En matière de prescription, il ne faut pas confondre loyers et biens de consommation
L’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 (ajouté par la loi du 24 mars 2014 dite Loi ALUR) prévoit que toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit.
La prescription de l'action en paiement des loyers et des charges a ainsi échappé au délai de droit commun de cinq ans prévu par l'article 2224 du Code Civil (créé par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile) et avant lui par l'ancien article 2277 du Civil Civil (abrogé par par la loi du 17 juin 2008).
Raccourcissement du délai de prescription
Ce raccourcissement du délai de prescription de 5 à 3 ans ne concerne toutefois que les contrats de location soumis à la loi du 6 juillet 1989 s'appliquant aux locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation qui constituent la résidence principale du preneur ainsi qu'aux locaux accessoires loués par le même bailleur (cf. article 2 de la loi du 6 juillet 1989).
L’article L. 137-2 du code de la consommation prévoit quant à lui que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Le télescopage de ces deux textes à l'initiative d'un locataire d'une résidence principale contre un bailleur professionnel était prévisible.
Application du délai triennal
Un propriétaire d’un logement social a assigné d'anciens locataires en paiement d’une somme au titre des réparations locatives et d’un solde de loyer.
Pour déclarer prescrite l’action en paiement, le jugement retient que la société bailleresse est un professionnel de la location immobilière sociale, que la location d’un logement est une fourniture de services, le bailleur mettant à la disposition du locataire un local en contrepartie d’un loyer, que la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation s’applique donc aux relations entre les parties.
La Cour de Cassation a reproché au Tribunal d'avoir statué ainsi, alors que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que la prescription édictée par l’article 7-1 de cette loi est seule applicable à l’action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés.
Cette décision publiée sur le site de la Cour de Cassation et vouée à une large diffusion sera de nature à rassurer les bailleurs professionnels.
Application du délai biennal
Il ne faut toutefois pas perdre de vue, au regard de sa motivation, que cet arrêt ne concerne que les locations régies par la loi du 6 juillet 1989.
On peut s'interroger sur le délai de prescription de l'action en paiement des loyers et des charges dus en exécution d'un bail soumis au droit commun du louage (articles 1714 et suivants du Code Civil) pour un garage loué à un particulier de manière non accessoire à son logement ou pour une location saisonnière.
Faute de règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, le délai de prescription biennal paraît devoir s'appliquer en cas de location entre un professionnel et un consommateur.
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