Odyssée d'une dissolution - n°4

Odyssée d'une dissolution - n°4

Précédemment dans Odyssée d’une dissolution…

Les candidats aux législatives des 30 juin et 7 juillet prochains ont été déclarés, créant des tensions dans tous les camps et coalitions qui tentent de se rassembler pour mieux gagner. Côté médias, on assiste à un jeu d’influence pas toujours très subtil, que ce soit en ligne ou dans la presse : les influenceurs influencent et les riches propriétaires de médias placent leurs pions. Parmi eux, Vincent Bolloré, qui serait bien avisé de reprendre quelques cours d'échecs puisque l’émission présentée par sa mascotte Cyril Hanouna vient d’être épinglée par l’Arcom 3 jours après son lancement pour absence de pluralisme (quelle surprise !).


À vos calculettes… ou presque

Ce jeudi à l’appel du Medef, les représentants des partis qui présentent des candidats aux élections législatives ont été auditionnés par les représentants des patrons.

Finis les divertissements, les chefs de partis entrent dans le dur de la campagne en présentant leurs programmes économiques… du moins ils ont tenté.

Applaudi par les patrons en fin de discours, Bruno Le Maire s’est félicité de ses 7 ans à Bercy et de sa politique économique pro-business. Faut-il lui rappeler l’état des finances publiques ? 

Fier d’une politique économique pro-business établie depuis 2014 sous François Hollande, Édouard Philippe s’est imposé comme le défenseur de la rigueur des finances publiques et a appelé à des politiques économiques plus rationnelles, notamment sur le logement. 

La seule proposition de Jordan Bardella et Éric Ciotti ? Revenir sur toutes celles qu’ils avaient énoncées : entre autres la retraite à 60 ans. Les nouveaux “amis” n’ont cessé de se défiler sur la majorité des questions, conditionnant toute réponse à un audit des finances publiques. Personne n’a pointé l’existence de la Cour des comptes ? 

Éric Coquerel et Boris Vallaud ont joué la prudence et ont compris qu’ils se devaient de rassurer les patrons notamment sur le nucléaire, l’Europe et l’augmentation des charges patronales. Leur objectif ? Poser les jalons d’une politique économique faisant appel au “patriotisme” des milliardaires et des patrons.

Venu en touriste sans aucune proposition concrète, Bruno Retailleau s’est lancé dans de grands discours philosophiques sur sa vision de la France. Il n’a tout de même pas manqué de rappeler qu’il avait voté la réforme des retraites de son “ami Bruno”. Un appel du pied pour une coalition avec ses troupes - survivantes -  à l’Assemblée ? 


Edouard Philippe met le cap vers de nouveaux horizons

Depuis l’annonce de la dissolution, Edouard Philippe est resté discret. Il faut dire que le maire du Havre n’a pas souhaité présenter sa candidature aux législatives anticipées, préférant rester au-dessus de la mêlée. Ces derniers jours, il a sillonné la France pour soutenir les candidats de son parti. C’est d’ailleurs hier, en déplacement à Paris, qu’il a mis, non pas un coup de pied, mais, un high-kick dans la fourmilière.

Interrogé par TF1 Info au sujet de la dissolution, le président d’Horizons a chargé “c’est le président de la République qui a tué la majorité” et de poursuivre qu’il faut à présent créer une “nouvelle majorité parlementaire”. Mais n’allez pas penser qu’il s’agit là d’un saut d’humeur de “doudou”, loin s’en faut. En effet, on apprenait hier dans les pages de Challenges qu’Edouard Philippe avait prévu de “sortir de la prison macroniste” en septembre ; mais, comme tout le monde, il a été pris de court par la décision d’Emmanuel Macron. Ses déclarations surviennent au moment où des élus socialistes et Renaissance se tournent vers Horizons. Face à toutes les défections, et si les élections des semaines à venir étaient un échafaud pour Renaissance et un marche-pieds pour Horizons ? 


Influenceurs en campagne, saison 43, épisode 72

Si nous étions les premiers à applaudir le post de Squeezie appelant à faire barrage contre le RN avec une justesse essentielle pour convaincre un maximum de jeunes de sa communauté, le côté obscur de l’influence s’est lui aussi exprimé. Le côté obscur, celui des codes promo douteux sur Snapchat et des amendes de la DGCCRF qui pleuvent sur des starlettes en mal de placements de produit. En cause, Maeva Ghennam et Jeremstar. Ce dernier a publié une vidéo expliquant avoir reçu une proposition qu’il aurait déclinée, à hauteur de 15 000€, pour publier du contenu où il montrerait le bulletin qu’il glisse dans l’enveloppe au moment du vote. Juste après l’annonce de cette info pour le moins désespérante, c’est Maeva Ghennam qui revient sur nos écrans pour nous parler campagne. C’est avec une autre influenceuse, Saliah, qu’elle publie une nouvelle série de stories virales, avec comme invité spécial le député LFI Sébastien Delogu. Pour de nombreux internautes et responsables politiques, le lien est rapidement fait entre les deux histoires et un problème se pose : Maeva Ghennam, soumise à la “Loi Influenceurs”, aurait dû faire figurer la mention “publicité” ou “collaboration commerciale” si jamais cette dernière avait produit ces stories contre une gratification. Maeva Ghennam et Sébastien Delogu se seraient-ils glissés dans une situation d’illégalité ? Nous le saurons (on l’espère) très bientôt. Mais le jeu d’influence affligeant auquel nous assistons n’est pas propre à l’extrême-gauche. Voyez plutôt Jean Messiha, qui nous offre une des images les plus cringe de cette campagne en se trémoussant tel un farfadet malicieux sur la reprise d’Afida Turner “Étienne”. À vos souhaits.


289 collabo-rateurs

Ouin Ouin. Jordan refuse d’être Premier ministre s’il n’a pas de « majorité absolue ». Ça en dit long. La trouille ? L’incompétence ? Les deux ? Tant de questions.

Jordan Bardella, a assuré au Parisien qu'il ne briguerait pas le poste de Premier ministre s'il n'obtenait pas de majorité absolue dans le cadre des prochaines élections législatives anticipées, soit 289 sièges à la chambre basse. La demande d'une majorité absolue n’est-elle pas une reconnaissance tacite de leurs propres limites ? 

Qui dit élections législatives anticipées dit réactions précipitées. L’alliance Ciotti-RN, annoncée comme une tentative stratégique pour renforcer leur présence, ne s’est révélée guère prometteuse. Oui, il fallait s’en douter, l'alliance Ciotti-RN n’a pu investir que… 61 candidats, dont peu de têtes connues. 

Quand on prend une telle position, il faut assumer. Et oui. Cette position et ces préparations insuffisantes soulèvent des doutes non seulement sur la capacité de Jordan Bardella à gouverner, mais aussi sur la capacité du Rassemblement national à s’adapter et à répondre aux défis politiques contemporains.


Et côté sondages, ça dit quoi ?

Déflorons tout de suite un suspens inexistant : la seule coalition capable de tenir face à l’extrême droite aujourd’hui se trouve à gauche. Voilà qui pourrait faire flancher les indécis sociaux démocrates face à un choix qu’ils estiment cornélien. C’est ce que tendent à confirmer les derniers sondages en date du 20 juin, publiés par IFOP-Fiducial pour LCI, Toluna Harris Interactive pour Challenges et Opinion Way pour CNEWS. 

Dans notre dernière review, nous vous parlions du trio de tête RN, Nouveau Front Populaire et Ensemble. Si ces 3 forces maintiennent leur pole position, à y regarder de plus près cela devient intéressant : le RN se stabilise autour des 33%, sans grande surprise, se rapprochant de son score lors des dernières élections européennes (31,5%). En revanche, la “majorité présidentielle”, pouvons-nous encore l’appeler ainsi tant elle se délite, semble en difficulté. D’environ 5 points après l’annonce de la dissolution par Emmanuel Macron, son écart avec le Nouveau Front Populaire est aujourd’hui de 7 points (en-dessous bien-sûr, mais nous précisons pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi). 

C’est le moment de se projeter : imaginons une Assemblée où les forces qui pèsent le plus seraient l’extrême droite suivie de l’extrême gauche. Ce n’est plus une assemblée, c’est un repas de Noël à Bourgoin-Jallieu. Reste que le PS ne se cache pas de la jouer finement, il ne reste plus qu’à espérer qu’ils soient meilleurs stratèges que lors de la présidentielle en 2022. 


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