Banques participatives : Une entrée en service limitée
A la fois timide et partiel, c’est ainsi que l’on pourrait qualifier le démarrage des banques participatives au Maroc. En effet, le lancement officiel ne rime pas avec le lancement réel et l’enclenchement de ce nouveau modèle financier s’est effectué pendant la période des vacances d’été. Seules quelques banques ont commencé leurs activités qui se limitent, à ce stade, aux ouvertures de comptes et des opérations courantes.
Il est important de signaler que la grande majorité des banques agréées et des fenêtres autorisées par la banque centrale n’ont pas encore communiqué leurs offres de financement détaillées au grand public.
Il n’en demeure pas moins que les nouvelles banques participatives sont attendues sur trois fronts majeurs. Le premier front qui est vital est relatif à la crédibilité et à la conformité avec la Charia. La concrétisation dans les plus fins détails de la pratique quotidienne des idéaux islamiques relatifs au partage juste et équitable est un passage obligé pour gagner les cœurs et les esprits de la deuxième clientèle potentielle. La standardisation dans un premier temps des contrats de financement relatifs aux produits de la mourabaha et l’Ijara et le rôle de « pourvoyeur de visa » de la commission Charia de la finance participative sont certes des gages de sécurité. Néanmoins le dispositif devrait rapidement être corroboré par l’institution d’un « audit charia » professionnel et indépendant. Malheureusement, ce chantier n’est pas à l’ordre du jour.
Le deuxième point est relatif à la compétitivité, à moyen terme, par rapport aux banques conventionnelles. En effet, les études menées montrent clairement et sans équivoques que la grande majorité de la clientèle des particuliers est très sensible au « pricing » des produits participatifs.
Toute « cherté » par rapport aux produits conventionnels équivalents n’est pas compréhensible ni acceptable, et ce malgré l’existence de quelques facteurs structurels de sur-côte à court terme (période de démarrage, coûts fixes, frottements fiscaux subsistants, intégration anticipée d’une partie des risques de contrepartie,…).
Le benchmarking par le marché entre les offres des banques conventionnelles est à la fois inéluctable et omniprésent. C’est une spécificité des marchés hybrides avec un historique bancaire conventionnel solide.
C’est donc aux jeunes banques participatives de faire les efforts et les sacrifices nécessaires pour s’intégrer progressivement en bonne intelligence dans un environnement commercial et culturel difficile, de répondre aux vraies attentes de la clientèle potentielle et de dissiper les préjugés et les malentendus communicationnels.
Le dernier front est porté par la nécessité de parfaire l’offre de financement avec tous les ingrédients nécessaires compatibles à la Charia et notamment l’assurance Takaful.
Le retard pris par le chantier de l’assurance Takaful et surtout le dilemme douloureux d’un démarrage « avec ou sans assurance Takaful » a suscité beaucoup d’interrogations légitimes – parfois même sceptiques – à la fois des professionnels, des observateurs et du grand public. L’absence d’unanimité de traitement de cette question a certainement jeté le trouble chez une bonne partie de la clientèle non initiée et à cause des dommages collatéraux perceptibles sur le lancement de cette nouvelle activité, notamment en termes de risques de réputation.
Il est, donc, d’une nécessité impérieuse de rattraper le décalage du lancement de l’assurance Takaful dans les meilleurs délais. La loi de l’assurance Takaful avait été publiée au bulletin officiel en septembre 2016. Pour être opérationnelle cette loi a besoin de circulaires d’application dont la préparation incombe à l’ACAPS (Autorité de contrôle et de la prévoyance sociale). Le processus règlementaire d’adoption de ces circulaires est assez long : Validation par la commission Charia de la finance participative, publication au bulletin officiel après validation par le SGG… Par ailleurs, le circuit des extensions des agréments des compagnies Takaful n’est pas encore enclenché. Ainsi, il est évident que ce double processus réglementaire n’aboutirait pas avant fin 2017.
En attendant, des « pirouettes » techniques, très discutables et plus ou moins satisfaisantes pourraient être adoptées par les banques participatives pour pallier cette lacune de taille. Ceci étant, le démarrage efficace et efficient de ces banques souffrira pendant plusieurs semaines de ce manque de synergie réglementaire et de cette non gestion en mode « projet intégré » de leur introduction dans notre pays.
Saâd ZOUAOUI