Quand les métiers évoluent à grande vitesse et que l’expertise se périme

Quand les métiers évoluent à grande vitesse et que l’expertise se périme

Ana est étudiante en marketing. Sylvie est coach agile et formatrice.

Dans le cadre de son stage de fin d’études, Ana a suivi un parcours de formation créé spécialement par Sylvie pour « agiliser » les consultants et experts dans leur travail auprès des clients.

Après de longues discussions entre elles et une recherche sur le sujet du consultant du futur, cet article a été rédigé en binôme pour donner forme à leur vision commune du consultant du futur.

Le métier de consultant dans le futur ou comment repenser le conseil pour éviter sa potentielle disparition

Que sera le « consultant du futur » ? Quel est l’avenir du consultant à l’heure où les métiers disparaissent, évoluent ou s’inventent ? Dans un monde qui bouge, l’expertise périme très vite si elle n’est pas entretenue. Beaucoup des métiers de demain n’existent pas encore et beaucoup des métiers d'aujourd’hui sont amenés à disparaître ou à fortement évoluer. Quelle est donc la place des consultants dans ce contexte et quelles sont aujourd’hui les limites de leur travail ?

Le consultant est un professionnel performant qui répond à la demande du client

Aujourd’hui, le travail du consultant consiste à répondre à la demande du client, dans un laps de temps donné, en proposant des recommandations et en produisant des livrables préalablement définis. Donc, le consultant fait bien son travail, mais va-t-il plus loin ?

En réalité on constate souvent, par manque de temps, une demande client non challengée, un cloisonnement des savoirs et une potentielle rigidité de la posture

Le consultant doit être ultra performant et travailler le plus rapidement possible, car le modèle de tarification est basé sur le temps passé. Or, produire des livrables exige du temps, de même que toute la logistique autour du projet (réunions, interviews…). Ce temps n’est pas toujours pris en compte mais est forcément présent, et cela réduit d’autant le temps de réflexion, justement celui qui aurait apporté le plus de valeur, le consultant étant pressé de répondre au plus vite à la demande. Le job est bien fait, mais est-ce suffisant ?

Par ailleurs, lorsque l’on travaille presque exclusivement seul ou avec son équipe, sans faire intervenir d’autres acteurs, les savoirs et compétences tendent à rester sensiblement les mêmes. L’absence de diversité au sein de l’environnement de travail renforce le cloisonnement des connaissances et des compétences et entraîne une stagnation. Cela appauvrit le travail du consultant et ne le pousse pas à proposer des recommandations différentes, innovantes et riches de valeur.

Enfin, c’est parfois le client qui manque de souplesse et évolue au sein d’un cadre rigide de travail, qui pousse le consultant à adopter lui-même une posture similaire. Le consultant se cantonne alors à une solution attendue, même si la demande initiale ne correspond pas toujours au besoin réel. Ainsi, le consultant se retrouve en position d’intérimaire de luxe, au lieu de proposer des solutions innovantes et créatives basées sur une réflexion intellectuelle pointue et profonde, adaptée au client et à ses besoins.

Par nature, le changement dérange, au moins au début. Par conséquent, les solutions proposées par les consultants doivent être accompagnées dans la durée afin d’assurer leur appropriation par les équipes et leur pérennité. Or cette partie des missions est souvent minimisée ou même ignorée. Souvent pour des raisons économiques, la mission du consultant s’arrête avant que la transition soit assurée et pérennisée, ce qui aboutit à une mauvaise mise en œuvre ou même à l’abandon des recommandations, avec finalement une perte totale de l’investissement. C’est un peu comme construire une maison sans fondations. Cela ne se voit pas, mais rapidement elle se détériore puis s’effondre.

 Consultant, Client, Entreprise, une relation insatisfaisante :

Dans cette équation dégradée à 3 parties (Consultant, Client, Entreprise), personne n’est gagnant.

  • Le client doit se contenter du minimum standard correspondant à sa demande ;
  • Le consultant doit répondre à la demande au plus vite en évitant tout risque pour son entreprise, ce qui limite fortement sa créativité et son épanouissement personnel ;
  • L’entreprise peut facturer une prestation balisée, mais elle perd l’occasion de se démarquer de la concurrence, d’enchanter le client et de développer les compétences et connaissances de ses collaborateurs.

Sous l’aspect un contrat « gagnant-gagnant », en réalité tout le monde perd une occasion de se surpasser.

Que pourrait-on faire pour changer cela ?

Tout d’abord, prévoir structurellement du temps pour que le consultant puisse réfléchir plus et perdre moins de temps sur les aspects logistiques ou de production des livrables. Du temps pour lui permettre de proposer des solutions innovantes qui répondraient réellement au besoin client, sur la durée et pas seulement ponctuellement. Pour cela, le consultant devrait avoir une grande autonomie dans son travail afin de travailler au rythme qui le rend le plus performant.

Le consultant sera amené à travailler en équipe pluridisciplinaire afin d’utiliser l’intelligence collective pour booster la performance et proposer des solutions riches pour les clients. En cassant les silos entre les practices, entre les agences, au sein même d’un groupe, et en faisant intervenir des experts extérieurs pour des compétences particulières spécifiques, en créant une équipe à partir du besoin client même si cela fait intervenir des profils très différents. Créer une banque des compétences en sollicitant tous les collaborateurs sur ce qu’ils savent et ce qu’ils aiment faire permettrait une attribution des missions de façon intelligente et efficiente.

Cette nouvelle façon de travailler permettrait de :

  • Creuser le besoin au-delà de la demande que le client formule. A minima, le consultant devrait savoir pourquoi et pour qui il travaille (le « pourquoi du pourquoi du pourquoi »), pour identifier le besoin réel, à l’origine de la demande. Cette démarche implique que la solution pourrait être très différente de ce qui a été demandé. Dans ce cas, dès ce stade, la mission aura déjà apporté de la valeur.
  • Dégager le temps nécessaire pour maintenir à jour les connaissances et travailler en équipe. Idéalement ce travail sera fait en mobilisant l’intelligence collective, celle de l’équipe pluridisciplinaire des consultants, mais aussi (et surtout) celle des clients et utilisateurs, car au final, ce sont eux qui devront s’approprier et pérenniser le changement.
  • Créer une « banque des savoirs » autoalimentée au sein de l’entreprise.
  • Laisser la place à l’expérimentation pour innover, se donner du temps pour faire émerger des idées nouvelles. Le droit à l’erreur est ici très important. En effet, il n’y a pas d’innovation sans expérimentation, tâtonnement, erreurs et améliorations.
  • Optimiser les solutions proposées et les améliorer en continu au fil de la mission. Des facteurs de succès auront été identifiés dès le début de la mission et ils seront mesurés lors de la mise en œuvre. Cela permet de constater l’effet des améliorations au fil de l’eau et de confirmer la réussite de façon objective.

C’est justement ce que font les agilistes

Cette façon de travailler est très proche de celle d’un coach Agile. Celui-ci n’amène pas en mission une expertise du sujet à traiter, mais une palette d’outils de réflexion et de travail qu’il choisit et adapte pour chaque situation. Il accompagne les personnes concernées par le problème pour qu’elles trouvent elles-mêmes les meilleures solutions, parfaitement adaptées à leur contexte, qui est toujours spécifique. Il met en place un état d’esprit et un cadre de travail propices à l’amélioration de l’existant et à l’émergence du nouveau.

Surtout, il est particulièrement attentif à l’appropriation de la solution par les personnes concernées. Il accompagne la mise en place des nouvelles formes de travail en les ajustant progressivement en fonction des résultats obtenus. Il s’assure que le nouveau système est bien adapté à la situation et bien maîtrisé par tous ceux qui vont le faire vivre. Ainsi, il assure la pérennité du dispositif dans la durée en rendant l’organisation autonome.

Pour tirer le plus grand bénéfice d’une mission de conseil, il apparaît alors nécessaire de combiner les compétences des experts et celles des agilistes. Soit l’expert se forme à l’agilité, soit il travaille en binôme ou en équipe avec des agilistes. Cette seconde option s’avère très efficace, chacun apportant son expertise la plus pointue.

Pour conclure

De nombreux métiers sont en passe de se créer, de se transformer ou de disparaître. Un nouveau modèle doit être créé pour éviter la déqualification ou même la disparition du métier de consultant. Ce modèle de consultant ou d’équipe « Expertise + Agilité » implique quelques modifications dans la façon de gérer les entreprises.

Pour cela, les pistes à explorer par les directions des entreprises seraient :

  • Vendre de la valeur plutôt que du temps afin de miser sur la valeur (le fond) et non sur les livrables (la forme - que l’on délaissera possiblement demain à des machines). Les commerciaux devront apprendre à vendre cette valeur plutôt que des jours de travail, dans une logique où il ne s’agit pas de poser le risque côté client (régie) ou côté entreprise (forfait), mais de donner aux consultant des conditions leur permettant d’exercer pleinement leur métier, en concertation avec le client et pour mieux le satisfaire.
  • Gérer les carrières et les objectifs individuels des consultants en focalisant sur la valeur, le travail en équipe, l’innovation et la satisfaction apportée aux clients.
  • Promouvoir le travail en équipe, la pluridisciplinarité ainsi que le partage des connaissances et des expériences.

Les clients aussi verront leur façon de travail changer. Ils seront plus impliqués, plus actifs et acteurs à part entière de leur travail.

Cette nouvelle façon de travailler devrait amener à créer entre les consultants, les clients et les entreprises des relations satisfait-satisfait, où chacun y trouve le meilleur. KM travaille dans cet état d'esprit, et les autres ?

Ana Matic et Sylvie Rabie

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