Dommage corporel, douleur de déafférentation ou douleurs neuropathiques ?

Ainsi que je l'ai déjà écrit dans un post précédent, la douleur, en soi, ne fait pas l'objet d'une indemnisation spécifique.

 

Cette assertion n'est pas totalement vraie.

Les douleurs neuropathiques, si elles ne sont pas réellement quantifiables quant à leur intensité, peuvent être identifiées à travers un certain nombre de tests cliniques qui objectivent la réalité du problème :

  • Les caractéristiques cliniques, brûlures, sensation de froid douloureux, décharges électriques, fourmillements, picotements, engourdissements, démangeaisons
  • L'hypoesthésie
  • l'allodynie

 

Ces deux derniers tests corroborent les plaintes anamnestiques.

 

La quantification de la douleur à l'aide de l'échelle EVA reste très subjective et est surtout utile pour pouvoir juger de l'évolution en fonction des traitements.

 

Une approche de cette quantification me semble possible à travers l'importance des traitements nécessaires pour obtenir un contrôle relatif de la douleur ressentie.

 

Cette douleur peut effectivement être responsable d'une atteinte fonctionnelle.

 

Les barèmes à notre disposition sont très pauvres sur ce sujet.

 

Le barème de la société française de médecine légale ignore totalement ce point

 

Le barème dit de droit commun, du concours médical, de l'AREDOC retient par contre, une rubrique intitulé  « les douleurs de déafférentation » .

L'évaluation repose sur deux items :

  • soit en majorant le taux retenu pour le déficit lorsqu'il existe,
  • soit par un taux d'incapacité spécifique, 5 à 10%

 

La 1re hypothèse ouvre la voie à la plus totale subjectivité , raison pour laquelle je préfère le taux d'incapacité spécifique, même si ce taux peut sembler parfois insuffisant (la prise en charge thérapeutique offre des critères qui permettent d'agir sur le poste des souffrances endurées )

 

Le problème repose sur le fait que le terme « déafférentation » n'est quasiment jamais utilisé , au profit du terme « douleurs neuropathiques »

 

Ceci peut être à l'origine de discussion byzantine :

Les douleurs neuropathiques ne sont pas reprises dans le barème, elles ne sont donc pas indemnisables

Récemment, il m’a été opposé que la douleur de désafférentation est en fait, la douleur du membre fantôme en cas d'amputation .

 

Toutes ses insertions doivent être totalement balayées.

Tous les auteurs qui se sont occupés de ce problème, ont clairement fait l'amalgame entre les deux, en élargissant le débat.

 

L'excellente Revue Médicale Suisse (T. Kuntzer et I. Decosterd, Douleurs neuropathiques : contexte, nouveaux outils, nouveaux médicaments, Rev Med Suisse 2005 ; 1 : 2812-6) en a fait une excellente synthèse que je reproduis ci-dessous :

« Par définition, les douleurs neuropathiques sont des douleurs consécutives à une lésion du système nerveux. Elles ont été appelées «douleurs de désafférentation», mais le terme de douleur neuropathique est préférable car il ne comprend aucune connotation de cause.

Les douleurs neuropathiques périphériques sont caractérisées par une lésion du système nerveux périphérique et peuvent concerner un plexus (arrachement du plexus brachial), une racine (sciatique) ou une atteinte tronculaire (atteinte du médian, du péronier ou atteinte plus diffuse des nerfs périphériques comme lors des polyneuropathies). Les situations étiologiques les plus fréquentes sont les douleurs postzostériennes, post-traumatiques, postchirurgicales, les compressions radiculaires chroniques par arthrose ou hernie discale (sciatiques ou cervicobrachialgies), les neuropathies périphériques, en particulier liées au diabète ou à l’action neurotoxique des polychimiothérapies anticancéreuses.

Les douleurs neuropathiques centrales s’observent lors de lésions du système des voies sensitives (soit les cordons postérieurs de la moelle, soit le faisceau spino-thalamique), ou les systèmes de contrôle de la douleur. La particularité de ces douleurs centrales vient du fait qu’elles siègent dans un territoire caractéristique, le plus souvent sur un hémicorps ou qu’elles adoptent la distribution classique des syndromes médullaires (syringomyélie, syndrome cordonal postérieur). Au niveau du tronc cérébral, la pathologie la plus fréquente est la séquelle du syndrome de Wallenberg touchant le faisceau spino-thalamique au niveau du bulbe. Au niveau du thalamus, ce sont des séquelles d’accidents vasculaires localisés au noyau postéro-ventro-latéral. Enfin, des syndromes pseudothalamiques peuvent survenir dans des lésions vasculaires touchant les radiations thalamo-corticales, voire le cortex pariétal et insulaire. »

 

Ceci devrait, j'espère, améliorer le débat et surtout la juste indemnisation des victimes

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