Transformer plutôt que réformer / Episode 52/ / La parabole de la Chrysalide
L’actualité qui relève actuellement de la tempête reste très liée au mot « réforme », qu’il s’agisse de celle de notre système de retraites, de celle de notre système de santé, de celle de de notre système fiscal, de celle de de notre système d’indemnisation du chômage, de celle de notre système éducatif ou de bien d’autres. Sur le plan étymologique, le mot est très connoté, souvent de façon négative : En 1625, la « Réforme » désignait le « rétablissement de l'ancienne discipline dans une maison religieuse ». En 1671, « la mesure par laquelle on casse des officiers en leur maintenant une partie de leur solde », en 1762, « le fait d'écarter de l'armée un homme, un cheval reconnus inaptes au service », en 1837, le fait de « mettre au rebut », en 1855, la « dispense temporaire ou définitive des obligations militaires ». Emprunté au latin « reformare », le mot est connoté de façon presque régressive : il veut dire « rendre à sa première forme, rétablir, restaurer » et ne prend un sens positif et constructif qu’au sens figuré : « améliorer, corriger ».
Les réformateurs oublient trop souvent la parabole de la Chrysalide. La chenille ne se réforme pas en papillon. Elle se transforme en papillon. Le mot « transformer » paraît beaucoup plus sain : il n’implique pas la notion de rupture mais celle d’évolution, de transition. Il est emprunté au bas latin « transformare » qui signifie «métamorphoser, transformer».
L’ère du lien brisé est celle de la réforme. L’ère du lien retrouvé est celle de la transformation. Les mots et leur ADN sont lourds de sens. Entre ceux qui prétendent réformer sans véritablement transformer, et ceux qui empilent les pansements sur des jambes de bois, entre ceux qui veulent réformer les autres pour ne surtout pas se transformer eux-mêmes, et qui préfèrent la violence et la soudaineté des changements à la progressivité des mutations, le paysage fourmille de pompiers pyromanes, d’apprentis sorciers qui n’arrivent pas à transformer leur bâton de maréchal en baguette magique. Les réformes « table rase », les réformes « électrochoc » sont des aberrations. Elles relèvent souvent de la mutilation, de la chirurgie plus que de la médecine douce.
Réformer peut permettre l’action superficielle. Transformer exige l’action en profondeur. Transformer, c’est plus écologique. Réformer l’est moins, parce que trop de réformes se résument au fait de jeter ce qui a précédé, au lieu de penser à recycler ce qui marchait. Il n’y a pas d’avenir sans passé. Il n’y a pas de développement durable sans racines. On ne réforme pas l’avenir : mais on peut essayer de le transformer.
Jean-Pierre Guéno