Loi EGALIM et échéance du 1er janvier 2022 : comment acheter de la qualité sans gonfler la facture ? (JM BINOT, achatpublic.com, 1er mars 2019)

Je reproduis un très bon article de Jean-Marc BINOT, rédac' chef d'achatpublic.com, qui rappelle l'échéance du 1er janvier 2022 pour l'achat obligatoire de produits sous signes de qualité, dans un contexte d'explosion du BIO, et décline les solutions opérationnelles pour prévenir tout surcoût :

- réduire les intermédiaires et privilégier le circuit court,

- travailler sur l'optimisation des coûts logistiques (transports notamment),

- poursuivre la lutte contre le gaspillage (réduction des déchets générés),

- et penser coût global sur l'ensemble de la chaine de fabrication des repas (une denrée de qualité génèrera de meilleurs rendements qu'une denrée de mauvaise qualité, c'est le concept "d'un poulet cuit, 2 poulets servis !").

Voici l'article de l'excellent Jean-Marc B. :

Dans trois ans, les restaurants collectifs publics devront acquérir au moins la moitié de leurs denrées en matières premières de qualité, qu’elles soient labellisées ou bio. Avant d’atteindre l’objectif, il faudra surmonter deux écueils : compenser les éventuels surcoûts et trouver des produits adaptés aux besoins des cuisines centrales.

50% de produits de qualité (Label rouge, appellation d’origine contrôlée ou protégée, indication géographique protégée…) dont 20% minimum de produits bio achetés par la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022. C’est qu’impose la loi Egalim votée en octobre dernier et dont le décret d’application devrait sortir d’ici le mois d’avril. Une législation qui accompagne le « boom » du bio. Selon les chiffres fin 2017 fournies par l’Agence Bio, la France comptait presque 37 000 agriculteurs dans cette nouvelle mouvance, soit une hausse de 13,7% par rapport à l’année précédente, et près de 1,8 millions d’hectares cultivés en bio ou en conversion. « En 2018, il y a eu 6600 agriculteurs bio de plus en France, c’est sans précédent », a annoncé Florent Guhl, directeur de l’Agence Bio, le 26 février, lors du Salon de l’Agriculture. Car les habitudes de consommation changent. Neuf Français sur dix avaient mangé du bio au cours de l’année. Et les attentes dépassent le simple seuil du domicile. Une étude effectuée en novembre 2017 mettait en avant que 77% des sondés espéraient du bio dans les maisons de retraite, 80% à l’hôpital. 90% des parents étaient intéressés par une offre bio en restauration scolaire. Certaines collectivités n’ont pas attendu Egalim pour opérer un virage. Dans la Drôme, territoire qui bénéficie d’un terreau fertile avec 1187 exploitations bio, le conseil départemental parvient en moyenne à fournir un tiers de bio dans les assiettes de ses collégiens. Trois établissements sont même proches d’atteindre le niveau 3 d’Ecocert (utilisation d’au moins 50% de produits bio pour la confection des repas).

Les solutions pour réduire l’addition

Fixer par voie législative des objectifs vertueux, c’est bien. Encore faut-il qu’ils soient réalistes et réalisables. Or plusieurs facteurs risquent de gripper la dynamique. Le premier, sans cesse mis en avant, c’est le prix de ces denrées, censé faire plus mal au portefeuille de pouvoirs adjudicateurs à qui l’Etat demande dans le même temps de réduire les dépenses. « Comment parvenir à cet objectif de 50% de produits bio ou de qualité sans grever le budget des cantines ? Et tout en assurant une juste rémunération des producteurs ? », a résumé Christophe Pelletier, directeur de Valsoleil, coopérative agricole drômoise. Pour le professionnel, il s’agit d’une équation certes complexe à résoudre, mais pas impossible. Car des solutions existent pour réduire l’addition.

Comment parvenir à cet objectif de 50% de produits bio ou de qualité sans grever le budget des cantines ? Et tout en assurant une juste rémunération des producteurs ?

Le recours aux circuits courts et à des organismes coopératifs permet de supprimer la marge prise par les intermédiaires. La facture du conditionnement des produits agricoles, gros consommateurs de plastique et de carton perdus, peut être amoindrie par des emballages consignés. Le coût logistique représente une vraie épine dans le pied : « pour alimenter 2000 élèves en local ça va, mais pour d’approvisionner 20 ou 30 cantines espacées d’une trentaine de kilomètres avec éventuellement des cuisines centrales dispersées, c’est plus compliqué. » Il y a d’autres moyens de réduire la note. « On fait la chasse au gaspi. On a mis en place le zéro gaspi dans nos établissements. Nos jeunes vont se servir eux-mêmes et calibrer leurs assiettes en fonction de leur appétit et en même temps nos équipes sont là pour veiller qu’il y ait un équilibre alimentaire », a témoigné Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme qui veut diviser par dix le poids des déchets. Diminuer les volumes est également envisageable avec des produits de meilleure qualité. « Une volaille label rouge aura un coefficient d’eau moindre », a donné en exemple Christophe Pelletier qui a également suggéré aux acheteurs d’accepter des « déclassés » lorsqu’il s’agit ensuite de les transformer.

Des produits pas systématiquement adaptés à la restauration collective

« Il ne faut pas partir de l’idée que le bio est forcément plus cher. On peut faire rapidement des économies en achetant des produits de saison, cultivés en région », a plaidé Florent Guhl en rappelant les lois de l’offre et de la demande. Commander certains fruits en plein hiver ou des légumes difficiles à trouver en raison d’une production moindre, ça coûte plus cher… Par ailleurs, attention au trompe l’œil de denrées qui ne représenteraient qu’un quart du coût de l’assiette évalué à 8,50 euros (pour un prix payé en moyenne de 3,50 euros par un convive). Autrement dit, il serait donc tout à fait envisageable de compenser une hausse des matières premières par des économies réalisées sur l’ensemble de la chaîne de fabrication des repas. Après le prix, la disponibilité est un autre frein majeur. Si les produits bio sont de plus en plus accessibles, ils ne sont pas automatiquement adaptés au monde de la restauration collective, c’est-à-dire livrés prêts à l’emploi, transformés ou découpés.

L’offre n’est pas directement comparable entre les produits conventionnels et bio ou de qualité

« Beaucoup d’établissements ne lavent plus la salade, n’épluchent plus les carottes », a prévenu Jean-Jacques Hazan, représentant d’Agores, association de directeurs de restauration territoriale. « L’offre n’est pas directement comparable entre les produits conventionnels et bio ou de qualité », a confirmé André Barlier, de l’Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), qui a illustré son propos avec des fromages AOP rarement portionnés et une volaille labellisée plus souvent proposée entière que découpée et préparée. L’atteinte des 50% de la loi Egalim passera donc par des changements de comportements, des réformes structurelles et l’organisation de filières. Côté personnes publiques, il faudra sans doute repenser la restauration collective et refaire de la cuisine plutôt que de l’assemblage, accepter plus facilement la 1e gamme (produits bruts) dans les cahiers des charges au lieu d’imposer la 4e (crus épluchés, prêts à cuire) et 5e gamme (cuits sous vide). Côté producteurs, il faudra songer à se regrouper et réfléchir à des solutions mutualisées de transformation locale des produits et de distribution. Le tout sans perdre de temps. Il ne reste que 34 mois avant l’échéance.

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