Assurance chômage : "Nous sommes fermement opposés à une réduction des droits pour les cadres" (M. Rosy, Syntec)
Par Nicolas Lagrange, le 28/02/2019 - Lire la dépêche en ligne
La fédération Syntec s’oppose fermement à la possible diminution des allocations-chômage des cadres. La principale organisation patronale du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’événementiel, dont les entreprises emploient 60 % de cadres, l’a écrit à la ministre du Travail, en joignant une note argumentaire. Dans un entretien à AEF info, Matthieu Rosy, son délégué général, critique un éventuel bonus-malus relatif aux contrats courts et se dit par ailleurs attaché au maintien des spécificités de l’encadrement dans le cadre de la négociation interprofessionnelle actuelle.
Matthieu Rosy, délégué général de la fédération Syntec
AEF info : Pourquoi la fédération Syntec prend-elle position sur le dossier de l’Assurance-chômage ?
Matthieu Rosy : Tout d’abord, nous sommes particulièrement légitimes pour nous exprimer sur ce dossier, car notre branche emploie près de 900 000 salariés, dont 60 % de cadres. Un cadre du privé sur cinq en France travaille dans une entreprise de notre secteur. L’encadrement est constitutif de notre ADN. Nous portons une parole complémentaire à celle exprimée au plan interprofessionnel par le Medef, avec lequel nous sommes en convergence sur le sujet.
Ensuite, nous estimons que la remise en cause d’une proportionnalité entre les cotisations et les droits afférents serait très dérangeante. Nous sommes dans un régime de nature assurantielle, il faut le rappeler, un régime qui comporte déjà une part de mutualisation. Aller plus loin conduirait à changer la nature du régime, à basculer dans la redistribution pure. Nous sommes donc fermement opposés à une réduction des droits pour les cadres, une dégressivité des allocations ou un abaissement du plafond d’indemnisation. Notre prise de position met l’accent sur les principes d’équité et d’universalité.
AEF info : Le gouvernement met en avant des niveaux d’indemnisation pour les cadres nettement plus élevés en France que dans les autres pays européens et des durées d’indemnisation plus longues…
Matthieu Rosy : Seulement 1 100 personnes perçoivent le plafond d’indemnisation de 7 693 euros bruts par mois, soit 0,05 % des allocataires, selon les données de l’Unedic. Abaisser le plafond ne résoudrait pas les problèmes financiers du régime : on est en train d’ériger en symbole une mesure concernant potentiellement très peu d’allocataires et qui produirait des économies minimes.
Le ministère du Travail a également évoqué la situation de certains cadres qui ne seraient pas en recherche active d’emploi, mentionnant la piste d’une dégressivité. Est-ce une raison pour pénaliser l’ensemble des allocataires relevant du statut cadre ? La dégressivité ne pourrait être envisagée que si elle concernait l’ensemble des demandeurs d’emploi. De plus, seulement 4 % des allocataires cadres ne recherchent pas activement un emploi, selon les données de Pôle Emploi : il faudrait sanctionner les 96 % restants ? Au demeurant, ce taux de 4 % est deux fois plus faible que pour l’ensemble des allocataires indemnisables. Enfin, le régime d’Assurance-chômage est largement excédentaire sur le périmètre de la population cadres.
AEF info : Aviez-vous échangé sur l’Assurance-chômage avec vos interlocuteurs syndicaux de branche, préalablement à votre prise de position ?
Matthieu Rosy : Non, même si nous nous retrouvons en partie sur les constats. Nous avons choisi d’écrire à la ministre du Travail pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, en joignant une note argumentaire détaillée et chiffrée à notre courrier.
Il faut prendre garde à ne pas stigmatiser les cadres. Cette population est trop souvent présentée comme étant homogène ; elle serait la gagnante de la mondialisation, elle serait privilégiée… Or la situation des cadres est très disparate, selon le secteur d’activité et l’environnement géographique et économique dans lequel ils évoluent.
Au moment où le système de formation professionnelle se transforme, où l’on évoque la nécessité d’aller vers les métiers de demain, rogner les droits des cadres serait envoyer un message contradictoire. Les métiers de l’encadrement constituent un gisement d’emplois aujourd’hui comme demain. Ce n’est pas de cette manière que l’on gagnera la bataille de l’emploi.
AEF info : Quelles sont vos attentes à l’égard de la négociation interprofessionnelle sur l’encadrement ?
Matthieu Rosy : Nous en discutons avec les organisations syndicales de la branche et au sein de notre fédération. Une chose est sûre : nous sommes attachés au maintien des spécificités du statut cadre.
AEF info : Concernant la limitation des contrats courts, vous n’avez pas négocié d’accord avec les organisations syndicales. Vous souhaitez depuis plusieurs années que certains secteurs puissent avoir recours aux CDD d’usage…
Matthieu Rosy : Au global, sur l’ensemble de la branche, nous avons une faible proportion de contrats courts. Nous en avons discuté au niveau paritaire, estimant majoritairement que ce sujet n’était pas prioritaire.
Quant aux CDD d’usage, nous avons demandé, avec Cinov, la CFDT et la CFE-CGC, que certaines activités du secteur de l’événementiel puissent y avoir recours. Nous avions signé une lettre paritaire en ce sens en décembre 2015, soulignant les effets positifs sur la structuration du secteur, la sécurisation de l’emploi et la fidélisation des salariés.
AEF info : Quelle est la position de votre fédération sur l’éventualité d’un bonus-malus sanctionnant l’usage excessif des contrats courts ?
Matthieu Rosy : Nous ne voyons pas en quoi une taxation de contrats courts pourrait contribuer à améliorer l’employabilité des personnels concernés ou les faire basculer vers des contrats de plus longue durée. Le gouvernement n’en a pas apporté la démonstration. Un bonus-malus pourrait au contraire constituer un frein à l’embauche.
Nous sommes en phase avec la position interprofessionnelle du Medef : il convient plutôt de mettre l’accent sur l’accompagnement à l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle.
AEF info : Où en est la mise en place de l’Opco Atlas (lire sur AEF info) ? Le périmètre est-il complètement stabilisé ?
Matthieu Rosy : Il l’est à 95 % : les secteurs de la banque (mutualiste et non mutualiste), de l’assurance, de l’expertise-comptable et du courtage ont initialement rejoint notre branche pour constituer, avec Atlas, un Opco des services intellectuels à forte valeur ajoutée pleinement conforme aux objectifs de la réforme voulue par le gouvernement. L’Association française des sociétés financières a rejoint l’accord constitutif, tout comme la Banque de France : elles feront partie de la filière bancaire. Nous sommes en attente des réponses de la DGEFP concernant les branches des géomètres et des économistes de la construction et quelques autres branches. Le projet de statuts de l’Opco est en cours d’élaboration, dans la perspective d’une assemblée générale des organisations professionnelles et syndicales des branches adhérentes dans la seconde quinzaine de mars.
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La Rédaction AEF info Social RH