Besoin de compétences techniques : l'absurdité de la réponse politique

Besoin de compétences techniques : l'absurdité de la réponse politique

Il peut sembler évident que la pénurie de personnel qualifié dans le cadre de missions essentielles pour une entreprise, voire la société dans son ensemble, doit être contrée par des mesures politiques intelligentes de formation, et surtout un enseignement de qualité centré sur les compétences techniques pointues à acquérir.

Nous rencontrons, en effet, depuis plusieurs années dans le secteur des technologies de l'information, une telle pénurie de candidats pour renforcer nos équipes.

Comme allant de soi, suite à l'interpellation tant du secteur privé que du secteur public, le responsable politique devrait donc mettre en oeuvre une réforme qui favoriserait l'acquisition de ces compétences techniques de haut niveau, d'autant plus qu'un grand réservoir d'emplois ne demande qu'à être comblé.

Tous les acteurs concernés seraient gagnants de la sorte : les employeurs avec du personnel qualifié en suffisance, le personnel en place, parfois à la limite du burn-out, soulagé et pouvant continuer à prester de manière à nouveau soutenable, le personnel formé, en étant recruté dans l'emploi qu'il désirait, en n'ayant pas dû se réorienter dans une autre filière moins porteuse, et enfin même l'Etat, qui reçoit des cotisations sociales et contributions fiscales, en lieu et place de verser des allocations de chômage.

Cela paraît évident, rentable, efficace : une bonne pratique qui va de soi. Et pourtant...


Imaginons dans le secteur professionnel IT que je connais bien, où les besoins sont criants depuis des années, et non comblés, qu'une réforme de la formation est mise en oeuvre, vantée par le monde politique.

Oui, les compétences sont en adéquation avec l'évolution technologique : Python et Java ont remplacé les codages Cobol et Pascal, la programmation des routeurs et commutateurs de dernière génération est réalisée en lieu et place de la mise en place d'un réseau X25, le cryptage et la sécurité par conception (security by design) sont de mise, ainsi que tout ce qui est requis au quotidien au sein des organisations travaillant aux standards modernes de l'informatique actuelle.

Et, en plus, ces études suscitent un engouement au sein des jeunes (et aussi de moins jeunes, il est possible d'apprendre tout au long de la vie) qui veulent devenir informaticiens : ça y est, les pénuries vont se tarir ; et les employeurs et le personnel en place de s'en réjouir.

Et puis... adieu veau, vache, cochon, couvée... car il apparaît, alors même que les évaluations des acquis techniques IT se révèlent sans faute, et que la majorité des participants les ont réussi, en s'investissant des centaines d'heures, que la réforme a prévu que ne pourront poursuivre leur formation que seuls celles et ceux qui performent à 2 « examens » oraux de 10 minutes, qui n'ont aucun lien avec le quotidien professionnel IT, car ces 2 examens comptent pour près de 3/4 des points...


Quelle sidération ce serait tant parmi les employeurs, que surtout les étudiants, mais aussi la population, en sachant que seront recrutés à l'étranger, parfois avec difficulté, du personnel, qui lui ne doit pas subir une telle réforme absurde. Cela paraît d'ailleurs impossible.

Toutefois, impossible n'est pas français.


Ainsi, au moment où la situation sanitaire de saturation des hôpitaux, provoquée en partie importante par le désinvestissement massif dans le secteur de la santé, depuis plusieurs dizaines d'années, par le monde politique, qui en est donc responsable et coupable, en particulier la réduction de capacités imposées, à contre sens des besoins de la société, et ce même durant la crise covid-19 toujours en cours (il fallait oser... et ils l'ont fait, un célèbre dialoguiste ayant pu compléter que c'est à cela qu'on les reconnaît), le monde politique montre sa grande cohérence pour répondre aux besoins de personnel qualifié en médecine.

Il est vrai qu'en Belgique, en maintenant un système de numerus clausus en place, alors que la pénurie en Wallonie ne fait que croître, en particulier hors des villes, et en engageant en parallèle du personnel à l'étranger, en ruinant les aspirations d'une jeunesse locale motivée, avec des concours d'accession aux études de médecine, la performance était déjà d'un niveau de surréalisme assez conséquent.

Mais il convient de rendre à César les palmes qui lui reviennent : les champions du monde en la matière sont certainement Français.

En effet, est éclairante la réforme actuellement en vigueur : comment un responsable a pu concevoir cela, à l'encontre des intérêts évidents de la Nation ?

Cette absurdité a été condamnée par le Conseil d'Etat, qui, le 21 décembre dernier, a privilégié la Raison et l'Etat, à d'autres considérations que l'on peine à comprendre. Mais les étudiants qui ont obtenu gain de cause, n'ont toutefois pas été réintégrés, à ce jour, au sein des Facultés.

L'absurdité est hélas celle contée en fiction plus haut, mais avec une réalité encore plus consternante : 72 % de la note de première année de médecine a été fixée en 2021 par un examen oral portant sur des questions de société, auquel les aspirants médecins n'étaient pas préparé.

En résulta que nombre parmi les 300 premiers classés lors des parties écrites, ont échoué et ont été forcés de se tourner vers un autre cursus que la médecine...

Or ces parties écrites (15 heures d'examen), qui pour le commun ayant encore une dose de bon sens, devrait constituer l'essentiel de la cotation, puisque ce sont ces compétences techniques (12 matières représentant 240 heures de cours), qui sont recherchées tant par les employeurs que par les futurs patients, qui y étaient évaluées, au final, ne constituaient que 28 % de la note... Aberrant et consternant.

Je cite Le Figaro du 21 janvier 2022 : « Voici un exemple de sujet délirant de l'épreuve de «mise en situation» de l'université de Paris : «Dans un musée, on voit une enseigne d'une ancienne chocolaterie du XVIIIe siècle avec un domestique noir qui sert sa maîtresse blanche. Le nom de la chocolaterie est “le nègre joyeux”. Qu'en pensez-vous?». Il s'agit pourtant bien d'un sujet censé évaluer si les étudiants «disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine», selon le décret. »

Alors qu'une crise économique est en train de poindre alors même que la crise sanitaire n'est pas terminée, il conviendrait pourtant de privilégier les compétences techniques qui pourront répondre aux besoins de la société et de nos entreprises, quel que soit notre secteur d'activités.

Et vous, que constatez-vous et qu'en pensez-vous ?



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