Un nouveau traité sur les pandémies ?

Un nouveau traité sur les pandémies ?

Résumé : Les États membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont en train de négocier un nouveau traité sur les pandémies afin d'aider à lutter contre les futures pandémies. Cependant, comme l'explique Sylvain Zeghni, la manière dont le traité s'intégrera aux instruments juridiques existants n'est pas encore claire.


En 2021, les États membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont commencé à négocier simultanément deux instruments qui se chevauchent (et qui pourraient être contradictoires) : des amendements ciblés au Règlement sanitaire international (RSI) et la négociation d'un nouvel instrument, l'Accord sur les pandémies. L'Accord sur les pandémies doit être une convention, un accord ou un autre instrument international relevant de la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé, destiné à « renforcer la prévention, la préparation et l'intervention en cas de pandémie ».

Sur le fond, un défi particulier a consisté à assurer l'harmonisation entre les deux instruments, afin de garantir qu'ils se complètent et, surtout, qu'ils n'entrent pas en conflit. Cela est d'autant plus important que la composition de ces instruments sera probablement très différente - le RSI peut s'attendre à une adoption quasi universelle par les États membres de l'OMS, ce qui ne sera probablement pas le cas de l'accord sur les pandémies.

Alors que les amendements au RSI ont été approuvés lors de la dernière Assemblée mondiale de la santé en mai 2024, les négociations sur le Traité sur les pandémies se poursuivent sérieusement, l'Organe intergouvernemental de négociation (OIN) devant désormais achever ses travaux « dès que possible ». Un rapport final sur l'état d'avancement des travaux est attendu au plus tard lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé en 2025. Le texte du RSI étant désormais fixé, les négociateurs ont l'occasion d'assurer une harmonisation adéquate entre les deux instruments.

Les urgences pandémiques dans le traité sur les pandémies

Tout au long des négociations du Traité sur la pandémie, la notion « d'urgence pandémique » a été évoquée de manière sporadique, les premières références apparaissant dans les projets de texte en juin 2023. Dans nombre de ces références, il apparaît que la détermination d'une urgence pandémique par le directeur général de l'OMS (un pouvoir qui leur est conféré par le RSI de 2024) servirait de déclencheur à certaines actions ou activités à entreprendre dans le contexte du traité sur la pandémie.

Le projet de mars 2024 contient douze références aux urgences pandémiques, réparties dans six articles. Certaines de ces références concernent des mesures destinées à améliorer la réponse à un événement de type pandémique lorsqu'il se produit, comme l'obligation d'investir dans des « équipes sanitaires d'urgence interdisciplinaires » capables d'être déployées pendant une « urgence pandémique » ou des efforts visant à protéger la sûreté et la sécurité des travailleurs de la santé pendant une situation d'urgence pandémique. D'autres articles visent à imposer à l'Organisation mondiale de la santé l'obligation « d'œuvrer à l'amélioration de l'accès aux produits liés à la pandémie, en particulier pendant les urgences pandémiques, par le transfert de technologies et de savoir-faire, notamment par la coopération avec les organisations internationales compétentes ».

D'autres articles visaient à guider les États parties sur les meilleures pratiques relatives aux accords d'achat financés par les pouvoirs publics pour les « produits liés aux interventions d'urgence en cas de pandémie » et à renforcer leurs autorités et processus réglementaires pour le déploiement de contre-mesures pendant une urgence pandémique, y compris en ce qui concerne les « mécanismes d'indemnisation sans faute et les stratégies de gestion de la responsabilité pendant les urgences pandémiques ». Tous ces éléments ont constitué des obstacles majeurs à l'accès équitable aux contre-mesures médicales lors de la pandémie de COVID-19 et le seront probablement à nouveau lors de futures pandémies.

D'autres dispositions visent à assurer une plus grande transparence dans la recherche et le développement de contre-mesures médicales financées par les pouvoirs publics en cas de pandémie, ainsi que des efforts pour élaborer des « accords favorisant un accès équitable et rapide à ces produits en cas de pandémie ».

La dernière référence à « l'urgence pandémique » dans le projet de mars 2024 concernait la recherche et le développement, où il était indiqué que les États parties au traité devaient promouvoir « un investissement soutenu... et un soutien aux institutions et réseaux de recherche capables de s'adapter et de répondre rapidement aux besoins en matière de recherche et de développement en cas d'urgence pandémique ». Il convient de noter que chacune de ces références mentionne explicitement l'urgence pandémique, et non une « urgence de santé publique de portée internationale », qui est mentionnée ailleurs comme un déclencheur distinct pour certaines actions dans le cadre du traité.

Cependant, le tableau est compliqué par le fait qu'un projet révisé de l'Accord sur la pandémie, produit juste un mois plus tard, en avril 2024, ne contient aucune référence à « l'urgence pandémique » ou aux « urgences pandémiques ». Cela signifie qu'en l'espace d'un mois, les négociateurs sont passés d'un projet de travail qui avait un lien opérationnel clair avec le système d'urgence pandémique incorporé dans le RSI révisé, à un projet qui semble avoir complètement abandonné ce lien.

Fait remarquable, le projet de texte présenté à l'Assemblée mondiale de la santé en mai 2024 a rétabli la formulation de l'urgence pandémique dans le texte du traité. Par conséquent, la mesure dans laquelle le nouveau mécanisme d'urgence en cas de pandémie du RSI aura un lien juridique ou pratique avec le nouveau traité sur les pandémies n'est pas claire.


Le besoin de cohérence

La suppression et la réinsertion des termes relatifs à l'urgence en cas de pandémie dans les projets de traité sur la pandémie créent une grande incertitude quant à la relation entre le traité et le RSI nouvellement amendé.

Il ressort clairement des premiers projets que les négociateurs avaient envisagé un rôle opérationnel important pour le concept d'urgence pandémique dans le cadre de l'accord, mais son retrait « du jour au lendemain » du texte soulève des questions quant à la mesure dans laquelle la déclaration d'une urgence pandémique aura une incidence sur le fonctionnement du traité sur la pandémie.

Cette incertitude est aggravée par la réapparition soudaine de la formulation de l'urgence pandémique dans le projet de mai du traité. Étant donné que le RSI est le principal instrument juridique international relatif aux urgences sanitaires, il est essentiel que l'OIN produise un projet de texte qui ait une relation claire avec le RSI et qui travaille avec lui plutôt que contre lui.

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