Mindful Leaders - Les principes du bonheur au travail (6 de 6)- Une expérience au-delà du temps.
La caractéristique de l'expérience optimale, c'est que quand on la pratique, la notion du temps est altérée. On a tous connu ces réunions passionnantes, ces projets prenants, ces moments de finitions d'un beau produit ou on est capable de travailler nuit et jour sans s'en rendre compte.
Einstein, dans sa théorie de la relativité restreinte nous dit que l’écoulement du temps est une illusion. La réalité existe au sein d’un espace-temps qui ne s’écoule pas. Une bonne façon d’expliquer ça, c’est la dernière phrase du Temps retrouvé de Proust, qui représente les hommes comme des géants plongés dans les années. L’essence de Proust consiste à dire que l’idée habituelle de temps qui passe (c’est le temps perdu) est une illusion. Ce que sentait Proust intuitivement et ce que Einstein suggère, c’est que la vraie réalité est hors du temps. Il faut l'imaginer comme des paquets de cartes les uns sur les autres. Les cartes sont comme des photographies du passé, du présent et du futur, qui coexistent. Il n’y a pas quelque chose qui s’écoule.
Et donc, ce qui est pointé ici tant par la poésie proustienne que la prospective scientifique d'Einstein, c'est que lorsque nous pratiquons une activité autotélique, auto-satisfaisante donc, nous sommes hors du temps. Nous touchons alors l'essence même de la réalité qui elle-même, après avoir transcendé notre ego (voir mon article précédent) est hors du temps et de l'espace. C'est ce que suggère de nombreux textes philosophiques fondateurs des principaux courant méditatifs. C'est, de façon pragmatique, une des expériences que les méditants connaissent bien sans toujours pouvoir la nommer: "Atma Darshan", ou "apercevoir l'âme/l'essence de la réalité". Cette expérience correspond pendant la méditation à une perte de la notion de temps et de l'espace, un moment d'absence dont on ne prend conscience qu'une fois qu'on en est sorti et qui est donc littéralement "hors conscience".
Physiologiquement, ce moment correspond à une activité du cerveau proche de celle du sommeil profond, qui nous apporte un repos intense et un profond sentiment de bien-être. Bonne nouvelle, cet état de repos n'est pas à rechercher de façon active en méditant (ce qui le ferait disparaître à coup sûr) mais est au contraire inévitable lorsqu'on médite: il correspond en effet à l'espace entre nos pensées, toujours présent mais peu perceptible dans la vie "éveillée". Ce qui variera, c'est le caractère perceptible ou pas de ces moments. Et ce qui est sûr, c'est plus on médite, plus ces moments seront présents et perceptibles et plus le repos sera évident.
Mais me direz vous ici on ne parle pas de repos mais d'activité et de performance professionnelle. Justement, pour citer, Vikto Frankl, “Entre un stimulus et une réponse, il y a un espace. Et dans cet espace, il y a notre pouvoir de choisir nos réponses.Notre liberté et notre croissance se logent dans ces réponses.” Dans cet espace de silence, d'absence entre le stimulus et la réponse, dans ce moment hors du temps durant l'expérience autotélique se forge littéralement notre destin basé sur notre capacité de choisir ce qui nous convient (l'activité autotélique) et de s'abstraire du temps pour se donner tout le loisir de la pratiquer et de la maîtriser parfaitement. Rappelez-vous vos premiers cours de conduite automobile, sans doute hasardeux, et comment aujourd'hui , avec le temps, vous maîtrisez la conduite au point d'aller d'un point A à un point B en conduisant un véhicule complexe dans un trafic souvent dense, sans y penser, sans pouvoir vous rappeler par ou vous êtes passé, littéralement hors du temps, happé par l'expérience autotélique de la conduite.
Comment mettre consciemment cette parenthèse reposante, libératrice et inspirante dans notre journée: de façon assez simple, en mettant régulièrement une respiration consciente, ce moment sans pensée, au milieu des heures de notre journée. La respiration ne serait-elle pas un cadeau de la nature pour nous obliger à chaque seconde à retrouver l'inspiration et notre essence même?
Bonne journée
Frédéric