L’homme, au cœur de tout.
Je lis encore fréquemment « il faut remettre l’humain, au cœur du processus », qu’il s’agisse de réflexion sur le recrutement ou encore d’organisation du travail, et devant cette phrase, je reste encore éberluée. Comme si l’humain était une donnée en plus. Comme si l’homme ne venait qu’en seconde position, en arrière plan. Comme si on se disait, « bon, comme, ça ne marche pas, avec nos calculs et nos prévisions, retournons du côté de l’humain, voir ce qu’il peut nous donner, ce qu’on a loupé ».
C’est exactement ainsi, que Taylor a pensé, l’origine de la division du travail, en divisant les hommes et le cœur même de l’homme. C’est exactement en ces termes, qu’il a bâti sa théorie. Il a réfléchi l’emploi d’une dichotomie, il a inventé un pôle avec des hommes qui pensent fort, qui pensent grand, une soi-disant, intelligence supérieure (les bureaux des études), qui placés au dessus d’autres hommes, vont penser l’humain et surtout comment tirer un maximum d’avantages, de ce pôle d’exécutants, comment disposer rapidement de sa force de travail, comment extraire, cette puissance d’agir, d’un corps et la mettre au service de la productivité et des finances ?
Ainsi, Taylor, a-t-il vu, les hommes, ces ouvriers, avec leur force de travail, comme un moyen, des machines, des outils, qu’il fallait juste mettre aux pas, en leur donnant « le script », une mécanique de mouvement et de l’argent en plus, pour qu’ils obéissent. Ainsi, il a tout bonnement cherché à éliminer, l’esprit humain, l’intelligence de penser de l’homme, et croire ainsi, le séparer, de cet attribut, dont il n’avait nul besoin. Taylor, se prenait pour un génie et son modèle de productivité, très vite, s’est répandu dans toutes les directions.
Ce que Taylor a fait, il a tout bonnement sous-estimé l’humain, même si certains hommes sont prêts à tout, pour travailler et se soumettre à l’activité, l’homme ne peut se séparer, de sa capacité de penser, et si tel était le cas, il vivrait une grave dépression, une déconnexion avec lui-même et avec les autres hommes. Il est impossible, que l’homme ne pense pas. Qu’il le veuille ou non, l’homme pense. Il pense fort. A fortiori, au travail, l’homme cherche toujours par sa pensée à donner un style, une touche à son activité, en fonction de qui il est : une personne humaine à part entière, digne, avec toutes ces caractéristiques universelles et individuelles.
Aux EU, à cette époque, les ouvriers des usines automobiles, des hommes venus de divers pays et cherchant, à gagner de l’argent, ont accepté, au début, ce travail à la chaîne et le gain financier. En France, l’arrivée du procédé fut contesté, les ouvriers français, une grande communauté, organisée en collectif de travail et syndicats, se sont soulevés.
Séparer la pensée, du geste de travail, c’est comme croire, pouvoir travailler, en se privant facilement, d’un membre de son corps, un bras par exemple. Cela est impossible. L’homme est un être de pensées. Et au travail, ce qui existe, c’est toujours l’homme et sa pensée. Les outils, les machines, les ordinateurs, les véhicules, les téléphones, se sont des objets pensés par l’homme, par d’autres hommes et ceux là ne peuvent être autonomes, responsables, créateurs sans le regard, le geste, le comportement, d’autres hommes.
Alors dire, il faut remettre l’humain, mais de quoi parle-t-on ? Tout est humain. Absolument tout. Et quand bien même, des centrales, des engins tourneraient et fonctionneraient seuls, encore faut-ils des hommes, et oui, toujours des hommes pour surveiller, pour s’assurer, même quand tout va bien, justement que tout va bien.
A moins que, lorsque l’on parle d’humain, on pense justement à tout ce qui n’intéresse pas, ou n’intéressait pas jusque là les hommes des bureaux. Car très difficile à saisir, à manipuler, à quantifier, à extraire, à utiliser : cet espace invisible, cet invisible, si puissant et créateur. Ainsi ce qu’on appelle, motivation, enthousiasme, plaisir, joie, tout cela provient de quelque chose des profondeurs de l’être, l’homme est fait de pensées et de beaucoup de désir.
L’homme vient au monde, par le fait d’un désir. Quand il apprend à marcher, c’est encore le désir. Quand il apprend à parler, c’est encore et toujours le désir. Le désir de jouir de la vie, sur ces deux pieds, se sentir grand, et de goûter à l’équilibre, aux mouvements rapides. Le désir de communiquer avec les autres, et de se sentir lié à la communauté des hommes. Et tout cela ne va jamais s’arrêter, l’homme est mue par le désir, le désir de s’accomplir et d’expérimenter la vie.
Si vous voulez, que le système tourne, que l’entreprise gagne, il vous faut, vous intéresser aux désirs des hommes. Un bébé qui ne reçoit pas de gestes affectueux, de paroles, de regards, de caresses, d’être pris dans les bras, ce bébé finit par mourir ou par devenir fou. L'être humain a dès sa naissance, besoin d’amour et de reconnaissance. Cela est inscrit dans ses gènes. Sa santé réside dans cet écrin.
Aussi, les hommes en entreprise, quand ils ont de la satisfaction, ils sont capables de grandes choses. Je n’ai jamais vu quelqu’un, sourire et ressentir, en même temps, du stress et du repli. Cela est incompatible, le versant de la joie est éminemment puissant, encore faut-il être à l’écoute et profondément proche de sa propre nature : être humain. L’homme, cet autre, n’est pas plus différent de moi. Ni plus grand, ni plus faible, un homme qui circule, comme il peut, dans le monde, au milieu d’autres hommes.