Dans un contexte où l'accès aux soins demeure une préoccupation majeure pour de nombreux citoyens, la Commission Mixte Paritaire (CMP) a récemment examiné la Proposition de Loi Accès aux Soins par l'Engagement Territorial des Professionnels lors de sa première lecture. Cette CMP est désormais conclusive, c’est-à-dire qu’elle a abouti à une version définitive du projet de loi qui est acceptée à la fois par l'Assemblée nationale et le Sénat.
Ce texte ambitieux propose un ensemble de réformes visant à améliorer la coordination des professionnels de santé et à garantir un accès optimal aux soins pour tous les patients. Dans cette synthèse, nous vous présentons les points essentiels de cette loi, en mettant en lumière les mesures les plus significatives.
Les réformes judicieuses au service du système de santé
Création d’un statut d'infirmier-référent : L'une des propositions phares de cette loi est la création de la fonction d'infirmier-référent. L’infirmier-référent assurera une mission de prévention, de suivi, de renouvellement des prescriptions des soins infirmiers et de recours, en lien étroit avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant. La mesure s’applique aux patients ayant un besoin répété et durable de soins infirmiers (affection de longue durée - ALD). Les assurés pourront désigner conjointement plusieurs infirmiers-référents, lorsque ceux-ci exercent au sein d’un cabinet situé dans les mêmes locaux, d’un même centre de santé ou d’une même maison de santé.
Lutte contre le nomadisme des professionnels de santé : La loi entend mettre fin aux abus liés au nomadisme des professionnels de santé en limitant l'octroi d'aides à l'installation et les exonérations fiscales à une fois tous les dix ans. Cette mesure vise à stabiliser la présence des praticiens dans les zones déficitaires en matière de soins de santé.
Expérimentation des antennes de pharmacie délivrant des médicaments : L’expérimentation permet la création d’une seule antenne par le ou les pharmaciens titulaires d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche, visant ainsi à garantir une meilleure accessibilité aux médicaments, en particulier dans les zones rurales.
Suppression de la majoration du ticket modérateur : Pour favoriser l'équité entre les assurés, la loi supprime la majoration du ticket modérateur et des tarifs des spécialistes hospitaliers pour les patients dont le médecin traitant a pris sa retraite ou déménagé au cours des douze derniers mois.
Revalorisation du rôle du médecin coordonnateur dans les EHPAD et les Unités de Soins de Longue Durée : Cette réforme vise à renforcer le rôle du médecin coordonnateur dans les établissements de long séjour, en lui confiant explicitement le suivi médical des résidents. Cela devrait contribuer à améliorer la qualité des soins dans ces structures.
L’organisation à l’échelle des territoires
Démocratie sanitaire et renforcement des missions du Conseil Territorial de Santé (CTS) : Bien que l'article 1er de la loi cherche à renforcer la démocratie sanitaire en s'appuyant sur les CTS, la Commission a jugé les évolutions proposées décevantes, estimant qu'elles n'apportent pas de nouveaux moyens d'action significatifs à ces instances.En l’occurrence, le CTS participera à l’élaboration des projets territoriaux de santé portés par les différents acteurs, notamment les hôpitaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Il devra évaluer régulièrement la mise en œuvre des projets territoriaux de santé. Au moins une fois par an, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) présentera au CTS ses observations sur l’état de santé de la population du territoire, surl’offre de soins disponible et sur l’organisation de la permanence des soins.Par ailleurs, la loi prévoit de systématiser l’intégration des professionnels de la santé scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Mise en place d’un diagnostic territorial de santé destiné à aider les acteurs du CTS à définir le cadre de leur action et à juger, au fil du temps, des effets des décisions prises.
Élargissement des missions des guichets uniques départementaux mis en place par l’ARS. Les guichets uniques départementaux soutiendront les professionnels de santé au-delà de leur installation, avec la participation de diverses parties prenantes.
Ajustements au statut et à la gouvernance des hôpitaux publics : Plusieurs articles visent à apporter des ajustements au statut et à la gouvernance des hôpitaux publics, notamment en permettant aux groupements hospitaliers de territoire d'être dotés de la personnalité morale.
Prolongation de la période pendant laquelle une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) peut continuer de fonctionner avec un seul médecin : Initialement prévue pour 6 mois, cette période sera désormais fixée à 3 ans afin de laisser le temps de trouver un deuxième médecin, ce qui évitera d’aggraver la situation de désert médical sur le territoire concerné.
Fermeture de centres de santé déconventionnés par l’assurance maladie au regard de manquements graves.
Prolongation, extension et simplification du régime dérogatoire d'autorisation temporaire d'exercice applicable dans certains territoires en Outre-mer.
