensemble ... Quel est le sentiment qui prédomine quand tu te dis que ton poulain est champion d'Europe ?

Matthieu Huin : Déjà, il faut rappeler que Thomas est première année dans sa catégorie, et que dans la hiérarchie en -17 ans il est n°7, qui était d'ailleurs son rang d'entrée au championnat de France. Sa sélection, c'est la récompense de plusieurs facteurs. En premier lieu, ses résultats car il a fait une très grosse saison avec un excellent US Open, et trois podiums sur le circuit européen - dont la médaille de bronze à l'open de France. Ensuite, la Fédération définit des critères de sélection et Thomas les respecte tous : il joue le jeu, notamment en se déplaçant sur de nombreux tournois, dont ceux de référence, ce qui n'est pas le cas de tous. Au bout du compte, l'équipe de France est championne d'Europe et les débats sur la sélection n'ont donc pas trop de sens.

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Thomas Mauras a effectué une excellente saison 2022-2023, à l'image de sa troisième place à l'open de France en junior en -17 ans en février (Crédit photo : Christian Lortat)

Jérôme Elhaïk : Tu me disais que le fait qu'il ait intégré le CREPS de la Réunion en septembre dernier était la raison essentielle de sa progression.

Matthieu Huin : Totalement. Tout d'abord, il bénéficiait d'horaires aménagés, je pouvais donc l'entraîner tous les jours. Ensuite, il y a tous les à côtés : l'accès à des kinés/médecins, une salle de musculation etc. En réalité, je crois qu'aucun des jeunes de sa génération ne bénéficie d'un tel environnement, c'est équivalent à celui des joueurs d'un pôle.

Jérôme Elhaïk : Ce championnat de France jeunes marque la fin d'une aventure, puisque tu n'entraîneras plus Thomas à partir de la saison prochaine.

Matthieu Huin : Je dirais plutôt que c'est la fin d'un beau cycle qui a duré six ans. Le truc, c'est que dès l'instant où j'ai décidé de changer de voie et de préparer le concours il y a plusieurs mois, on savait que les choses allaient changer et on a eu le temps de s'y préparer.

Jérôme Elhaïk : Quand une porte se ferme, il y en a forcément une autre qui s'ouvre. Pour Thomas, c'est quoi la suite ?

Julien Mauras : La solution idéale aurait été qu'il puisse intégrer le pôle France à Aix-en-Provence, mais il a été décidé qu'il n'accueillerait plus de mineurs qui suivent des études secondaires. À partir de là, il y avait plusieurs options et aucune ne se dégageait vraiment. On a finalement opté pour un départ à l'Île Maurice, où il va effectuer sa 1ère et sa terminale dans un lycée international (au sein duquel l'enseignement se fait en anglais), tout en s'entraînant avec Coline Aumard au RMCLUB Mauritius . Le fait qu'il reste près de la maison a été un facteur, mais ce n'était pas le seul. Les installations sont d'excellente qualité, et là-bas il pourra mener un double projet et tenter d'obtenir l'International Baccalaureate.

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À partir de septembre, Thomas Mauras (au centre) s'entraînera aux côtés de Coline Aumard et de son mari Adam Auckland (Crédit photo : Thomas Mauras)

Thomas Mauras : C'est une étape avant un départ en université américaine dans deux ans. Je discute beaucoup avec Kara Lincou (NDLR : autre joueuse réunionnaise, qui a intégré l'université de Trinity il y a quelques mois), et nos échanges m'ont convaincu que c'était ce que je voulais faire. Je suis déjà allé m'entraîner avec Coline à Maurice, et j'ai un super feeling avec elle. De plus, son mari Adam Auckland est un ancien joueur professionnel donc je pourrai jouer avec lui, et il est aussi kiné et préparateur physique.

Jérôme Elhaïk : Est-ce que le fait d'être à Maurice va changer quelque chose à ta programmation ?

Thomas Mauras : Ce n'est pas forcément lié, en fait je pense que j'ai fait trop de tournois et de déplacements. Du coup je finis la saison cramé, surtout mentalement. La saison prochaine, je vais davantage cibler les compétitions en m'appuyant sur Coline et son expérience de joueuse professionnelle. Mes objectifs seront le championnat de France, l'open de France junior, le British Junior Open et bien sûr l'équipe de France, j'espère être sélectionné à nouveau pour le championnat d'Europe -17 !

Jérôme Elhaïk : Matthieu, Thomas, je vous laisse le mot de la fin.

Matthieu Huin : Je crois que quand on se retourne sur les résultats de Thomas depuis qu'on a commencé à travailler ensemble (champion de France en -11 ans, trois sélections en équipe de France, une médaille de bronze à l'open de France junior, pour ne citer que les plus importants), on peut être content de ce qu'on a fait.

Thomas Mauras : Une chose est sûre, c'est une tranche de vie qui s'achève. Lors des six dernières années, j'ai passé beaucoup plus de temps avec Matthieu qu'avec mon père !

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C'est une page qui se tourne : six ans après son titre de champion de France -11 ans à Royan, Thomas Mauras ne s'entraînera plus aux côtés de Matthieu Huin (Crédit photo : Matthieu Huin)

THOMAS MAURAS – BIO EXPRESS

Né le 18 novembre 2007

Classements

Senior : n°96 français, 751ème mondial

Jeune : n°7 français -17 ans, n°6 européen -17 ans, n°32 européen -19 ans

Palmarès

France

☛ Champion de France individuel -11 ans 2017-2018

☛ Vice-champion de France individuel -15 ans 2021-2022

☛ Champion de France Interclubs -17 ans 2021-2022

☛ Vice-champion de France Interligues jeunes 2021-2022

International

☛ Médaillé de bronze à l'open de France junior 2022-2023

☛ Médaillé d'argent à l'open de Croatie -17 ans 2022-2023

☛ Médaillé d'argent à l'open de Norvège -19 ans 2022-2023

Équipe de France

☛ Champion d'Europe -17 ans par équipe 2022-2023

☛ Médaillé d'argent au tournoi des 5 Nations 2021-2022 avec l'équipe de France -15 ans

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