Ainsi fond, fond, fondent…les petits et grands glaciers de la planète

Vous me réchauffez la surface et le bas des reins. Je suis formé par les flocons, l’accumulation d’épaisses couches de neige que la pression avec ses grosses mains a transformé en glace, je glisse sur mon traineau vers vos vallées, oui je suis un glacier. Belle vocation à l’origine. J’ai choisi ce métier, de lenteur, de force, de beauté, je nourris vos fleuves, régule le climat mais même si dans l’histoire on a toujours augmenté ou régressé mais je ne croyais pas le job aussi dangereux et ne savais pas que j’avais signé en fait un CDD. Mes copains glaciers des Pyrénées seront les premiers à s’inscrire à Pôle Emploi. Dommage, ce n’est pas un pôle de glace. Fin 21e siècle, je serai quoi, moi… ? Une photo que vous aurez prise, il y a 80 ans ? Et les mômes qu’on laisse à la planète eux aussi, qui seront-ils ?

Je ne peux même pas accueillir un ours blanc comme réfugié climatique, il aura trop chaud en se promenant sur mon ventre.

Moi la Mer de Glace, avec mes copains des Bossons et d’Argentière, je suis un peu le boss ici, la gravure de mode des glaciers c’est moi. 

Je n’ai pas pu parler à votre Président quand il est venu. Je n’ai qu’une langue de glace, avec ma gueule d’effondrement ; comme les sapins de Vosges bouffés par les scolytes, comme la disparition des insectes, des amphibiens, mais surtout la disparition de votre relation au vivant.

Make our glacier great again !  Je sais…l’affaire est mondiale mais regardez les camions qui se déversent à mes pieds dans cette vallée du Mont Blanc à la fois superbe et une des plus polluées de France. Vous trouvez ça logique ?

Faut me ménager les gars, comme mes copains les océans, les forêts, les sols…faut atterrir les mecs en se calmant sur l’avion, le cargo, le SUV, la viande, le ciment, le pétrole, les minerais…oh là Bijou ! on se calme. Ouais, mais la machine est partie. Et si t’es bon pour le toujours plus, pour la marche arrière, t’as pas encore lu le mode d’emploi. Trop fort le climat.

Comment fait-on pour pleurer sur mon sort de glacier et se réjouir d’avoir vendu des avions, des bateaux de croisière, de signer des Tafta, des Ceta, et de laisser les pesticides se poser toujours en plus grand nombre sur mon visage empierré ? Mer de Glace, mer de cailloux demain… Vous pourrez toujours tenter de m’emballer, de saupoudrer vos stations de neige par hélicoptère, des pans de montagnes dégelées continueront de s’effondrer à l’image des civilisations qui ne tiennent pas compte de l’environnement. 

Comme on a formé une amicale, j’en parle à mes collègues de Patagonie, du Groenland, des Alpes, de l’Antarctique, de l’Himalaya où 40 % de la population mondiale dépend de nos eaux… C’est pareil, ça fond. On vous réserve d’abord trop de flotte, de jolies inondations puis de la rareté.

Etre glacier au XXIe siècle, les jeunes, je ne vous le conseille pas.

Parlez-moi du petit âge glaciaire, c’était hier. Là j’étais un caïd, je faisais peur, pas loin de Chamonix, avec ma langue je léchais le village des Bois, je frappais à la porte des maisons en descendant à coup de 2 m par jour. On appelait les curés, les évêques pour que le Diable retourne vers les sommets avec sa glace dans son sac à dos. Mais le Diable, ça réchauffe et le Diable sur ce coup-là, c’est pas vous et vos dirigeants, non ?

Coup de chaud sur la finance, la conso, nos hormones, nos cerveaux, faut aller vite, toujours plus vite, faites chauffer la colle et déglacer le glacier

Nature, hommes, glaciers, animaux…tous dans la même éprouvette, je mélange…que va t’il en sortir ? Surprise.

Aujourd’hui à nos petits de notre enfance réécrivons les chansonnettes.

C’est bien les comptines : ainsi fond, fond, fondent…les petits et grands glaciers de la planète.

Denis Cheissoux