J’aime Amazon, c’est grave Docteur ?

J’aime Amazon, c’est grave Docteur ?

A force de considérer Amazon comme le fossoyeur des commerces traditionnels, beaucoup oublient de considérer son arrivée comme la chance d’un électrochoc pour moderniser et innover.

« The everything store » est considéré par beaucoup comme un rouleau compresseur qui détruit tout sur son passage. Force est de constater que les librairies indépendantes, dont certains prophétisaient la mort, ont survécu à l’arrivée d’Amazon en France. 2015 fut même un bon crû avec un chiffre en nette croissance, malgré une certaine morosité du marché principalement due à la baisse d’appétence pour la lecture de manière générale.

Amazon risque de "déstabiliser gravement les équilibres commerciaux parisiens"

Plus récemment, l’arrivée de Prime Now en juin dernier à Paris a également suscité une certaine crainte. La Mairie de Paris s’inquiétait dans un communiqué du risque de « déstabiliser gravement les équilibres commerciaux parisiens ». Qu’à cela ne tienne, si les librairies ont réussi à s’organiser pour faire face au géant du e-commerce, il n’y a aucune raison que les commerces parisiens pâtissent de ce nouveau service ultra-rapide. 

Quand nous avons créé Deleasy, une plateforme en ligne de courses de quartier avec livraison à la demande, je scrutais avec attention les avancées d’Amazon. Pas par peur de voir le marché que je visais asséché. Mais plutôt pour l’opportunité que présentait ce risque. A savoir l’opportunité d’un marché élargi. Car qu’on le veuille ou non, Amazon Prime Now (et peut-être Amazon Fresh) arrivait. Et cela voulait dire que le marché du e-commerce alimentaire allait mécaniquement s’agrandir à grand renfort de communication, RP et campagnes marketing. En nous positionnant bien, nous allions pouvoir bénéficier d’un meilleur taux de pénétration sans pour autant concurrencer vraiment Prime Now en raison de notre orientation sur le local.

Continuer "Business as usual", c'est l'assurance de mourir à petit feu

Malgré la notoriété mondiale du géant, beaucoup des commerces référencés chez nous ne connaissaient pas Amazon quand nous sommes allés les voir pour la première fois. D’autres ne s’en inquiétaient pas particulièrement pensant avoir une proposition de valeur qui se suffisait à elle-même : qualité des produits, expertise, relation client, service de proximité. Ils s’étaient construits eux-mêmes, sans aucune aide avec leur seule volonté et du travail, du travail, du travail. Et sans Internet de surcroît. D’autres encore en avaient une peur bleue qui les bloquait. Si toutes ces réactions sont légitimement compréhensibles (et ils nous appartenaient de les comprendre et de les accompagner dans leur transition), il n’en reste pas moins que chacun d’entre eux avait tort.

Ne pas connaître son marché, et donc (tous) ses concurrents, est risqué. Un boucher ou un primeur est un entrepreneur comme un autre qui doit maîtriser ses avantages compétitifs. Or certains concurrents sont des pure players et n’ont pas par définition pas pignon sur rue. Comment les connaître ? Faut-il s’adapter ? Ne pas s’en inquiéter, ou s’en inquiéter au point de ne rien faire, est encore plus dangereux. A titre d’exemple, Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, passé à quelques reprises près du gouffre, se plait à faire l’apologie auprès de ses employés des critiques et articles assassins envers Amazon. Pour lui, il faut avoir peur que l’aventure ne s’arrête du jour au lendemain. Car de cette manière on doit innover et donner le meilleur chaque jour. Continuer « business as usual » c’est l’assurance de mourir à petit feu.

Les innovations d'Amazon doivent servir de "wake up call" pour moderniser les commerces de quartier

Pourtant, les méthodes de consommation changent bel et bien. Le marché des courses alimentaires en ligne croît de 12% chaque année en moyenne. Et la demande explose notamment dans les grandes villes, là où la densité de petits commerces est la plus élevée. Pourtant, plus d’un commerce de proximité sur deux n’est pas digitalisé, et parmi eux 83% n’envisagent pas de le faire. La nature ayant horreur du vide, d’autres se positionnent donc à leur place, et continueront de le faire.

De la même manière que les librairies indépendantes se sont organisées, modernisées et ont innové pour repenser ce lieu d’échange – le tout dans un marché naturellement morose de la lecture – imaginons le potentiel de développement si nos primeurs, bouchers, poissonniers, fromagers, superettes et autres enseignes de quartiers se modernisaient réellement, le tout dans un marché en pleine croissance. Ce développement doit intervenir non seulement hors ligne, mais aussi en répondant aux nouveaux besoins créés par la révolution numérique qui créé un tout nouvel espace avec un marché extrêmement attractif à la clé. Un site informatif ne suffit plus.

Certes, résister à la force centripète d’Amazon n’est pas une fin en soi. D’autant qu’Amazon n’est elle non plus pas à l’abri de se faire un jour « ubériser ». Il vaut au contraire mieux considérer les innovations du leader mondial comme un « wake up call » qui doit inciter les commerces à innover, créer, se concentrer sur ce qu’ils font de mieux sans jamais cesser de l’améliorer, trouver des partenaires pour les accompagner sur le web de manière pérenne et trouver les nouveaux relais de croissance qui viendront compléter l’offre hors ligne.

Soit les innovations d’Amazon représentent un risque pour les commerces de nos quartiers. Soit elles constituent une fantastique opportunité de se renouveler. Le diagnostic est le même, mais le traitement diffère.

Adrien Caillaud Palayer

helping companies build data-driven CX

7 ans

Excellent article Mr Le Page :)

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