(Hebdo. 15-21 juillet 2019) - Une économie mondiale qui flanche, des comportements de marché (FX) qui se dessinent/confirment
Editorial : Une économie mondiale qui flanche : C'est grave docteur ?
On ne peut pas dire qu’on soit réellement surpris par la teneur des tous premiers chiffres de croissance au second trimestre très décevants publiés ces derniers jours en Asie, néanmoins l’ampleur des dommages causés par le regain de tensions entre Pékin et Washington au printemps n’était peut-être pas attendue aussi importante. En Chine, au Vietnam et à Singapour ; trois pays asiatiques qui partagent la caractéristique d’avoir un modèle de croissance centré vers l’extérieur ; l’économie a très fortement ralentie sur la période de mai à juin qui fut entre autres marquée par la nouvelle frénésie protectionniste de la Maison Blanche (taxes sur $200Mds de produits chinois, menace de barrières douanières contre le Mexique, critiques contre un euro jugé trop faible). Troublée par le regain d’incertitudes sur l’économie mondiale et handicapée par une réduction en retour des échanges mondiaux, l’économie du Vietnam a glissé à son plus bas niveau depuis 2 ans au T2 (6,7% A/A). À Singapour, contre toute attente, l’économie s’est vivement contractée (-3,4% T/T) et la dynamique annuelle a glissé au T2 à son plus bas niveau depuis 2009 (0,1% A/A). Le cas le plus inquiétant reste celui de la Chine dont la dynamique de ralentissement ne semble pas s’atténuer mais au contraire s’accélère dangereusement. Après une performance déjà considérée comme décevante au début de l’année, l’économie chinoise a enregistré au second trimestre sa plus faible performance depuis 27 ans (6,2 A/A) ! Principal pourvoyeur de croissance dans la zone d’Asie du Sud-Est, mais également dans de nombreuses régions du monde dont les exportations sont dépendantes de la demande chinoise comme l’Allemagne par exemple, la faiblesse de l’économie chinoise n’annonce rien qui vaille. Et les banquiers centraux des principales économies mondiales n’y sont clairement pas insensibles.
Source: NBS, Reuters
Source: Statistiques officielles de Singapour, Reuters
Encore cités la semaine dernière par le président de la réserve fédérale américaine (Fed) lors de son audition semestrielle devant les membres du Congrès, les risques liés aux tensions commerciales et ses répercussions sur l’économie mondiale sont des freins qui pèsent sur les perspectives économiques et obligent la banque centrale à considérer la mise en place de nouvelles mesures de soutien. La banque centrale américaine n’est pas la seule à tirer la sonnette d’alarme, son homologue européenne (BCE) parle depuis plusieurs réunions consécutives de risques orientés à la baisse et la Banque du Canada (BOC) a également désigné la semaine dernière, en marge de sa réunion monétaire, une « guerre commerciale » comme étant la plus grande menace pour le Canada et l’économie mondiale dans sa globalité. S’il est vrai que l’on a pu être soulagé par l’annonce au dernier Sommet du G20 d’une trêve commerciale entre Pékin et Washington et l’espoir ravivé d’un accord bilatéral entre les deux principales puissances économiques que cette nouvelle évoque, toutefois cela a pour le moment pour seul effet de ne pas empirer un environnement économique déjà très dégradé. Et non pas de l’améliorer. Les dégâts causés par plusieurs mois de tensions sont indélébiles et ne peuvent être effacés, d’où au final un sentiment très contrasté de la part des investisseurs sur les marchés des changes qui voient : 1) Pas de réels signes pour le moment d’amélioration de la conjoncture mondiale même si les plus optimistes n’auront pas manqué de relever dans la large série de statistiques économiques publiées ce matin quelques signes de redressement de l’économie chinoise au mois de juin, et 2) Une perte croissante d’attractivité de certaines devises face à la perspective de réduction des taux directeurs par un certain nombre de banques centrales (USD, EUR, GBP, AUD) qui semblent prêtes à ne pas rester les bras croisés face aux pressions baissières qui s’exercent sur l’économie.
Dans ces cas précis, une règle prévaut, et devrait encore prévaloir dans le futur, celle qui consiste à se tourner vers des actifs « sécurisant » comme le yen japonais et le franc suisse (CHF & JPY) qui restent les deux devises vers lesquels les investisseurs se tournent lorsqu’ils sont à la recherche de certitude et protection. À noter qu’un second comportement de marché, quelque peu antinomique au premier, recommence peu à peu à pointer le bout de son nez depuis quelque temps et notamment depuis le retour au calme sur le volet commercial. Dans un environnement de large repli des taux obligataires, certains investisseurs à la recherche de rendements recommencent à se tourner vers les devises offrant des taux relativement stables et attractifs bien que présentant parfois des risques plus importants. Il s'agit des devises de pays développés comme le Canada ou la Norvège n'ayant pas encore pris de virage accommodant (CAD & NOK), ou les devises émergentes offrant de hauts rendements comme le rand sud-africain ou le rouble russe (ZAR, RUB).
Remarque : Sur la seule semaine dernière, nous avons observé un creux de 21 mois de l’EUR/CAD (C$1,4633), de 15 mois sur l’EUR/RUB (RUB 70,57) et de 5 mois sur l’EUR/ZAR (ZAR 15,62).
