Libre-Echange
Bien que nettement plus jeune que les caciques au coeur de la future Administration Trump, j'ai connu les USA repliés sur eux-mêmes derrière des barrières douanières parfois étanches jusqu'à l'ère Reagan dans les années 80. Le coût économique était visible à l'oeil nu pour tout étranger occidental arrivant aux USA. Les produits "nationaux" des industries protégées étaient à la fois plus chers et plus rustiques que ceux dont pouvaient disposer les consommateurs des autres pays occidentaux. A l'époque les secteurs "nationaux" US étaient aussi gangrenés par une faible productivité, une forte syndicalisation, une faible rentabilité et, déjà à l'époque, un endettement insoutenable. Sous pression macro-économiquement, les USA ont finalement autorisé les producteurs étrangers à concurrencer les producteurs "nationaux" en produisant aux USA. Les consommateurs ne s'y sont pas trompés. Le commerce mondial se libéralisant progressivement, les producteurs américains ont essayé de se battre sur les prix et ont procédé à des délocalisations massives, sinistrant des régions entières sans jamais recouvrer complètement leur marché domestique. Le reste est avant tout la conséquence de politiques financières, les USA ayant toujours manoeuvré pour payer leurs importations à crédit. La baisse de revenu national due aux effets combinés de la baisse de production et des importations a toujours pu être compensée par des entrées de capitaux pour le plus grand bonheur de Wall-Street. Les flux financiers ont progressivement pris le pas sur les flux réels et le dollar ne s'est jamais ajusté suffisamment à la baisse pour justifier des relocalisations. Mais un pays ne peut survivre durablement en imprimant de la monnaie et en empruntant au reste du monde: pour consommer, il faut tôt ou tard produire....et voilà Donald Trump et ses réflexes des années 70 .....
Les effets néfastes du protectionnisme sont bien connus des experts mais manifestement fort peu des électeurs qui se laissent facilement berner par des idées courtes en moins de 140 caractères. Le protectionnisme relève d'abord de l'autoflagellation puisqu'il fait porter un coût inutile à l'économie qui se l'impose, historiquement payé par le consommateur ou, dans sa version actuelle, par le contribuable sous forme de subvention à la production, ou encore par toute la population sous forme de manipulation monétaire. Il a une dynamique internationale catastrophique, les représailles escaladant de secteurs en secteurs et de pays en pays au fil du temps jusqu'au clash....Il a aussi domestiquement une dynamique perverse dans la mesure où une industrie protégée investit et innove moins pour obtenir des gains de productivité et répondre aux besoins de ses clients, toute occupée qu'elle est à gérer ses relations avec le "protecteur"....Une industrie "protégée" perd progressivement en compétitivité et la plupart du temps n'arrive pas à capitaliser sur des économies d'échelle. Une industrie "protégée" demande donc toujours plus de "protection"...
Alors que l'économie mondiale est "libéralisée" et que l'évolution des prix relatifs et de la technologie permet une relocalisation efficace de la production dans les pays avancés, le dirigisme étatique annoncé aux USA marche un peu à contre-courant de l'Histoire. Les électeurs et certains leaders des équipes de Donald Trump sont comme lui des revenants nostalgiques qui se sont trompés de siècle....Mais peut-être en profitera-t-on pour redéfinir ce qui constitue un commerce équitable.....parce que la planète n'est pas faite que de "Gentlemen" et de "beaux joueurs"...