Pourquoi « PERSEVERANCE » est un nom bien choisi, ou l’avènement de l’ère de l’IOT

Pourquoi « PERSEVERANCE » est un nom bien choisi, ou l’avènement de l’ère de l’IOT

Introduction : Le rêve et l'espérance

Comme vous tous, j’ai regardé avec des yeux d’enfants la retransmission en mondovision de l’atterrissage sur Mars de PERSEVERANCE, le module de la NASA poursuivant le rêve de l’homme et de sa conquête d’espace. Je me suis endormi, ce soir-là  avec la sensation que l’homme avait à nouveau fait un petit pas vers la science fiction de mon enfance.

 Le lendemain, je me suis réveillé tout joyeux et sur mon fil Linkedin, que de posts sur « l’exploit » que représente PERSEVERANCE.

Et là, j’ai commencé à m’interroger.

Est ce vraiment un exploit au sens étymologique du terme, une performance exceptionnelle et inattendue, sans doute non répétable, fruit d’un alignement de circonstances ?

Et bien non, pour moi, PERSEVERANCE est l’avènement d’une vision cohérente d’événements, de capacités, de vision, longuement bâtie depuis des années dans la riche communauté de l’internet des objets. Car si l’on synthétise l’Internet des objets, ce sont des systèmes 3 tiers modernes : des systèmes embarqués complexes , des télécoms et des systèmes experts sur serveur

Les systèmes embarqués, une science disruptive de 20 ans

Mon premier travail d’ingénieur, il y a un peu plus de 20 ans, a été en temps qu’ingénieur en système embarqué, de concevoir et déployer des éléments électroniques de ce qui allait devenir l’A380.

A cette époque, une large équipe d’ingénieurs posait des nouveaux concepts de l’électronique embarquée certifiée contre les pannes.

Nous devions appliquer 2 normes de conceptions des systèmes embarqués (la DO178B pour le logiciel, la DO254 pour le matériel) qui donnait des directives strictes pour viser le zéro défaut dans la mise en œuvre de systèmes qui contribuait à sauvegarder la vie humaine.

Nous passions tout en revue, les macro-fonctions découpées en micro-fonctions, 100% traçable. Un logiciel et un matériel qui ne devait couvrir que ces fonctions, et devait justifier le comment et le pourquoi. Bien entendu, le tout entièrement documenté et tracé. Idem pour le code et la carte électronique dont chaque élément devait être testé à 100% , justifié à 100% et aucune ligne de code ou résistance ne devait être superflue.

Ce process, lourd, complexe, rébarbatif, était face à de nouveau challenge en 2000 : l’inflation des demandes fonctionnelles entrainant une explosion des calculateurs à bord, et des coûts de R&D selon ce process. Alors des ingénieurs de l’aéronautique ont tout réinventé : 

  • la dissociation du matériel et du logiciel, permettant d’étudier des cartes multi fonctions plus puissante. L’introduction de nouvelles architecture matérielles pour permettre la répartition des puissances de calculs et des traitements maître- esclave garantissant le 0 erreur (un calculateur c’est bien, 3 qui calculent la même chose et qui prennent des décisions, c’est mieux)
  • L’apparition de nouveaux modes de codage permettant d’introduire des algorithmes complexes, jusque là interdit car impossible à couvrir par des tests unitaires complets.

Ces nouvelles approches ont permis de densifier la surface de calcul et de créer de nouvelles fonctions impensables jusque là comme l’apprentissage de règles, la mise à jour de paramètres en fonction de contextes, la gestion de profils différenciée par constructeur, de calculs en fonction des typologies de vols

Ces systèmes embarqués ont piloté des systèmes mécaniques de plus en plus complexes, comme des trains d’atterrissages intelligents, des systèmes de transfert des masses fluides entre les différents réservoirs, des systèmes de régulation de l’air piloté au micron d’ouverture près… 

PERSEVERANCE est le fruit de cette révolution du système embarqué d’il y a. 20 ans, toutes les bases ayant été posées et normées à cette époque.

les télécommunications : l’avènement de la communication, partout, tout le temps

Qui se rappelle de nos téléphones portables d’il y a 20 ans. A peu près personne, si ce n’est le musée du Nokia 3310, l’appareil qui a démocratisé mondialement l’usage du téléphone portable. Depuis lors, nous avons accompli des progrès incommensurables. 

L’usage de modes de communication variés et adaptés au contexte : sur mes projets en cours, j’ai du mettre en œuvre du Bluetooth, du Zigbee mesh, du MODBUS, du CAN, du LoRa, du Sigfox (bien malgré moi, je ne reviens pas sur mes convictions), de la 2G, de la 3G et du Wifi.

L’extraordinaire diversité des réseaux, nous a permis de mieux comprendre les contraintes, les difficultés et de trouver des solutions à chaque fois, repousser les limites de la complexité.

Quand on m’a demandé si nous pouvions connecter :

  • un système de carottage pour une préparation de chantier de barrage au fin fond d’une forêt africaine, à plus de 200km de la moindre habitation, 
  • un système de mesure de la fonte de glace au plus haut d’une montagne des alpes
  • des chaudières au 5ème sous-sol d’une série d’immeuble
  • des trains de mines, à 400m sous terre
  • des instrumentations à l’intérieur d’une enceinte de béton hermétique de plus d’un mètre de large d’une centrale 

J’ai  pensé de prime abord que non … et finalement, avec des partenaires, la réponse n’a jamais été non. Mais plutôt : c’est cher, c’est plus complexe que prévu.

En travaillant sur les protocoles, sur les puissances émises, sur des astuces de robustesse des trames, et sur des milliers d’autres paramètres importants, nous avons toujours trouvé des solutions satisfaisantes via l’ingéniosité de la science des transmissions.

Les middleware IOT et le contrôle commande avancé, aux frontières de l’imagination 

Revenons en 2000. Mon vrai problème en 2000, au temps du Machine to Machine, c’était l’absence de middleware et le passage quasi obligé de communications point à point (le fameux ARINC429).

Là encore, avec l’A380, les bases de la communication, déterministe et sécurisée est apparue, via un serveur ( encore embarqué). En effet avec la multiplication des calculateurs, faire du point à point était devenu trop coûteux en termes de nombre de câble, qui représentaient un poids important de l’avion.

Plusieurs thèses, plusieurs tentatives, plusieurs millions d’euros et de cheveux blancs plus tard, les bases théoriques du middleware sécurisé, déterministe, dans un monde certifié, accessible au commun des mortels pointaient le bout de son nez avec l’AFDX et les bus de communication centralisés pour l’aéronautique. Un premier jalon était posé, et une fois la certification obtenue pour le premier vol, tout à été possible. Des problèmes supposés kafkaïens de relations N à 1 ou 1à N, N étant variable, et de taille potentiellement infinie ce sont posés, et des solutions se sont imposés (merci pour l’open source linkedin ;-).

Les ingénieurs étant pleins d’humour, les premiers à résoudre ces problèmes ont appelé cette solution « Kafka ».

En 2010, sont apparus les premiers middleware intégrant des protocoles facilitant les queues potentiellement infinies, le contrôle de cohérence en temps réel, la gestion poussée de la sécurité , la prédiction de flux, l’adaptation du récepteur à la charge attendue… et tellement de petites innovations qui nous permettent aujourd’hui de connecter des millions d’objets sur un réseau en quelques minutes via un logiciel sur étagère, ou quelques objets avec une certitude de fonctionnement permettant les cas d’usages les plus sécurisés.

L’avènement et la démocratisation des middleware IOT ont permis une plus grande facilité et capacité à créer des solutions, sans focaliser ( et désespérer) sur des problèmes complexes de tuyauterie de la donnée.

La production ou la fourmilière qui s’organise par le digital

Vous rappelez-vous la première fois que vous avez découvert une usine ?

Pour moi, la première était lors de mon stage de fin d’étude, je suis entré là ou se fabriquaient feu les chars Leclerc. Une usine de montage, à l’ancienne, avec 70% des processus qui étaient manuels, sans véritables robots et des ateliers tous plus spécialisés les uns que les autres, avec des chaines sans fins, ressemblant à une fourmilière.

Depuis les années 2000, les systèmes de production se sont digitalisée, entrainant une hausse infinie de la qualité, réduisant les temps de traitement, permettant de créer des objets de plus en plus complexes, toujours plus surs et plus fiable.

En 20 ans, j’ai vu des avions de plus en plus complexes se construire en 2 fois moins de temps, des sous-marins embarquant des innovations exponentielles, eux aussi se construire en 2 fois moins de temps, et surtout avec un taux de défaut et un taux de couverture de tests très largement améliorés.

L’industrie 4.0 et ses progrès permettent désormais la production d’objets complexes dans des temps et des coûts record avec des traçabilités de bout en bout sans failles.

Le management du modèle distancié et hautain aux info-bulles en rose

La cerise sur le gâteau, c’est le management de grands programmes.

Pour les anciens du programme A380, les revues de programmes interminables, punitives, complexes, parfois non corrélées avec la réalité du terrain, étaient au final contre productives.

Puis sont apparues des nouveaux modes de penser l’ingénierie, plus agiles (bon il ne faut pas faire n’importe quoi parce qu’on est agile non plus), plus collaborative qui permettent la maîtrise des projets de manières fines, visuelles, quasi intuitives (bien que je n’excuse toujours pas Klaxoon d'avoir passé leur temps au CES avec des systèmes éponymes à massacrer la quiétude de mon stand).

Les nouveaux modes de management avec comme apogée la « 2 pizzas team » ont permis de structurer, canaliser et éviter les faillites du management de grands programmes.

Avec l’IOT, on scinde en 4 grands morceaux (la machine, la communication, le middleware, l’application) et chaque grand morceau se subdivise en ilot de compétences pour un avancement général et agile.

Malheureusement, il existe encore des travers à ces méthodes généralisées depuis 20 ans, mais globalement nous allons dans le bon sens.

EN CONCLUSION : Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre … ni de réussir pour persévérer 

Finalement, le mot persévérance est le bon mot, la touche finale de ces 20 dernières années d’ingénierie, ou tous les domaines ont largement profité des nouvelles technologies, des nouveaux modes de pensées qui trouvent leur plénitude dans l’internet des objets.

C’est ce qui rend ce concept extraordinaire, permettant toutes les ambitions dans le futur. Si on pilote un engin sur Mars, l’on pourra opérer à distance. Si l’on calcule les meilleures zones d’atterrissages en temps réel, sans la main de l’homme, on pourra bientôt optimiser les trajectoires des voitures et autres taxis volants, si au travers du son et de la lumière, on sait analyser la composition chimique d’une terre, la promesse d’une agriculture productive et sans pollution est à notre portée en analysant les données disponibles.

PERSEVERANCE n’est pas un exploit, c’est l’accomplissement du cheminement des promesses des nouvelles technologies sur un projet complexe et ambitieux qui marque l'age de la maturité pour toutes ces technologies.

Hâte de voir comment ce projet va influencer l’ambition des 20 prochaines années. J’aurai aimé être un jeune ingénieur de la NASA aujourd’hui pour voir tout cela ;-)

PERSEVERANCE nous permet donc de nous rappeler la citation de Charles le téméraire ou de Guillaume le taciturne (selon les sources) : Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre … ni de réussir pour persévérer !



✌️Adrien- Desportes 🤘

CEO Rtone & Openium ★ Product development ★ Investor

3 ans

🙃 Klaxoon ! Bel article ✌️

Frank Souguir

Business Creation & Development

3 ans

Samir Djendoubi : l’Alain Decaux de l’IoT !

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