L’augmentation du prix de l’électricité menace nos industries énergo-intensives et impose d’investir massivement dans l’efficacité énergétique

Quand on évalue en Europe les émissions de gaz à effet de serre par secteur d’activité, on traite la production d’énergie électrique comme un secteur à part entière distinct du secteur industriel.  C’est une mesure d’équité destinée à ne pas pénaliser les industriels alimentés par de l’électricité très carbonée comme en Pologne ou en Hollande mais cela cache une réalité technique et économique qui pourrait mettre en péril l’industrie énergo-intensive européenne. La raison en est le manque d’effort en matière d’efficacité énergétique électrique industrielle lié à une mutualisation de l’impact carbone de l’électricité face à l’augmentation inéluctable du prix de gros de l’électricité en Europe

En effet le prix de l’électricité en Europe est quasiment mutualisé et est en train d’augmenter pour de nombreuses raisons :

• La pression sur les prix liée à la surcapacité en centrale électrique est en train de disparaitre favorisant une remontée des prix
• Le coût de production des centrales européennes au charbon va augmenter d’un euro par MWh pour chaque euro de taxe par tonne de CO2. Une taxe CO2 à 20 Euros la tonne a pour conséquence directe une électricité produite avec du charbon qui passe de 30 à 50 Euros/MWh
• Le grand carénage des centrales EDF et la mise en service de Flamanville va obliger l’électricien national à augmenter l’ARENH, son tarif de revente de l’électricité en gros à 42 €/MWh actuellement
• La fermeture programmée des centrales nucléaires belges et allemandes va déplacer la production vers des centrales à gaz dont le cout de production du MWh est au moins 20 € supérieur
• Le besoin en capacité de stockage, y compris stockage saisonnier, va nécessiter des investissements lourds et donc augmenter significativement le coût de production des nouvelles capacités d’électricité renouvelable intermittente

Cette augmentation va s’accélérer avec l’électrification des procédés industriels, y compris de production de chaleur avec des pompes à chaleur, de production d’hydrogène sans CO2 ou de capture du CO2. Cette électrification va augmenter la demande en électricité non-intermittente et en augmentera le prix.

Au moment ou l’Europe et la France lance des grands plans de décarbonation de l’industrie, il est important de financer autant la décarbonation des procédés industriels que la réduction de leur consommation d’électricité qu'elle soit carbonée ou pas. Et cela non seulement pour réduire l’impact carbone de la consommation d’électricité européenne carbonée mais aussi et surtout pour que les industriels et en particulier les électro-intensifs puissent continuer à prospérer en Europe.

Aujourd’hui 26 Novembre 2020, le prix spot moyen de l’électricité en France était de 55 €/MWh pour 46 €/MWh l’année dernière à la même période. Cela n’est qu’un début et nous devons nous préparer à des prix supérieurs qui seront incompatibles avec le maintien d’une industrie energo-intensive si rien n’est fait.

Le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) est le principal levier de réduction des consommations énergétiques des industriels, permettant une amélioration immédiate de leur compétitivité, et augmentant leur résilience à ces nouvelles augmentations du prix des énergies et à l’augmentation du coût de l'impact carbone de leurs procédés. Aujourd’hui, les CEE générés chez des industriels représentent autour de 30% du total des obligations mais pourrait représenter beaucoup plus dans les prochaines années surtout depuis qu’ils sont accessibles aux industriels énergo-intensifs grâce à la loi PACTE de 2019. Dans le cadre du Plan de Relance, ces CEE peuvent être abondés par des subventions pour accélérer l’émergence de projets novateurs et structurants.

Ce Plan de Relance est aussi une occasion unique de donner une impulsion forte à la filière Française de l’efficacité énergétique en application du Contrat stratégique de la Filière - Industries des nouveaux systèmes énergétiques  . Si la France a raté le virage industriel des renouvelables elle est très bien placée pour émerger en-tête de la course vers une industrie mondiale plus efficace. C’est l’un des enjeux majeurs des Appels à Projets de l’ADEME liés au Plan de Relance.