Legaltech : l’heure de l’action a sonné pour les Avocats et les Huissiers !
La France prend aujourd’hui la voie de l’excellence dans les technologies, et le secteur du droit bénéficie, comme d’autres, de cet essor. Nos Professions réglementées les plus concernées : Avocats, Huissiers, Notaires, assistent ainsi depuis quelques années au succès de la legaltech. Si les machines et logiciels ont toujours fait partie de notre environnement, ils étaient jusqu’à présent au service des Professionnels et non concurrents potentiels.
Les plateformes, le développement de procédures dématérialisées ainsi que le big data ont rebattu les cartes d’un marché du droit réputé opaque et fermé. Nous touchons du doigt cette réalité : alors que le grand public nous associe encore parfois à d’onéreux artisans, l’offre de prestations « standard » à bas prix se développe.
Ces deux dernières années, tandis que la majorité des Avocats minimisaient ou encore combattaient le phénomène, certains ont amorcé un travail de veille constant et ont été à l’écoute des évolutions les plus notables. Ne pas se voiler la face, et tirer les meilleurs enseignements de ces nouveautés, voilà une attitude positive à adopter dans un contexte mouvant.
Comment amorcer sa réflexion legaltech ?
Tout d’abord, en rencontrant sans a priori l’ensemble des acteurs du nouveau paysage du droit: startupers, éditeurs, incubateurs, pôles d’innovation juridiques, étudiants… Saluons au passage le véritable « catalyseur » des forces juridiques au sens large qu’est devenue l’Association OPENLAW, dont nous sommes membres.
Notre Réseau EUROJURIS a pris le pari de tester les nouvelles solutions qui s’offraient aux Avocats et Huissiers : intermédiation, intelligence artificielle, génération automatisée de documents, ou encore arbitrage en ligne. Cette culture donne une avance considérable à nos membres, qui deviennent des précurseurs avisés dans toute la France.
Quels enseignements peut-on tirer de ce nouvel écosystème ?
En premier lieu, que le marché du droit possède un formidable potentiel de croissance, tant la démocratisation de sa délivrance reste à faire : dans les outils, la conception des prestations, ainsi que dans sa tarification. Les Professions réglementées doivent naturellement agir tels les éclaireurs de cette évolution, sans quoi l’accompagnement des justiciables finira par se faire sans eux, et sans les mêmes garanties de protection et d’expertise.
Ensuite, que la technologie ne saurait s’opposer à la pratique intellectuelle du droit. Elle l’a toujours escortée et continuera à le faire sous des formes de plus en plus performantes. Il convient d’ailleurs ici de démystifier les progrès technologiques observés. La legaltech n’échappe pas au phénomène du « IA washing », discours empreint d’enthousiasme surjoué ou apocalyptique visant à faire miroiter une intelligence « autonome » et taillée sur mesure pour nos métiers. Dans la réalité, les budgets sont quasiment inaccessibles et nécessitent un lourd investissement en ressources humaines et matérielles : l’inverse, donc, du but de productivité initialement recherché. Cela n’empêche toutefois pas certaines sociétés d’entamer le développement de produits circonscrits à des besoins précis. Nous assistons à l’heure actuelle au début de la commercialisation de ces outils.
Enfin, nous devons respecter la mutation des comportements des consommateurs qui est à l’œuvre. Les Avocats ne devraient pas redouter les attentes de leurs clients qui sont désormais –outre la compétence : la volonté de co-créer la solution, la réactivité, la transparence tarifaire avant commande et la pédagogie.
Le défi est de taille, et la concurrence est réelle. Comment donc progresser alors même que nos Professions se réfugient parfois dans le conservatisme et la frilosité, au nom de la déontologie ?
Quelles pistes pour l’innovation chez les Avocats ?
Notre conviction est que les innovations qui marqueront notre secteur sont celles qui rendront un réel service au justiciable. L’innovation vertueuse est la plus lisible et la plus enthousiasmante. La recherche de l’intérêt du client doit ainsi primer sur tout autre critère.
La manière dont est fournie le droit doit également évoluer : nous devons trouver des moyens de rendre le droit plus simple, accessible, intelligible aux yeux du grand public. Nous, Avocats, Huissiers, Notaires, avons clairement une responsabilité dans l’amélioration de l’accès au droit et à la Justice. Il s’agit de repenser le design juridique (ou « legal design »), nous affranchir du schéma de l’information descendante, et faire en sorte que l’usage soit le point de départ de notre conception.
La nature même de la conception ne saurait demeurer la même : à l’instar de nombreux secteurs d’activité, nous entrons dans l’ère de la co-construction avec les clients et les partenaires. Nos clients souhaitent participer à la recherche et la personnalisation de la solution finale, tandis que le recours à des prestataires complémentaires -qu’il s’agisse de legaltech ou de Professions réglementées (pluridisciplinarité) ouvre le champ des possibles.
L’innovation ne peut donc pas se « décréter » depuis la Direction des structures, mais doit bien être pensée par les principaux intéressés. C’est cet esprit qui nous a animés lors de la tenue de notre Hackathon en janvier dernier : EUROJURIS a mis à disposition de ses membres les moyens de développer leurs prototypes, sans contrainte ni verticalité de l’organisation.
Conseillés par des experts, nos Avocats et Huissiers ont démontré leur capacité à penser en quarante-huit heures des outils innovants et orientés client. Ceci traduit bien le nouvel état d’esprit qui doit animer nos Professions : du sens, de l’utilité et de la créativité ! A nous d’agir dans nos Barreaux, en groupes ou start-ups, avec nos partenaires et clients pour co-construire l’offre de droit !