D’autres mesures contribuant au renforcement du système de santé
Renforcement de la participation de l'ensemble des établissements et professionnels de santé à la permanence des soins en établissements de santé (PDSES).
Renforcement de la sécurité juridique des MSP en limitant la responsabilité des associés de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) sur laquelle repose la structure du point de vue juridique.
Renforcement de la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé : Chaque université devra prendre en compte, pour déterminer les capacités d’accueil en deuxième et troisième années de premier cycle de ces formations, des besoins de santé du territoire en priorité, puis des capacités de formation.
Renforcement des obligations déclaratives des établissements de santé privés : Il est prévu la transmission aux inspections générales (IGF et IGAS) des comptes certifiés des établissements de santé privés et des groupes les détenant.
Conditionnement de l'autorisation d'activité de soins : Le directeur général de l'ARS pourra conditionner la délivrance d'une autorisation d'activité de soins à la participation à la permanence des soins lorsque l'intérêt de la santé publique le justifie.
Extension de l’expérimentation de la signature des certificats de décès par les infirmiers à l’ensemble du territoire.
Élargissement du champ des bénéficiaires des aides (indemnités de logement et de déplacement aux étudiants) accordées par les collectivités territoriales aux étudiants de chirurgie dentaire et de toute autre spécialité médicale.
Interdiction d’exercer en intérim en début de carrière dans les établissements de santé ou médico-sociaux, et dans les laboratoires de biologie médicale.
Recul de la limite de l’âge du cumul emploi-retraite à 75 ans pour les professionnels de santé salariés des centres de santé gérés par des collectivités locales ou leurs groupements, dès lors qu’ils sont situés dans une zone caractérisée par des problèmes d’accès aux soins. Cette limite d’âge s’appliquera également aux médecins et infirmiers en cumul emploi-retraite dans les centres de santé rattachés aux établissements publics de santé.
Obligation de l’envoi d’un préavis pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes cessant définitivement leur activité (retraite ou déménagement) à l’ARS et au conseil de l’ordre.
Assouplissement des procédures pour les Praticiens à Diplôme Hors Union Européenne (PADHUE) : Le texte comporte plusieurs dispositions visant à réformer les procédures d'autorisation d'exercice et les conditions de séjour applicables aux PADHUE, en mettant l'accent sur la création d'une autorisation provisoire d'exercice. La loi comprend également des dispositions relatives aux études de santé, notamment l'extension du contrat d'engagement de service public aux étudiants en pharmacie et en maïeutique, ainsi que des ajustements dans la fixation des objectifs de formation en fonction des besoins de santé.
Mesures spécifiques pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin : Des mesures spécifiques sont prévues pour améliorer la permanence des soins.
Les apports du Sénat
Le Sénat a contribué significativement à l'élaboration de cette loi en apportant des modifications qui ont été conservées. Notamment, la suppression des dispositions irritantes pour les médecins, telles que l'adhésion automatique aux CPTS et l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires.
Grâce au Sénat, l’expérimentation de l’établissement des certificats de décès par les infirmiers se fera sur l’ensemble du territoire national. Cette disposition permettra de répondre aux difficultés qui sont rapportées par de nombreux élus locaux. De plus, le rôle du médecin coordonnateur en EHPAD a été renforcé, et les dispositions visant à rééquilibrer la permanence des soins (PDSES) entre établissements publics et privés ont été préservées, renforçant ainsi la gouvernance médico-administrative des hôpitaux.
Le Sénat s’est également opposé à la création d’un énième indicateur de l’offre de soins, quand ceux qui existent aujourd’hui demeurent insuffisamment exploités.
Finalement, la loi prévoit une actualisation régulière du diagnostic territorial partagé, ainsi que, sur une initiative du Sénat, une actualisation plus fréquente des zonages de l’offre de soins, qui déterminent notamment l’attribution de certaines aides à l’installation.
En conclusion, la loi reprend l’essentiel du texte établi par le Sénat. Ces mesures visent à renforcer le système de santé en France, à favoriser l'accès aux soins dans les zones déficitaires, à améliorer la coordination des professionnels de santé, et à adapter les règles pour répondre aux besoins spécifiques de certaines régions et de la population. La Loi Accès aux Soins par l'Engagement Territorial des Professionnels comporte des réformes judicieuses, mais également des mesures éparses qui donneront probablement lieu à des améliorations dans le temps. L'enjeu de l'accès aux soins dans les territoires et de la démocratie sanitaire demeure au cœur des préoccupations, et la loi vise à apporter des solutions, certes perfectibles, tout en suscitant le débat et l'analyse continue de son impact sur le système de santé français.
Directeur de l’organisation et des systèmes d’information
11 moisBravo Jean !