Une cour de collège nourricière

Comme vous l’avez compris, le thème jardin était essentiel à notre fil rouge, et j’ai promis de bientôt vous raconter comment notre expérience personnelle a justement inspiré nos recherches de visites autour de cet élément naturel, récréatif et apaisant. Mais aujourd’hui c’est justement la visite d’une jardin plus que pédagogique que je vais vous raconter.

Quand j’ai découvert de l’histoire de Gilles RICHARD, professeur d’EPS au collège le Parc à Dijon, j’ai tout de suite pris contact et j’ai très rapidement eu un retour positif. Je me souviens très bien de notre conversation téléphonique de près d’une heure au téléphone un samedi matin d’hiver pour échanger sur nos projets respectifs et convenir de se rencontrer au mois de mai : l’énergie, la passion le dévouement n’avaient pas de distance géographique, cela transpirait à travers le combiné !

Monsieur RICHARD est du genre à avoir la vocation comme on dit, et quand il a un projet et veut investir et s’investir pour ses élèves il ne lésine pas. Ses collègues se moquent gentiment de lui « mais tu es une star ! ». En effet je ne suis pas la première à le contacter pour connaitre et mieux découvrir son aventure car il a eu un article dans Télérama, un reportage sur France 3, et sans doute d’autres !

Mais alors de quoi parle-t-on ?

D’un bébé du confinement : un potager pédagogique et nourricier dans la cour du collège! Gilles durant cette année 2020 si particulière a d’abord été sans activité pendant le confinement avec la fermeture du collège puis lors de la reprise des cours a du faire preuve de créativité pour dispenser du sport correctement (masque obligatoire même en extérieur) : mais il ne s’est pas contenté de se tourner les pouces.

C’est comme ça que lui ait venue cette idée de créer un jardin. Petit retour en arrière : une graine avait été semée dans la cour comme dans la tête de notre sportif via la mise en place d’un composteur pour trier les bioressources du restaurant scolaire quelques mois plus tôt. En effet Gilles se questionnait : « bah oui on va en faire quoi de tout ce compost ?? hein ? »

Ensuite la recette c’est quelques ingrédients indispensables : le système D (par exemple de la récup de matériel, plants & graines en sollicitant les entreprises locales notamment) ; un soutien du proviseur (l’ancien comme l’actuel) ; un travail décloisonné avec les autres professeurs et les agents techniques de l’établissement (côté logistique pour mettre en place une récupération d’eau, s’assurer de la sécurité etc. comme côté restauration pour adapter les menus et mettre en avant les récoltes du jardin : ce jour-là se sont quatre belles salades qui ont été coupées par deux élèves et apportées au cuisinier pour le lendemain). Et enfin côté élèves… de l’autonomie pardi.

Jeudi 5 mai, rendez-vous été pris pour midi. Je comprends ce choix d’horaire car c’est la fourmilière sur la pause méridienne. Tous les midi (comme le matin avant le début des cours et même le soir à la fin des cours) une vingtaine d’élèves (pas toujours les mêmes chaque jour) s’activent pour biner, bécher, planter, arroser, installer les piquets et récolter, mais aussi apporter les bioressources de la cantine au composteur et le mélanger, vérifier les semis, ranger la cabane à outils, etc. (précisons que les outils sont à disposition en présence « Du » ou d’un professeur).

Pour s’y retrouver, autonomiser les élèves dans leur taches, un grand tableau ardoise indique la liste des actions du jour, éditées par Gilles en personne chaque matin, parfois attribuées, parfois en libre initiatives. En effet c’est aussi « ça » ce jardin : une adaptation au profil de chaque élève investi (ils choisissent jardinage comme d’autres théâtre ou basket comme activité de mi-journée) pour les voir s’épanouir par cette activité extérieure. Ils trouvent (enfin ?) leur place, une place tout simplement, mais surtout une confiance en eux jusque-là difficile à percer. Ils se découvrent des capacités à faire, par eux-mêmes et avec les autres !

Oui il faut un peu les guider, les aiguiller (et ils ont une chance inouïe d’avoir ce professeur dévoué pour offrir ce cadre rempli de libertés et d’apprentissages). J’ai la conviction après deux heures d’observation que ce joyeux champ de fleurs s’ouvrira d’ici l’entrée au lycée. La preuve, les « miens » non collégiens, trouvent très rapidement leur place, un rôle dans cette agitation ordonnée et ils se font oublier dans cet orchestre de collégiens jardiniers.

Puis il y a la différenciation, certains se spécialisent et deviennent « chef compost », « chef culture ». De plus quelque chose d’essentiel s’organise naturellement, la transmission entre élèves : les 3e commencent déjà à être nostalgiques de ce potager qu’ils ont vu naitre mais aujourd’hui ils jouent le rôle de passeurs aux 6e et 5e ! Prenons le temps avec Maëlys en 3e, jardinière en cheffe qui nous raconte déjà ressentir ce manque tout en expliquant avec beaucoup de précision et pédagogie les rituels et l’organisation. Petite pause devant les framboisiers elle me lâche avec un beau sourire « ça c’est le salaire du jardinier ! ». Elle a transmis son expertise à Valentine, responsable compost. C’est là que je retrouve mes trois têtes blondes car Valentine avec son amie Lucia les ont pris sous leurs ailes ; il ont apportés le bio sceau du jour depuis la cantine avec les préparations de repas vers le composteur, ils ont ajouté le « carbone » sous forme de broyat avant de « retourner » le tout. Je comprends aussi qu’ils ont fait testeur lors de la récolte: radis et feuilles d’épinards sont adoptés.Ce n’est pas fini. Gilles a encore des projets pour poursuivre l’aménagement du jardin afin de continuer à le rendre agréable et pédagogique :

• le fleurir et l’arranger avec des bancs palettes fabriqués par les élèves,
• parsemer avec des étiquettes et panneaux (il est trop fort, il a réussi à adosser  des activités bricolages à ce projet déjà ambitieux),
• tenter de le rendre autonome financièrement notamment avec la vente par les élèves des plants issus des semis réalisés.
• poursuivre le décloisonnement amorcé avec les autres professeurs par la mise en place d’EPI (enseignement pratique interdisciplinaires) sur le sujet du compost via les cours de physique-chimie.

Bref, d’en faire un réel espace de bien être, méditation et ressourcement mais aussi d’apprentissage.

Alors n’est-ce pas là une belle preuve de ce qui m’anime? Le jardinage comme support d’acquisition de connaissance interdisciplinaire (on a vu qu’on pouvait faire des maths, des travaux pratiques, de la physique chimie, évidement du sport et je pourrais poursuivre), de vivre ensemble (autonomie, mélange des classes et niveaux, responsabilités et responsabilisation, etc.), de cohésion et esprit collectif (transmission entre niveau, répartition des tâches, travail collaboratif), de détente/ressourcement (lieu d’apaisement, de recentrage sur soi et vers les autres, utile pour certains cours en extérieur, etc.). Alors à qui le tour ?