Plus-value immobilière à l’étranger : Résident français et risque de double imposition

Plus-value immobilière à l’étranger : Résident français et risque de double imposition

Il est désormais d’usage pour un notaire français d’être consulté par un client à l’occasion d’un achat ou de la vente d’un bien situé à l’étranger. En effet, la libre circulation intra-européenne[1] et la globalisation ont eu pour conséquences de voir de plus en plus nombreux les résidents de France – Français ou étrangers – possédant une résidence sous des cieux en apparence plus attractifs.

Vivre en France et détenir un bien immobilier à l’étranger, acquis à titre onéreux ou reçu à titre gratuit est une situation de plus en plus fréquente.

Cette tendance se voit renforcée par la législation. La loi Macron[2], a rendu plus attractif le régime fiscal de faveur des impatriés.

Le référendum en faveur de la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne a immédiatement donné lieu de la part des politiques français à des annonces allant dans le sens d’un nouveau renforcement de ce système destiné à attirer les emplois qualifiés en France.

La question de l’imposition des plus-values immobilières par un résident fiscal français à l’occasion de la vente d’un bien situé à l’étranger emporte donc une analyse différente selon que l’Etat du lieu de situation de l’immeuble a conclu avec la France une convention en la matière ou non.

Alors que l’Organisation des Nations Unies reconnait 197 Etats dans le monde, seuls ceux avec lesquels les échanges avec la France sont les plus importants ont conclu avec elle une convention fiscale internationale en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu.

Pour tous les autres, la solution semble méconnue par la pratique. Nombreux sont les cas où l’Administration elle-même, interrogée par les clients, semble ignorer le droit d’imposer.

Pourtant, si l’article 150 U du Code général des impôts est muet quant au champ d’application territorial des biens objets de l’impôt de plus-value immobilière des particuliers, l’Administration fiscale précise dans sa doctrine publiée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP)[3] que :

Tous les immeubles, qu’ils soient bâtis ou non bâtis, constituent des biens imposables. Il n’est pas tenu compte :

  • de l’origine de propriété du bien cédé (acquisition à titre onéreux ou à titre gratuit)
  • de l’intention spéculative ou non du cédant
  • de l’affectation ou de la destination du bien 
  • de la localisation des biens qui peuvent être situés en France ou hors de France, sous réserve des conventions internationales.”

La vente d’un immeuble à l’étranger par un résident fiscal français est donc sujet au régime de l’imposition des plus-value immobilière des particuliers que le bien ait été reçu en héritage ou acquis à titre onéreux.

Par ailleurs, l’article 4 A du Code général des impôts prévoit, qu’à défaut de convention, les résidents fiscaux français sont imposés sur l’ensemble de leurs revenus de source mondiale.

Dès lors, l’impôt de plus-value est calculé et dû dans les mêmes conditions que si la vente concernait un immeuble situé sur le territoire national. Les mêmes exonérations et réductions pour durée de détention sont applicables[4].

En revanche, rien n’interdit l’Etat du lieu de situation de l’immeuble d’imposer également la plus-value immobilière. Dans ce cas, le vendeur, résident fiscal français se voit imposer en France tout comme dans l’Etat de lex rei sitae. Ainsi, la vente se trouve plus imposée que la vente d’un bien immobilier localisé en France, car contrairement à l’imposition des successions[5], il n’existe pas dans le Code général des impôts une règle de principe selon laquelle l’impôt de plus-value immobilière s’imputerait sur le montant de l’impôt dû en France.

Cette règle a pu exister par le passé à travers la doctrine administrative 5B1122 n° 6. Cette doctrine prévoyait, de manière générale, dans la partie consacrée à l’imposition des revenus de source étrangère perçus par les résidents fiscaux français que « les impôts acquittés à l’étranger à raison des revenus de source étrangère peuvent être déduits de la base d’imposition ». Or cette dernière n’a pas été reprise par la base de données BOFiP.

Certains auteurs[6] s’appuient sur cette doctrine et l’article 13 du Code général des impôts pour prétendre que l’impôt acquitté à l’étranger serait une charge diminutive du prix de cession.