USD - Regards toujours focalisés sur les fondamentaux avant la Fed
Si les marchés sont entièrement convaincus que la réserve fédérale américaine devrait vraisemblablement opérer sa première baisse de taux en 10 ans à la fin du mois, des questions demeurent encore quant à la magnitude de cette baisse (petite ou plus importante ?) et la vigueur dans les prochains mois de ce supposé nouveau cycle d’assouplissement monétaire aux Etats-Unis (graduel ou accéléré ?). À moins de trois semaines de la prochaine réunion de la Fed, les marchés continueront de suivre attentivement les indicateurs conjoncturels américains à la recherche d’éléments de réponses sur la sévérité du ralentissement actuel de l’économie américaine, à savoir relativement mesurée ou bien très marquée. La publication cette semaine des statistiques de ventes au détail et de production industrielle (mardi), d’indicateurs clés d’activité dans le secteur de la construction tels que le nombre de permis de construire et de mises en chantier (mercredi), le livre beige de la Fed décrivant les dynamiques économiques régionales sur la période juin-juillet (mercredi) et les premiers indicateurs Michigan de confiance des ménages américains au mois de juillet seront les évènements forts de la semaine à venir. Comme les semaines précédentes, le dollar sera sensible aux spéculations laissant supposer que la banque centrale américaine pourrait décider de ne pas prendre le moins risque et apporter un large soutien à l’économie via une baisse « agressive » de ses taux d’intérêt (biais baissier pour la devise américaine/probabilité de baisse de taux de -50pbs en juillet estimée à 28% sur les marchés à terme). Il faudrait à moins cela pour sortir l’EUR/USD de sa torpeur actuelle et le ramener à hauteur de ces sommets de juin situés autour de $1,14.
EUR - Vote sur la présidence de la Commission Européenne : Maux de tête en perspective ?
Refusant la logique du Spitzenkandidat, les libéraux de la formation « Renaissance Européenne », 3ième force politique au sein du Parlement européen, ont bloqué la candidature de Manfred Weber (PPE) à la présidence de la Commission Européenne. Après de longues négociations, un accord à trois entre PPE (centre-droit), sociaux-démocrates (centre-gauche) et libéraux, très fortement teinté d’un regain de flamme du couple franco-allemand, a vu la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen désignée pour prendre la gouvernance de la Commission. Avant que cette nomination soit officielle encore faut-il qu’elle soit approuvée à la majorité absolue (au moins 376 voix) par les députés du Parlement européen. Vexés d’avoir été mis à l’écart des discussions sur la distribution des postes stratégiques de gouvernance des institutions européennes, les écologistes et l’extrême-gauche ont déjà annoncé qu’ils ne soutiendraient pas la nomination de UVDL. Les nationalistes et conservateurs, qui se voient bloquer tous les postes auxquels ils postulent au sein des différentes commissions et équipes de travail au Parlement, pourraient en faire de même. Un véto contre la candidature de la ministre allemande serait un véritable camouflet adressé aux principaux partis pro-européens qui pourrait à la fois raviver quelques divergences politiques et renforcer en parallèle l’impression d’un manque de cohésion et d’unité au sein des gouvernances européennes. L’euro pourrait pâtir (risque de repli sous $1,12) d’un retour de tumultes politiques en Zone Euro et d’un sentiment de méfiance des investisseurs vis-à-vis du projet européen.
Source: Parlement Européen
GBP - Des marchés plus alertes sur l'état de l'économie britannique
À un peu plus d’une semaine du dévoilement des résultats de la primaire du Parti conservateur et de la désignation du successeur de Theresa May au poste de premier ministre du Royaume-Uni, les marchés recommencent à s’inquiéter d’un possible risque de fort ralentissement de l’économie et scruter avec une plus grande attention la publication des indicateurs conjoncturels britanniques. D’autant plus ces dernières semaines alors que les responsables monétaires britanniques multiplient les allusions à une possible baisse de taux. À cet égard, les regards s’attarderont tout particulièrement cette semaine sur les statistiques de l’emploi, l’inflation et les ventes au détail au Royaume-Uni. D’importants remous sur la livre sterling pourraient alors s’observer en cas d’écarts importants entre les attentes et la réalité venant confirmer les difficultés rencontrées actuellement par l’économie britannique. L’EUR/GBP a touché un pic de 6 mois la semaine dernière à plus de £0,90 mais a néanmoins été incapable de casser cette barrière. Cela pourrait n’être que partie remise…
Source: Reuters
Agenda de la semaine (15-21 juillet 2019) : Evènements & chiffres clés
• Mardi : Emploi au Royaume-Uni (10h30) / Indice ZEW en Allemagne (11h00) / Ventes au détail (14h30) et production industrielle (15h15) aux Etats-Unis
• Mardi : Vote au Parlement européen de validation de la candidature de UVDL à la présidence de la CE
• Mercredi : Minutes de la RBA (03h30) / Inflation au Royaume-Uni (10h30), en Zone Euro (11h00) et au Canada (14h30) / Permis de construire aux Etats-Unis (14h30) / Livre Beige de la Fed (20h00)
• Mercredi-Jeudi : Réunion en France des ministres des Finances et banquiers centraux des pays du G7
• Jeudi : Balance commerciale au Japon (01h50) / Emploi en Australie (03h30) / Ventes au détail au Royaume-Uni (10h30) / Décision monétaire en Afrique du Sud (15h00)
• Vendredi : Inflation au Japon (01h30) / Ventes au détail au Canada (14h30) / Indices Michigan aux Etats-Unis (16h00)