Pour surfer sur les virages
Chez Ford, on ne place pas toujours la planche de surf en longueur sur le toit, mais parfois en largeur sur le hayon d’une berline compacte. L’idée derrière le concept ? Glisser sur les vagues médiatiques plutôt que sur celles de l’océan, sans négliger d’engranger des succès sportifs. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre d’une habile stratégie de communication sportive développée depuis longtemps, et bien avant internet, les réseaux sociaux et tutti quanti. Avec son aileron arrière au format d’une planche à repasser (ou de surf…), la Ford Escort RS Cosworth ne faisait pas dans la dentelle. Son but pourtant n’était pourtant pas de dilater les pupilles des adultes ou de faire fantasmer les prépubères mais plutôt d’affoler les aiguilles du chrono. Sur le principe, cette dernière est proche d’une autre bête légendaire de rallye, la Lancia Delta HF Integrale. Comme elle, elle est une berline compacte d’un format proche (4,21 m contre 3,90 m certes, mais avec un empattement de 2,55 m contre 2,48 m), possède un moteur 2 litres turbo affichant des caractéristiques similaires (une puissance de 220 cv contre 215 cv pour l’ultime version appelée Evoluzione 2 et un couple de 290 Nm contre 314 Nm) et bénéficie de quatre roues motrices en permanence. La Ford se démarque de l’italienne par sa carrosserie à deux portes seulement, formule offrant une plus grande rigidité à la coque tout en permettant un gain de poids (1 275 kg contre 1 340 kg) ; par son moteur en position longitudinale (transversale sur l’italienne) ; par un système de transmission intégrale spécifique avec une répartition du couple très différente entre les essieux avant et arrière (34/66 % sur la Ford contre 47/53 % sur la Lancia), pour l’essentiel. Son dessin est l’œuvre combinée de plusieurs designers bien connus. Dans l’ordre alphabétique, on trouve : Ian Callum à qui on doit entre autres de nombreuses Aston Martin (DB7, Vanquish,...) et Jaguar plus récentes (F-Type, I-Pace,...) ; Peter Horbury récémment décédé mais qui avait travaillé sur de nombreux projets chez Ford et Volvo (il est l’homme qui se cache notamment derrière la première génération du XC 90) puis, ensuite, chez Lotus ; et principalement l’américain Frank Stephenson (BMW X5, la Mini, la Fiat 500, l’Alfa Romeo 8C, la Maserati MC12, la Ferrari 430 et toute la gamme McLaren entre 2008 et 2017) qui prônait le montage d’un aileron arrière à trois étages, une pièce qui lui fut refusée pour des raisons de coûts de fabrication par les financiers de Ford. Interrogé à ce sujet, Stephenson dira que cet élément aéro ne lui avait pas été inspiré par une réalisation automobile mais par l’avion du Baron Rouge alias Manfred von Richthofen, rendu célèbre lors de la première guerre mondiale... La tâche d’adaptation et de rigidification de la coque fut confiée au carrossier Karmann, qui renforçait déjà l’Escort Cabriolet dans son usine de Rheine, en Allemagne. C’est également lui qui fut chargé ensuite de l’assemblage de la version civile, disponible selon deux finitions : Motorsport dépouillée comme base pour la compétition (1 438 000 FB) et Luxe destinée à un usage routier (1 553 600 FB). Des tarifs élevés au lancement, qui seront revus à la baisse très rapidement (quelques mois à peine) pour faciliter sa diffusion... et obtenir le sésame de l’homologation. La RS Cosworth ne devenait pas pour autant donnée. Alors que la version la plus élaborée de l’Escort “normale” coûtait 896 000 FB (la RS 2000 4x4 de 150 ch), cette dernière vous était facturée à partir de 1 303 000 FB. A titre de comparaison, une Lancia Delta HF Integrale s’échangeait au même moment dès 1 277 000 FB, ce qui était, peu ou prou, le prix à payer pour s’offrir une BMW 325i Coupé (1 250 000 FB) plus raffinée mais moins performante, et nettement moins cher qu’une M3 E36 à l’envoûtant moteur six cylindres de 286 ch (1 830 000 FB). Destinée à la compétition, l’Escort RS Cosworth reprenait le moteur de la dernière évolution de la Sierra Cosworth, à un détail près : elle troquait à son lancement le turbo Garrett T25 pour un T3/T04B hybride combiné à un intercooler air/eau mais surtout plus gros, utilisé précédemment sur la RS 200. Un choix guidé par la course et pour la performance qui équipera les 2 500 premiers exemplaires, et sera abandonné dès 1995, avec le retour du plus petit turbo T25 qui, non seulement ajoutait de l’agrément à sa conduite, mais permettait à son moteur de gagner sept chevaux (227 ch). A noter encore que ces 2 500 premiers exemplaires disposait d’un système d’injection d’eau monté sous le siège passager, un système non fonctionnel qui avait été installé dans un seul but : obtenir son homologation FIA ! Inutile de dire qu’avec ce propulseur, la RS Cosworth était une bombe, capable de passer de 0 à 100 km en 6,1 sec et d’avaler le 1 000 m départ arrêté en 26,1 sec. Des performances qui, près de trente ans plus tard, inspirent toujours le respect mais réclament de fréquents passages chez le pompiste si vous dégoupillez fréquemment la grenade. Un moteur, c’est bien, mais ne suffit pas pour “faire péter des chronos”. Pour cela, il faut un châssis rigoureux et une transmission efficace, sans oublier un freinage à la hauteur et une direction bien calibrée. En matière de transmission, l’Escort RS Cosworth reprenait les organes de la Sierra qui l’avait précédée. On se trouve donc en présence d’une transmission intégrale permanente, avec un train épicycloïdal au centre muni d’un coupleur visqueux Ferguson et un différentiel arrière à glissement limité géré par un viscocoupleur, la boîte retenue étant une MT 75 à 5 vitesses seulement. A bord, pas d’illusion, vous êtes dans une Escort. Traduisez mieux en finition qu’une Citroën ZX, qu’une Peugeot 306 et qu’une Renault Mégane contemporaines, moins bien qu’une VW Golf et au niveau d’une Opel Astra, l’un dans l’autre. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que l’engin est aujourd’hui très recherché, un engin auquel, outre-Manche, les passionnés vouent un authentique culte. Dès lors, pas étonnant que sa cote flambe. Et si quelques exemplaires peu kilométrés s’affichent autour des 100 000 € (!), n’espérez pas en trouver un plus fatigué en échange de votre Diesel récent. Pour devenir l’heureux propriétaire d’une des 7 145 exemplaires d’Escort RS Turbo produites dans sa configuration d’origine, il vous reste à économiser 45 000 € au bas mot et être très réactif à toute annonce publiée ou diffusée.
Product Manager Jeep Belgium Luxembourg
1 moisUne époque qui paraît tellement lointaine voire , maintenant, surréaliste...
Automotive Consulting Services
1 moisÀ l’époque j’ai eu cette « Cossie », mais commandée sans la planche de surf et sans sigle pour un peu plus de discrétion