« Je suis votre chef ! »
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« Je suis votre chef ! »

ou la leçon de leadership à hauts risques de Monsieur Macron


Nous sommes nombreux à avoir vu et entendu l’allocution du président de la république Emmanuel Macron du 13 juillet 2017, adressée aux militaires de la nation. Il a été difficile d’échapper aux commentaires qui vont de « bourre-pif » à « recadrage », « avoinée » ou « acte d’autorité ».

Je rappelle le texte qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux (1) :

 "Il ne m'a pas échappé que ces derniers jours ont été marqués par de nombreux débats sur le budget de la Défense. Je considère, pour ma part, qu'il n'est pas digne d'étaler certains débats sur la place publique. J'ai pris des engagements. Je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir. Et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire."

Le contexte de ce discours est bien particulier, tant du point de vue du vocabulaire puisque le président de la république est le « chef des armées », que l’armée est soumise à la hiérarchie, et qu’elle a aussi une tradition de discrétion comme l’illustre son surnom de « grande muette ».

Pourtant, nous pouvons y voir une leçon de leadership. Quelle qu’en soit l’issue, j’y vois une leçon à hauts risques. J'en identifie trois : 1/ la confusion entre pouvoir et autorité, 2/ la création d 'un point de non-retour, 3/ le déni du conflit de loyauté.


Il ne faut pas confondre autorité et pouvoir

Le vocabulaire employé est celui du leader incarné. Emmanuel Macron a investi le propos en disant « je ». Il aurait pu utiliser un détour par la troisième personne : « Le président de la république est le chef des armées », « En tant que président de la république, je suis le chef des armées ».

Non, ça a été « Je suis » qui marque une incarnation forte de la fonction.

C’est ensuite l’intonation qui est intéressante? C'aurait pu être « Je suis votre chef », soulignant l’investissement dans la fonction de dirigeant et la proximité avec les troupes. Non, ça a été « Je suis votre chef », soulignant avec ce terme, le pouvoir sur les personnes présentes, la manifestation d’une autorité descendante.

Or, si le pouvoir peut se décréter (il est fait du statut, des responsabilités, d’une légitimité extrinsèque comme le suffrage universel …), ce n’est pas le cas de l’autorité qui, elle, relève de la reconnaissance libre de la légitimité de la personne.

Décréter son pouvoir, c’est prendre le risque de fragiliser son autorité. Cette manifestation de passage en force peut être la démonstration, au contraire, d’un désarroi ou d’un manque de confiance en soi . Quand on assène cet argument massue devant une rébellion ou un refus manifeste d’obéir : « Je suis votre chef ! » on oublie juste que si cet argument est réfuté, il ne reste plus de cartouche, sauf peut être celle de l’abus de pouvoir.

Le risque de créer un point de non retour

On retrouve dans cette allocution une tactique classique en gestion de conflit ou de remise en cause de l’autorité : l’idée qu’il faut savoir marquer son territoire et « montrer qui commande ». Cette option prône qu’en cas de dérive de comportement comme celle attribuée au Général de Villiers, c’est au « chef » de recadrer en objectivant le dysfonctionnement et en énonçant clairement ce qui est reproché.

Emmanuel Macron l’a fait, mais il l’a fait en public, ajoutant à la réprimande justifiée à ses yeux, l’humiliation publique, ce qui éloigne de la notion si centrale de respect et peut détruire la confiance.

On rétorquera que c’est justement la publicité et le manque de discrétion des critiques qui été l’objet de la réprimande… Soit, mais est-ce suffisant ?

Les risques d’une telle posture sont grands : ceux de susciter le rejet (« Pour qui se prend-il ? »), la méfiance (« On ne le voyait pas comme cela »), le soupçon (« Que va-t-il dire ou faire la prochaine fois ? »), trois attitudes qui coupent un chef de ses troupes.

En rendant public le blâme, Emmanuel Macron crée un point de non retour, ne laissant pas d’autres issues que la soumission ou la défection.

Dénier le conflit de loyauté

Ce que semble avoir occulté Macron tout à son désir de marquer son pouvoir, c’est que le Général de Villiers vivait un conflit de loyauté. Or, le conflit de loyauté est très courant dans le monde du travail. Il s’agit de savoir à qui doit aller notre loyauté : au projet global (en l’occurrence les armées françaises) ? Ou bien au chef (de ses armées dans le cas présent) ? C’est une variante du « conflit du double patron » (qui, lui, oppose l’entreprise et le client) : « Dois-je être loyal à mon chef ? » lorsqu’il prend une décision qui me semble mauvaise pour le devenir de l’entreprise ou de la France ?

La clause de conscience qui existe dans certaines professions (comme les journalistes), le devoir d’interpellation, le « whistle-blowing » penchent clairement pour l’adoption d’une posture critique et d’opposition aux ordres donnés.

Une leçon de leadership à haut risque mais un management irresponsable

Cette tactique du « tout pouvoir » ne porte pas toujours ses fruits, elle peut même être contre-productive car, au lieu de rentrer dans le rang, le collaborateur pris ainsi à partie peut chercher à se venger, maintenant ou plus tard, suivi d'autres opposants restés silencieux.

On entretient très souvent la confusion entre leadership et management. Nous avons là une leçon de leadership à très haut risque mais elle ne sera critiquable ou critiquée que si elle échoue.

Dans le cas du management, ce choix de décréter son pouvoir, avec blâme public et déni de conflit de loyauté, serait tout simplement une pratique irresponsable.

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Bonne analyse entre le pouvoir et l autorité. Merci

Kouame Joseph Attian

Directeur général chez leader'academy group sarl

7y

Merci infiniment Isabelle

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Thierry Piller

Manager opérationnel maintenance ponts roulants lignes Auto-Industrie et Packaging de Florange chez ArcelorMittal

7y

Ce discours ne m’étonne pas, c’est le discours d’un chef de l’état et d’un chef des armées qui doit peut-être plus que les autres affirmer son autorité. Le discours est peut-être perfectible mais nécessaire. En tout cas le message est sans ambigüité : il est le chef et il assume. De plus on ne peut pas passer son temps à ménager la chèvre et le chou ! C’est un homme d’actions et c’est ce que l’on attend d’un chef et d’un leader.

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Olivier Taurand

Gerant Actif Passif chez Credit Agricole SA

7y

Bonjour, je ne partage pas votre point de vue l exercice ici est compliqué : comment recadrer un élément , de La Défense nationale, clairement dissident qui s'étale dans les médias . Pour rappel la France est en guerre, la présidence précédente a marquée le pays par un manque décision, avec le promus en état d'urgence le président ne peut pas se permettre d'être en conflit ouvert avec le commandant des armées car bien des gens iraient s'engouffrer dans la brèche, en s'étalant sur la place publique le général savait pertinemment que ces jours étaient comptés, alors bien sûr le Président Macron aurait pu virer le général sans passer par une intervention filmée mais le résultat aurait été pire, La il a fait comme à son habitude une explication pédagogique à destination des français. En même temps c'est aussi une valeur d'exemple pour ceux qui seraient tentés d'utiliser la même manœuvre de pression médiatique.

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