En effet, la Doctrine administrative tolère, qu’outre les charges expressément listées par la loi comme diminuant l’assiette du revenu taxable, “les propriétaires sont autorisés à déduire les autres frais qu’ils ont supportés, à la condition que ces dépenses soient engagées en vue de l’acquisition ou de la conservation de leur revenu foncier, au sens de l’article 13 du CGI.”[7]

Cet argument nous parait inopérant dans la mesure où le droit fiscal est d’interprétation stricte et que l’impôt corrélatif à la vente ne peut être considéré comme une charge d’acquisition ou de conversation. Or l’impôt payé à l’étranger n’est pas listé parmi les charges diminutives de l’assiette[8] [9].

D’autres encore, se fondent sur la notice de la déclaration n°2047 relative aux revenus encaissés à l’étranger traitant des obligations déclaratives concernant les personnes physiques domiciliées en France qui réalisent des plus-values immobilières hors de France et qui en l’application d’une convention fiscale n’exonère pas cette plus-value d’imposition en France. Or, en l’absence de convention, ces commentaires sont inapplicables.

Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de parade à cette double imposition juridique.

La solution est tout autre lorsqu’une convention fiscale de non double imposition est conclue avec la France. Cependant, là encore la solution n’est pas évidente.

En principe, les conventions modèles O.C.D.E. octroient le droit d’imposer la plus-value immobilière à l’Etat du lieu de situation de l’immeuble. Cette disposition est prévue dans l’article traitant de la répartition du droit d’imposer chacune des catégories de revenu et plus précisément l’article traitant des gains en capital.

Nombreux sont ceux à s’arrêter à cet article et en conclure à l’exonération d’impôt de plus-value immobilière en France lorsque le bien est situé à l’étranger. Cette solution ignore la méthode d’élimination de la double imposition qui prévoit généralement que si l’Etat du lieu de situation de l’immeuble peut taxer le gain en capital constitué par la plus-value, l’Etat de résidence du vendeur reste bénéficiaire de sa prérogative de puissance publique.

En revanche, ce paragraphe met à la charge de l’Etat de résidence de supporter l’élimination de la double imposition par la méthode du taux effectif global ou bien par la méthode du crédit d’impôt. L’imposition de la plus-value immobilière, à l’occasion de la vente d’un bien immobilier à l’étranger, par un résident fiscal français, en présence d’une convention de non double imposition, mériterait bien des développements supplémentaires. La lecture des conventions est bien plus subtile qu’il n’y parait.

La situation précédemment exposée n’induit pas un recours systématique au notaire, dans la mesure où le monopole du celui-ci s’arrête au territoire national. En revanche, son devoir de conseil est sans frontières. Il revient donc au praticien d’attirer l’attention de son client chaque fois qu’il en a l’occasion, lors du traitement d’une succession, ou de la rédaction d’une clause d’emploi ou de remploi, dont l’origine des fonds peut provenir de la vente d’un immeuble à l’étranger.

A l’inverse, lorsqu’il est dans la situation d’instrumenter une vente d’un bien immobilier en France par des non-résidents, il ne peut se contenter de renseigner ses clients quant à l’imposition, ou l’exonération, en France, de la plus-value immobilière. La Cour de cassation a récemment rappelé que le notaire engage sa responsabilité lorsqu’il ne met pas en garde le vendeur, non-résident, du risque que la vente soit fiscalisée dans son Etat de résidence, quand bien même celle-ci est exonérée en France[10].

Article rédigé par Guillaume Cicéron

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Sources:

[1] Directive 2004/38/CE

[2] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

[3] BOI-RFPI-PVI-10-20 n° 1

[4] Code général des impôts, Art. 150 VC

[5] Code général des impôts, Art. 784 A

[6] En ce sens : Les impôts dans les affaires internationales, Bruno Gouthière, éd. Francis Lefebvre, 10e éd, p. 892

[7] BOI-RFPI-DECLA-20-20151228 n°110

[8] BOI-RFPI-PVI-20-10-10-20120912

[9] Code général des impôts, Art. 150 VB II

[10] Civ. 1ère, 15 janvier 2015, n° 14-10.256

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