Togo : La websérie "Ahoe" ou l’expression d’une société encore très patriarcale
L’accès de plus en plus poussé à l’éducation, à l’enseignement secondaire et universitaire, ainsi que l’avancée des droits de l’homme, donnent à croire que certains stéréotypes et normes sociales et culturelles sont dépassés. Ce n’est cependant pas le cas, du moins dans le contexte togolais où le patriarcat, entendu ici comme un ensemble de normes sociales et culturelles favorisant les hommes aux dépens des femmes, demeure encore très rigide. Dans ce récit, je m’attacherai à souligner certains épisodes de la célèbre @websérieAhoe" et la réaction du public vis-à-vis de certains personnages.
L’actrice Florence Kitcha, incarnant le personnage de Channel Attiogbé, a commis un acte d’adultère en usurpant le mari de sa meilleure amie Enam dans l’épisode 8, incarnée par Aboudermane Rabiacca. Cet acte lui a valu injures, mépris, stigmatisation, voire des menaces contre sa personne et sa famille, au point de susciter une réaction des premiers responsables de la série. Ces derniers, par le biais d’un communiqué et d’une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, ont expliqué que tout n’est que fiction et ont appelé la population à la retenue et à la tolérance. Le communiqué précise :
Mais alors, pourquoi qualifier la société togolaise de très patriarcale ?
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En effet, dans le même épisode 8, il est révélé qu’Eli, le jeune revenu d’Europe pour enterrer sa mère, Charity, n’est pas le fils de Cyprien, l’époux de la défunte. Eli est en réalité le fils du frère cadet de Cyprien, qui a eu une liaison avec la femme de ce dernier. Cette vérité éclatée dans le 8e épisode a permis de comprendre les raisons des relations tendues entre Eli et Cyprien (considéré comme son père), ainsi que la parfaite complémentarité avec Lionel (son père biologique). C’est là que réside, de mon de vue le problème de patriarcat.
Alors que la relation entre Florence (Channel dans la série) et le mari de son amie Enam est mal perçue par le public, l’adultère de Lionel ayant conduit à la naissance d’Eli est passé sous silence. Cela soulève la question de la tolérance différenciée envers l’adultère selon le genre : toléré, voire permis pour les hommes, mais impardonnable pour les femmes.
La websérie "Ahoe" offre ainsi une fenêtre sur la société togolaise et révèle les profondes racines du patriarcat encore bien ancrées. Les réactions du public aux événements de la série reflètent une double norme de moralité : l'adultère est condamnable lorsqu'il est commis par une femme, mais semble être toléré voire excusé lorsqu'il émane d'un homme. Cette disparité souligne l'urgence d'un examen critique des normes sociales et culturelles pour promouvoir une égalité de genre authentique et combattre les préjugés profondément enracinés dans la société togolaise.