Lycées professionnels, leur seule réforme ne suffira pas à les rendre utiles et attractifs

Lycées professionnels, leur seule réforme ne suffira pas à les rendre utiles et attractifs

Quand on découvre les immenses difficultés et blocages auxquels se heurtent les différents ministres de l'éducation en France depuis 20 ans on comprend que l'éducation ne sera jamais plus un point fort de notre pays, que nous risquons d'échouer durant ce siècle exigeant en nous lamentant sur les injustices sociales, le manque de compétences ou les faibles qualifications sans être capable de renverser la table éducative, syndicale et sociale.

1968 : le début de la fin de l'éducation en France

Le grand raout d'étudiants qui vit son apogée à la fin du mois de mai 68 eu certes quelques effets bénéfiques sur une société hiérarchisée et bloquée (cf J.C. Delmas) , sur les entreprises, sur les rapports à la jeunesse et à la consommation.

Les soixante-huitards qui remettaient globalement en cause la société de consommation, alors naissante en France, n'avaient pas tort sur tout, ils anticipaient nos difficultés actuelles (l'énergie, la pollution) et nous mettaient en garde contre ce modèle de société de consommation qui l'emporta par la suite : globalisation, délocalisations et déréglementations.

Las l'école, cette institution plus que centenaire, assurée, efficace et largement légitime fut elle aussi emportée par le tourbillon de 68.

Après-68 un partage implicite des tâches sociales et politiques fut ordonnancé par l'Etat

  • La Droite (effrayée par la jeunesse) abandonna le social (le modèle social) et l'éducation à la Gauche,
  • La Gauche s'empara donc de l'école. L'école offrit une échappatoire et un asile à toutes une génération d'expérimentateurs et de "révolutionnaires" (autoproclamés en général).

Parmi les orientations qui pris l'école quelques années après-68 citons en vrac

  • Le collège unique avec la fin des orientations en classe de cinquième, de préapprentissage, des classes de fin d'études, du Certificat d'Etude Primaire (CEP),
  • La fin des classements, de la remise des prix (excellence, d'honneur..), des notes (remplacées par des lettres, puis par des couleurs - feu rouge, orange ou vert)
  • la fin de la sélection à l'entrée en sixième, puis la fin de la sélection avant le lycée puis avant la fac,
  • L'objectif "niponnisant" du bac pour 80 % des élèves,
  • L'instauration de maths "modernes" que ni les familles, ni les enfants ni beaucoup d'enseignants ne comprirent (et donc ne purent enseigner correctement), l'abandon du calcul mental,
  • La lecture globale qui partait du principe que l'apprentissage de la lecture devait abandonner le déchiffrement des sons et des syllabes, l'enfant devenant un lecteur global par la magie du terme,
  • La fin de l'apprentissage par cœur (des tables, des récitations, des résumés), la fin des dictées,
  • La fin de la chronologie en histoire, de l'étude de notre pays et de la civilisation européenne (noyée dans un digest superficiel de toutes les civilisations)

Tous en fac...et les autres en lycées pro

Toutes ces "innovations" et ces réformes partaient de l'idée (généreuse mais largement inapplicable) qu'un enfant devait être orienté le plus tard possible, qu'il ne devait être opposé à quiconque le droit de faire de longues études théoriques (surtout pour ceux issus des milieux populaires),

On demanda donc à l'école de rétablir la "justice sociale" à défaut de niveau scolaire.

Dans cette grande foire au n'importe quoi le lycée technique (devenu professionnel par un coup de baguette magique) se transforma inévitablement en lieu de relégation pour les déchus (déçus) du système scolaire, ceux qui auraient voulu travailler rapidement de leurs mains (et avec leur tête) mais à qui on refusait l'orientation vers l'apprentissage (une perte sèche pour le système scolaire publique).

L'orientation par l'échec dans le collège unique

Cette orientation (à l'âge de 16, 17 ou même 18 ans) par l'échec (vers les LT, LEP, devenus LP) ne pouvait que créer de la désespérance scolaire, du désintérêt pour les apprentissages, du "décrochage".

Aujourd'hui l'Etat et ses écoles professionnels ne sont plus capables de former des professionnels pour au moins quatre raisons :

  • L'apprentissage professionnel ne peut se faire qu'en alternance, avec un vrai contrat et un vrai employeur, loin du statut scolaire (avec ses interdits de travailler et ses 4 mois de congés)
  • La plupart des filières des lycées pro. ne peuvent suivre l'évolution des métiers, du travail et des entreprises. Le travail est désormais à la fois fluide, exigeant, complexe et changeant rapidement de paradigme. L'école ne sait concevoir et déployer ses programmes et ses personnels que pour une ou deux génération(s) d'élèves (une vingtaine d'années),
  • Les enseignants des lycées professionnels ne connaissent pas (ou si peu) le monde de l'entreprise, ils méconnaissent le plus souvent le tissu industriel et social de leur région (n'ayant le plus souvent jamais travaillé dans une entreprise privée). Pire encore ils abhorrent parfois les entreprises privées qu'ils caricaturent et critiquent (les profs ne voudraient pas laisser leurs élèves dans "les griffes du Medef" et qu'ils associent à la mine ou à l'atelier du temps de la fin du XIXe siècle (Zola, la mine, les 200 familles...)

Pour toutes ces raisons et parce que tous les ministres ont toujours été contraints de céder à la paix sociale des établissements face aux immenses changements qui taraudent l'éducation depuis la naissance d'Internet (qui mute tous les 3 ou 4ans) la future réforme des lycées professionnels accouchera sans doute d'une souris et les familles des futurs lycéens seront leurrés sur leur insertion et avenir professionnel, économique et social.

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