Accord de pêche Mauritanie-Sénégal : toujours dans la mire malgré la contradiction des intérêts
A en croire la presse chez nous et au Sénégal ainsi que certaines déclarations de responsables des deux pays, le principe de reconduire cet accord de pêche bilatéral est acquis et les conditions techniques et financières relatives à son exécution pratique, sont aussi quasi-arrêtées.
Quant au report répété de sa signature, celui-ci avait semé le doute et laissé les rumeurs et les spéculations battre leur plein ; la question de date devenant ainsi un détail où couve le diable.
Ignorant complètement la position des officiels mauritaniens et l’avis de leurs techniciens à ce sujet, il me semble cependant que cet accord de pêche reste toujours dans la mire malgré la contradiction des intérêts des acteurs. En effet, les dirigeants des deux pays savent suffisamment que l’histoire et la géographie les obligent à surmonter tout obstacle -ancien ou nouveau- que peuvent engendrer les rapports entre les peuples et les pouvoirs.
Autrement dit, seuls des intérêts socio-économiques conjoncturellement contradictoires seraient derrière ce retard constaté dans la signature du projet d’accord déjà, dit-on, finalisé par les techniciens des deux pays.
D’abord, le Sénégal est pressé parce qu’il a des échéances politiques imminentes où le rôle de la communauté des pêcheurs, notamment de Saint-Louis, est très important en ce qui est des résultats et de la stabilité du pays.
La Mauritanie a, elle aussi, des élections municipales, régionales et législatives, dans quelques mois et des élections présidentielles, dans un an environ. Mais, son intérêt n’est pas dans l’urgence puisque les populations deviennent de plus en plus très regardantes sur la gestion des ressources naturelles nationales, en général et halieutiques, en particulier.
Ensuite, les pêcheurs Sénégalais veulent débarquer directement leurs productions chez eux pour éviter d’un côté, les pertes inhérentes au caractère très périssable des petits pélagiques et de l’autre, le surcout causé par les opérations de débarquement-embarquement du produit.
Là, d’aucuns n’ignorent que nôtre pays a un réel déficit en ce qui concerne la pêche des petits pélagiques, que son marché est capable d’absorber la production des embarcations sénégalaises autorisées et que le débarquement-embarquement des produits est profitable à ses citoyens de par ses effets induits. Un autre objet pouvant également être visé –et non le moindre- en constitue la maîtrise des statistiques de débarquement et la minimisation des pertes économiques résultant généralement des fausses déclarations.
Aussi, les investissements à consentir dans les infrastructures au sud de la Mauritanie, ne seraient rentables que si et seulement si les débarquements atteignent un certain seuil garantissant les besoins des populations locales et la rentabilité des usines de transformation de proximité.
A propos, le mini-pôle de développement à créer à N’Diago autour d’une infrastructure de débarquement adaptée, est souvent citée comme pouvant constituer une solution intermédiaire consensuelle pour les deux parties mauritanienne et sénégalaise. Il reste cependant à savoir quand est ce que une telle infrastructure sera théoriquement terminée et, en conséquence, techniquement opérationnelle.
Cet autre détail, de date également, serait un autre point sur lequel les avis des populations divergent et les états d’âmes des dirigeants des deux pays pourraient aussi certainement différer.
Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME