Partager l'espoir
Edito
Non, nous ne consacrerons pas cet édito à déplorer que le ministère de la Santé se retrouve sans pilote dans une période si tourmentée, suite au départ de Brigitte Bourguignon, battue dimanche à l’issue du second tour des élections législatives (devancée de 56 voix dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais).
Une fois n’est pas coutume, c’est un essai clinique qui fait la Une de cette newsletter, tant il est porteur d’espoir pour certains patients atteints de cancer colorectal.
Et l’espoir, ça se partage.
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3 questions à
Pr Quentin Denost, responsable de l’unité Chirurgie colorectale au CHU de Bordeaux.
"Pour les patients présentant cette mutation, ce nouveau traitement est formidable"
D’après une étude publiée dimanche 5 juin dans le New England Journal of Medecine, l'essai clinique d'un médicament contre le cancer du rectum fait naître de réels espoirs. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Il s’agit d’un essai de phase 2, destiné à juger de la tolérance et de l’efficacité d’un traitement (la toxicité est évaluée en phase 1, la tolérance et l’efficacité en phase 2, la plus-value ou l’intérêt thérapeutique par rapport aux traitements habituels en phase 3). Il a été mené sur seulement 12 patients ayant un cancer du rectum, sans comparatif.
Le traitement dont il est question n’est pas nouveau dans le traitement du cancer en général, mais nouveau dans le traitement du cancer du rectum. Rappelons que le traitement classique combine la radiothérapie et la chimiothérapie en même temps, pendant 5 semaines. La stratégie de prise en charge évolue beaucoup en ce moment, notamment avec une nouvelle publication française en 2021 (Prodige 23) qui a montré l’intérêt pour des lésions localement avancées, de la chimiothérapie première, suivie de la radiochimiothérapie puis de l’ablation du rectum.
Dans cet essai, l’immunothérapie avec le dostalimab obtient 100% de réponse tumorale complète (disparition du cancer) sur ces 12 patients, un score jamais atteint. Cette molécule agit sur une mutation, que présente un profil particulier de patients (statut MSI, phénotype instable du MMR), soit 3 à 5% des patients ayant un cancer du rectum et 15% des patients ayant un cancer du côlon. Autrement dit, pour les patients présentant cette mutation, ce nouveau traitement est formidable.
En quoi l’immunothérapie se distingue-t-elle des traitements plus traditionnels du cancer que sont la chimiothérapie et la radiothérapie ?
Tandis que la chimiothérapie et la radiothérapie visent à détruire les tumeurs cancéreuses, l’immunothérapie vise à activer le système immunitaire afin qu’il se débarrasse lui-même du cancer. C’est un gros avantage dans une stratégie de préservation d’organe, pour des patients avec de petites tumeurs initiales.
Ceci étant dit, l’évaluation de la réponse tumorale à l’immunothérapie, c’est-à-dire la réussite du traitement, est difficile à évaluer après une immunothérapie. Cette réponse apparaît différente d’un point de vue radiologique comparativement à la réponse habituelle après radiochimiothérapie. L’absence de bonne évaluation de la réponse tumorale peut conduire à l’opération et à l’ablation du rectum, alors que le patient ne présente plus de cellule tumorale.
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Entre cet essai clinique aux Etats-Unis et le traitement effectif des malades en France notamment, quelles vont être les étapes ?
Cela peut aller vite. Dès aujourd’hui l’évaluation du statut MMR devrait être systématique pour tous les patients ayant un cancer du rectum. Tout patient avec la mutation citée plus haut devrait être orienté d’abord vers l’immunothérapie, donc vers les grands établissements et centres de lutte contre le cancer qui auront l’ATU (autorisation temporaire d’utilisation).
La molécule est onéreuse, mais disponible.
Je répète toutefois que l’évaluation de la réponse au traitement est compliquée : on va peut-être opérer quand même des patients, dans le doute. Nous manquons encore de recul, dans ce domaine.
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Les échos de la formation
➻ L’avion et l’hôpital. “La menace et la médiatisation des accidents aériens font peser sur les personnels navigants une exigence de performance très forte : le niveau de la formation initiale et continue (certification), et la rigueur dans la gestion des vols sont incomparables. (...) L’hôpital et l’iatrogénie préoccupante qu’il génère (3500 à 9000 décès par infection nosocomiale par an, selon Santé publique France en 2019) devraient obéir aux mêmes fondamentaux”. Extrait d'une tribune d’un collectif de professeurs de médecine et de pilotes de ligne, publiée sur le site du Monde le 21 juin 2022.
➻ Massage cardiaque : un mannequin avec des seins. Nouveauté dans le milieu des urgences. Marjolijn Rodenburg, une infirmière néerlandaise a inventé un mannequin d'entraînement doté d’une poitrine et d’un soutien-gorge, pour mieux s'entraîner aux massages cardiaques et à la réanimation des femmes. La suite sur le site Doctissimo.
➻ Simulation. L’Institut de Formation Paramédicale et Sociale (IFPS) de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon a inauguré son laboratoire de simulation le 7 juin. En France, la simulation est promue « méthode prioritaire de formation initiale et continue afin renforcer la sécurité des patients » depuis 2013.
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Citation
"Pour apprendre quoi que ce soit, commencer par y trouver un sens."
Seymour Papert (1928 - 2016), mathématicien, informaticien et éducateur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). L'un des pionniers de l'intelligence artificielle.
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