Une année à vif
J’imagine que beaucoup réalisent en ce moment cet exercice : le bilan de cette terrible année, auprès des équipes, des clients et des partenaires. Je voudrais proposer un regard différent pour envisager la suite : éclairer ce que nous retenons de la recherche de la résilience que tous nous avons effectuée ces derniers mois.
A l’évidence les situations sont diverses parce que les maturités des entreprises le sont. Je veux dire par là que cette résilience - dont vous constaterez qu’elle est désormais le mot valise 2020, étendue sur tous les réseaux sociaux, articles, interviews, déclarations prophétiques, la faisant ainsi perdre de son sens premier : les conditions qui permettent d’absorber une crise et de rebondir ensuite – cette résilience donc, ne se décide pas, ne se décrète pas, elle est la conséquence d’un ensemble de décisions prises auparavant.
Première observation : la transition digitale est à peine entamée
Elle est la pierre angulaire d’un changement de relation, d’un changement d’expérience qu’elle soit pour un client ou pour un collaborateur. Elle permet aussi de maintenir un lien pendant une crise, une pandémie, un télétravail ou un confinement forcés et soudain. Elle est encore une possibilité continue d’apprendre de chacun et d’améliorer sans cesse le service.
Ces mots résonnent comme des évidences pour beaucoup. Pourtant, lors de nos deux derniers Baromètres des Dirigeants - 44 % des décideurs déclaraient en juin 2020 que la transformation digitale de leur entreprise pouvait être une opportunité et en octobre, 64 % d’entre eux ne souhaitaient pas accélérer les investissements sur ce sujet. La conscience de cette possibilité d’une plus grande agilité pour une entreprise n’était pas encore prioritaire, du moins pour des structures de tailles moyennes.
Nous étions alors en pleine tempête et l’activité était au ralenti. Il fallait s’adapter au plus vite. La digitalisation était un atout. Et même si l’urgence était de colmater les brèches face à une crise qui allait durer, la violence de la situation sanitaire a permis à chaque dirigeant de prendre alors conscience de la réelle agilité de son organisation, de sa capacité de réactions face à des évènements externes, de l’étendue de la digitalisation de ses processus, en particulier la continuité du service clients ou des services supports.
Les organisations dont l’agilité était inscrite dans leur fonctionnement ont vite su s’adapter avec quatre points d’appui : le partage rapide de l’information à tous les niveaux, des équipes réellement autonomes, la transversalité des missions et une confiance effective dans le management.
Ces quatre piliers sont des points de progression, des piliers à consolider pour se préparer à la suite. Une suite bien sûr imprévisible et incertaine.
Seconde observation : le télétravail a facilité l’émergence des impératifs de confiance et d’autonomie
La décision subite d’un télétravail généralisé a bien sûr mis à l’épreuve l’efficience des outils collaboratifs mais surtout la nature du lien entre les collaborateurs et leur management.
Ce lien que la distance a mis à vif, faisant ainsi ressortir l’excès de contrôle, d’injonctions, d’absence de sens général, et dans les cas extrêmes, un engagement qui ne tenait que par l’obligation de la présence. Ce lien, vital pour la cohésion, mais aussi pour l’efficacité, nécessite alors plus d’autonomie et par là-même, de confiance. Des aspirations, souvent exprimées dans « l’entreprise d’avant » mais comme étant la marque de la nouvelle génération, qui se sont révélées centrales et structurantes pour le bon fonctionnement de l’ensemble.
Ce n’est donc plus un débat, puisque nous l’avons tous expérimenté, mais un impératif : l’autonomie et la confiance sont deux conditions non seulement de résilience, mais de performance dans des environnements imprévisibles. Leur généralisation conditionne bien sûr une évolution des pratiques de management.
Mais n’est-ce pas l’agenda des dirigeants pour cette rentrée ? Avec ce risque de considérer que cette crise n’est qu’un phénomène passager qui ne change pas la donne. Si le fameux « monde d’après » n’est pas une rupture totale avec tout ce que nous avons vécu, il requiert pourtant d’indispensables évolutions de nos pratiques.
Trois attitudes alors : attendre que les choses redeviennent comme « avant », s’adapter un peu, comme une pierre posée mais définitive, ou mettre en place un nouveau modèle en explorant de nouveaux modes de management qui permettraient une transformation plus durable et sans doute plus résiliente.
Troisième observation : les approches IT de l’agilité à l’échelle se montrent insuffisantes pour construire des transformations en profondeur
Beaucoup de dirigeants attendaient des méthodes agiles la capacité à conduire de grands projets de transformation. De grands projets sur trois ou quatre ans. Et face à ces incertitudes chroniques, j’ai observé soit l’abandon pur et simple, soit le doute quant à leur contribution à la promesse de l’entreprise.
L’attitude commune est alors celle d’avancer pas à pas, comme dans un brouillard, pour obtenir des résultats rapides, tangibles, pour rassurer et s’assurer du bon chemin. Je dois constater, même si ce ne peut être une version définitive, que les méthodes agiles à grande échelle ne remplissent pas cette promesse. Il nous faut alors rapidement inventer une autre façon de mener les transformations.
Quatrième observation : la souveraineté et l’environnement
Sans doute vue comme une révélation, la souveraineté des approvisionnements a éveillé les non-initiés. Un sursaut européen, comme meilleur rempart, s’en est doublé. Mais la souveraineté numérique demeure aussi un enjeu, et plus que jamais pour la protection des données personnelles. Le sujet reste encore un point de progression pour les mois et années qui sont devant nous. Gageons que la nouvelle commission de l’Union européenne, qui s’est emparée de ce sujet, offre des perspectives nouvelles.
De même, en devenir, le sujet de la transition énergétique qui reste toujours général et intentionnel. Au-delà des secteurs de l’énergie ou de l’automobile, peu ont inscrits dans leur mission ou raison d’être un volet environnemental. C’est pourtant un facteur de compétitivité tout autant qu’un enrichissement de la marque employeur. Le chemin, s’il se dessine au niveau des Etats, reste encore à bâtir au sein des entreprises.
Puis, 2021.
Voici quelques-unes de mes observations, en forme de feuille de route pour 2021.
Bien sûr, elles sont incomplètes et le champ qu’elles ouvrent est structurant.
Nous le voyons, nous l’avons éprouvé, se préparer pour la suite du monde se décide aujourd’hui.
Mais il y a un lien entre tout cela : l’éthique. C’est le sujet d’émergence le plus fort qui transparaît au cœur de chaque observation et qui devient critique pour chaque mutation.
Une conscience ? Sans doute un besoin, un impératif besoin pour créer et consolider la confiance. Sans nul doute il faut inscrire une éthique numérique dans toutes nos actions et nos décisions. Un principe que doivent s’approprier les comités de direction et conseils d’administration pour en faire la jonction avec l’impératif de performance. Car, s’il y a un monde d’après, il pourrait être celui de cette double exigence.
Direction de projets
3 ansRéflexions au combien intéressantes et génératrices de débats pour des changements comportementaux à venir, structurants et régénérateurs. Une première me vient à l’esprit et touche la communication : Comment gérer cette multitude de messages (mails, SMS, msg Teams…) en terme de pertinence et de stockage : l’empreinte écologique y est directement impactée ?
Vice President @ Capgemini Engineering | Digital Engineering & Manufacturing
3 ansClaire MARTIN pour faire échos à notre discussion d'hier.