Un piège managérial : le triangle de Karpman

Un piège managérial : le triangle de Karpman

Il m'arrive parfois d'être invité dans des équipes. Je me tais, j'observe.

Parfois, je ressent une tension dès que j'arrive, j'entends des paroles assez dures et je vois deux camps. Parfois j'anime des rétrospectives où l'équipe reproche à son manager des façons de faire, précises et objectivées. Parfois, le N+1, déstabilisé, va voir ensuite son N+2. Comment doit réagir le N+2 ?

La réaction épidermique d'un N+2 peut être de se dire : je dois protéger mon collaborateur direct. Du coup, le N+2 passe une bonne trempe à l'équipe en exigeant du respect pour leur manager. S'installe alors un beau triangle : l'équipe apparait comme Bourreau, le N+1 comme Victime et le N+2 comme Sauveur.

Ce jeu dramatique est fréquent et il est difficile d'y échapper, même quand on connait bien le piège. Il mène toujours dans des situations amères de victoires à la Pyrrhus. Et ce jeu en dit beaucoup sur nos propres attentes insatisfaites. Je sais que je suis fragile face au rôle de sauveur, qui est probablement le plus triste de tous. Qu'ai-je donc à prouver pour vouloir sauver tous ceux qui passent ?

Les tenants et les aboutissants de ce jeu dramatique sont bien documentés et le jeu n'est pas toujours statique : l'équipe pourra se poser en victime et aller chercher un nouveau sauveur pour contrer le bourreau N+2. C'est un risque que les équipes comme la mienne doivent éviter. C'est à ça que sert la supervision.

Quelle alternative pour le N+2 ? Le premier élément consiste à montrer son intérêt mais ne pas prendre partie : tous sont ses collaborateurs et c'est infantilisant de vouloir résoudre tous les problèmes de ses collaborateurs. J'accepte de considérer mes collaborateurs comme des adultes responsables et je les coache pour qu'ils trouvent leur solution. Le second élément est de demander à l'équipe de sortir d'un rôle de critique pour passer dans un mode constructif et assertif. Le N+1 doit sortir d'une position de victime, ça oblige les managers a accepter leurs propres limites, leurs propres faiblesses et leurs fragilités. Être manager, c'est accepter de ne pas avoir toujours raison. Être manager, c'est contribuer à une histoire commune en racontant sa version de l'histoire.

J'aime ces moments où la compréhension se fait jour dans une équipe, où les points de vue deviennent harmonie et où les jeux dramatiques cessent pour un moment. J'aime les histoires qui se finissent bien.

Conrad THIOUNN

Datascientist Big Data | Administrateur de l'Insee

1 ans

Fabrice Bloch, c'est intéressant comme conseil ! Ces expériences montrent que la remise en question des pratiques managériales, même pour des personnes formées à l'agilité (kaizen ?), ne semble apparemment pas évident. J'imagine que ces situations n'apparaissent pas au hasard. Est-ce qu'il y a des éléments de contexte communs entre les différents cas que tu as pu rencontrés ? Comment éviter d'arriver dans ces situations désagréables ? Des préconisations ? Quelles préconisations pour les équipes se retrouvant dans ces situations ? Pour les équipes qui n'ont pas la possibilité de trouver un médiateur extérieur ? Le dernier paragraphe, c'est du "wishful thinking" pour 2023 ou cela s'est effectivement bien résolu pour l(es)'équipe(s) en question ?

Véronique PIZZANELLI

Attachée statisticienne chez Insee

1 ans

Les loups ne se mangent pas entre eux !! Automatiquement le n+2 protège le n+1 ! Le factuel s’envole pour laisser place au bla-bla-bla !! Cette formation devrait être obligatoire pour trouver le bon canal de communication !

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