Comment ne pas tomber de Charybde en Scylla : quand la loi ELAN vient au secours des copropriétés

Comment ne pas tomber de Charybde en Scylla : quand la loi ELAN vient au secours des copropriétés

Une formalité parfois ignorée ou incomplète

L'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis contient une disposition qui peut s'avérer redoutable dans le cadre d’une procédure initiée par un syndicat de copropriétaires :

Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale.

Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat.

Il était par conséquent tentant pour un plaideur attaqué par une copropriété d'invoquer comme moyen de nullité de l'assignation le défaut ou l'imprécision de l'autorisation donnée au syndic d'agir en justice par l'assemblée générale, au visa des articles 117 et 771 du Code de Procédure Civile.

Avec de graves conséquences en matière de désordres de construction

Le cas était fréquent en matière de désordres de construction pour lesquels les vendeurs, constructeurs et assureurs soulevaient, même en présence d'une autorisation à agir, soit l'absence de désignation de certains désordres pour lesquels une indemnisation était demandée, soit l'absence de tel ou tel intervenant à l'opération de construction contre lequel une demande de condamnation était formulée (Cass. civ. 3ème, 27 avril 2000, n°98-17.570 ; Cass. civ. 3ème, 7 décembre 2005, n° 04-16.153).

Ce moyen était d'autant plus redoutable que si l'autorisation à agir du syndic par l'assemblée générale pouvait intervenir ou être complétée après l'introduction de la procédure et même à hauteur d'appel, c'était néanmoins à la condition que la régularisation intervienne avant l'expiration du délai de prescription de l’action en justice (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 16 janvier 1985, 83-14.466 83-14.757, Publié au bulletin).

Un syndicat des copropriétaires pouvait ainsi être débouté de sa demande de réparation des malfaçons dont était affecté son immeuble pour une question de procédure.

Qui appartiennent désormais au passé

Le Décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, pris en application de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite Loi ELAN, vient d'insérer un deuxième alinéa dans l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, ainsi rédigé :

Seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice.

Cet ajout simple et concis emporte une grande conséquence pratique : les défendeurs aux actions intentées par les copropriétés ne pourront plus invoquer l'absence d'autorisation par l'assemblée générale du syndic à agir en justice pour s'opposer aux demandes, pour autant que les défendeurs soient des tiers au syndicat des copropriétaires.

En effet, les copropriétaires en litige avec leur copropriété pourront toujours invoquer ce moyen.

Tel sera par exemple le cas lorsque le syndicat reprochera à un copropriétaire des travaux touchant aux parties communes ou à l'aspect extérieur de l'immeuble sans autorisation de l'assemblée.

Sans pour autant disparaître dans le fonctionnement de la copropriété

Il n'est en effet pas exclu que les syndics continuent à se faire autoriser à agir en justice par l'assemblée générale, essentiellement pour des raisons internes à la copropriété.

Une procédure, surtout en réparation des désordres de construction d'un immeuble, représente une dépense importante pour la copropriété qui doit faire l'avance de ses frais dans l'attente de l'issue de la procédure qui interviendra après plusieurs années.

Le syndic doit donc veiller à faire voter un budget pour la procédure.

Il peut également être tenté de se faire couvrir par une décision d'assemblée l'autorisant à engager la procédure pour une question de responsabilité civile professionnelle.

 




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