Droit des personnes / Etat civil / Déjudiciarisation du changement de prénom.
Le divorce par consentement mutuel n’est pas la seule procédure qui échappe au juge depuis le 1er janvier 2017.
Le droit de « l’état civil » fait également sa « révolution », tout particulièrement par la codification de règles applicables au changement de sexe et par la simplification du changement de prénom.
Jusque là, changer de prénom nécessitait une action devant le Juge aux Affaires Familiales : la loi imposait la démonstration d’un « intérêt légitime » qu’il fallait venir défendre obligatoirement par l’intermédiaire d’un avocat. Désormais la demande de changement de prénom est portée devant l’officier d’état civil territorialement compétent. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée. Si la demande concerne un enfant âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
C’est simple et gratuit. En tout cas si l’officier d’état civil conçoit de façon restrictive son examen de la motivation de la demande. Et c’est là que ça se complique.
Auparavant, le requérant devait commencer par justifier d’un « intérêt légitime » pour oser prétendre à changer de prénom (un prénom « ridicule », une consonance étrangère mal vécue ou un motif religieux…).
Aujourd’hui c’est l’inverse : Le texte prévoit que c’est seulement si l’officier d’état civil estime qu’elle est ne revêt pas un intérêt légitime que la demande est alors transmise au Procureur aux fins de contrôle, avant éventuelle saisine du juge aux affaires familiales si ce dernier partage les réserves de l’officier d’état civil. En quelque sorte, le droit au changement est devenu la règle et le refus ; l’exception.
Le nouveau texte propose d’emblée deux cas qui devront justifier la transmission au Procureur : lorsque la demande paraîtra « contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille ». Protection des vulnérables et des tiers oblige.
Si la liste de ces cas n’est pas exhaustive, l’inversion du mécanisme ne nous paraît pas seulement relever du hasard rédactionnel, mais plutôt traduire une évolution de la conception de l’état des personnes, vraisemblablement à rapprocher de la libéralisation du changement de sexe.
Sans qu’il soit nécessaire de remonter jusqu’aux Acta Urbis de la République de Rome, les noms et prénoms, tout comme le sexe, ont toujours été tenus éloignés la volonté individuelle. Le sexe devait s’accepter, le nom se transmettait et le prénom se recevait, l’ensemble devant être intangible, au nom de la sécurité des rapports juridiques avec les tiers et l’Etat.
Désormais, seul le nom appartient encore à l’Etat, le changement ne pouvant s’opérer que dans des conditions exceptionnelles, par décret, au terme d’une procédure complexe. Le sexe et le prénom peuvent quant à eux faire l’objet d’une « réappropriation » et devenir réellement des attributs essentiels de l’identité d’un individu.
En tout cas, il faut le croire et il faut que les officiers d’état civil s’en persuadent. Sans quoi, c’est à plus de complexité et d’arbitraire qu’il faut s’attendre.
Complexité, car si les officiers d’état civil exigent la démonstration systématique de la légitimité du motif du changement, ils douteront sans cesse et ils encombreront donc rapidement les bureaux des procureurs, lesquels provoqueront immanquablement la re-judiciarisation en refusant de se faire juge de cette légitimité à la place de leurs collègues du siège.
Arbitraire, car un juge judiciaire est indépendant. Il ne statue pas en fonction des relations qu’il entretient avec le requérant. Si demain, la demande de changement de prénom fait l’objet d’un contrôle de légitimité systématique par un officier d’état civil sans indépendance statutaire, comment garantir aux citoyens que l’appréciation de la légitimité du changement réclamé par la vendeuse d’une moyenne surface de quartier sera traitée comme celle du gendre du conseiller municipal ?
Responsable des services de l'Administration Générale - Attachée territoriale
4 ansJe vous rassure , il existe encore des officiers d'état-civil intègre !