Intérêt à agir : une appréciation enfin plus restrictive ?
L’intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme s’apprécie au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du Code de l’Urbanisme et il appartient notamment au requérant de démontrer que le projet contesté est « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance du bien » qu’il détient ou occupe régulièrement.
Malgré cette rédaction, plus restrictive qu’auparavant, le juge administratif continue à avoir une position plutôt « large » de cet intérêt à agir, dès lors que le requérant est voisin immédiat du projet contesté.
Dans cette affaire, le Tribunal Administratif de Lyon (Tribunal Administratif de Lyon, 15 juillet 2021, n° 1908876) puis la Cour Administrative d’Appel de Lyon (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 18 avril 2023, n° 21LY02999), avaient successivement reconnu l’intérêt à agir de la Société requérante.
Dans un arrêt du 16 octobre 2024, (Conseil d’Etat, 16 octobre 2024, n° 475093, T. Leb) le Conseil d’Etat revient sur cette appréciation de l’intérêt à agir de la Société requérante et l’écarte en considérant que :
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« Pour juger que la société Genedis justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre du permis de construire délivré le 10 mai 2019, la cour s’est fondée sur les circonstances qu’elle se prévalait de sa qualité de locataire, en vertu d’un bail commercial en cours à la date à laquelle la demande du permis de construire litigieux avait été affichée en mairie le 3 octobre 2018, de l’immeuble existant, implanté sur le terrain d’assiette du projet et ayant vocation à être démoli pour les besoins de sa réalisation, et que le permis autorisant cette démolition avait été délivré le 4 décembre 2018, postérieurement à la date de cet affichage. En admettant que la qualité de locataire de l’immeuble existant conférait à la société requérante un intérêt suffisant pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire litigieux, alors que ce permis, par lui-même, n’était pas de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance par la société du bien occupé, au sens des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce.
Il suit de là que la société Immobilière Abraham Bloch est, pour ce motif, fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de son pourvoi ».
Le Conseil d’Etat précisant que :
« Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ».
C’est donc de « haute lutte » que le pétitionnaire « sauve » son permis de construire devant le Conseil d’Etat, sur le seul motif de l’absence de justification de l’intérêt à agir de la Société requérante, et donc de l’irrecevabilité de sa requête.
Avocat associé chez Selarlmenoulespagnol
1 sem.Intéressant