Contrat administratif : « tout l’objet, rien que l’objet » du contrat : une récente évolution jurisprudentielle…..

Contrat administratif : « tout l’objet, rien que l’objet » du contrat : une récente évolution jurisprudentielle…..

La singularité, voire l’exorbitance des contrats administratifs, résident dans la dyssimétrie synallagmatique des rapports contractuels entre l’administration et son cocontractant.

Cette spécificité est le résultat d’une construction jurisprudentielle dont l’origine remonte au début du XX siècle, aboutissant au régime juridique des contrats administratifs ; les cocontractants se trouvant soumis à des contraintes et des obligations extra voir « méta » contractuelles.

En effet, outre le pouvoir de sanction que l’administration possède sur son cocontractant, indépendamment de toute stipulation contractuelle (traditionnellement mentionnée sous le vocable de « dans le silence du contrat »)[1], ce dernier est soumis à une obligation de continuité du service public lorsque, par l’effet du contrat, lui a été dévolu la gestion de ce dernier, devant lequel il doit également assurer l’égalité des usagers, tout en étant « menacé » à tout moment, d’une résiliation unilatérale[2] de son contrat, d’une modification unilatérale[3] de ce dernier, quand l’autorité publique contractante ne lui impose pas  de s’adapter aux nouvelles techniques et technologies, dans le silence du contrat une nouvelle fois [4].


Ainsi, l’objet du contrat administratif, élément essentiel de qualification, n’est pas le seul « référentiel » d’exécution d’un contrat administratif, contrairement à un contrat de droit privé.

La dernière évolution jurisprudentielle marque un net recentrage de ce référentiel d’exécution du contrat, sur l’objet contractuellement convenu justement entre les parties.

-         Ainsi, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 3 mars 2017, Commune de Clichy-sous-Bois, n°398901, du 03 mars 2017,  Commune de Clichy-sous-Bois et société Dhuysienne de Chaleur, a affirmé que l’exigence à laquelle est astreint un délégataire de service public d’assurer la continuité du service public, et l’égalité des usagers, est circonscrite à l’objet du contrat, et selon les modalités définies par ses stipulations. En l’espèce, en l’absence de contrat d’abonnement entre un usager potentiel et le concessionnaire, ce dernier n’est pas tenu à une obligation de lui assurer une continuité de service public;

-         De même, l’objet du service public et son périmètre doivent être définis avec précision par l’autorité délégante, comme le relève le Conseil d’Etat, dans son arrêt n°412644, du 15 novembre 2017, Commune du Havre et société Idex territoires ;

-         Enfin, le Conseil d’Etat, dans un arrêt n°407431, du 24 mai 2017, Commune de Limoux et Société d’Aménagement Urbain et Rural, a sanctionné une procédure de passation d’une délégation de service public, en considérant que l’autorité délégante a méconnu l’objet de la concession en demandant aux candidats de remettre une offre conditionnelle tentant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité délégante, ou en prenant en compte, pour choisir un délégataire, des éléments étrangers à ce contrat.


Ainsi, la notion « d’objet » du contrat administratif, semble, en l’état de la jurisprudence très récente, esquisser un rapprochement vers l’acception privatiste de l’objet contractuel, à savoir « tout l’objet, rien que l’objet » du contrat.


Sylvain SALLES

Cabinet AXONE DROIT PUBLIC

Avocat associé

Enseignant à l'Université LYON III

Spécialiste en Droit public économique

s.salles@axone-avocats.com


[1] CE Deplanque, 31/05/1907

[2] CE Distillerie de Magnac-Laval, 02/05/1958

[3] CE, Compagnie du Gaz de Déville-Lès-Rouen, 10/01/1902

[4] CE, UTPUR, 02/02/ 1983




Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets