Quand on veut on peut !
Tout le monde connaît cette expression qui témoigne d’un volontarisme sans limite qui peut, si l’on en prend toute la mesure paraître effrayant et terrifiant. En effet, une telle formule laisse entendre que toute personne qui essuie un échec et n’atteint pas l’objectif qu’elle s’est fixé, en est finalement responsable. Son impuissance n’est finalement rien d’autre qu’un défaut de volonté. Rien de plus culpabilisant ! Accorder un tel pouvoir à la volonté, n’est-ce pas transformer l’échec en faute et faire obstacle à la possibilité qui nous est offerte de tirer parti de nos erreurs.
Aussi, même si l’expression sonne bien, on est droit de s’interroger sur sa réelle signification. En effet, elle ne peut pas signifier qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. Il y aurait quelque chose d’un peu ridicule à lui donner une telle signification. S’il suffisait de vouloir pour pouvoir, il suffirait de vouloir voler par ses propres moyens, sans recours à un quelconque artifice technique pour s’élever dans les airs ou de vouloir être immortel pour vivre indéfiniment.
Le véritable sens d’un tel adage est qu’il suffit de vouloir pour parvenir à réaliser ce qui est en notre pouvoir. Ainsi, reprochera-t-on à qui ne parvient pas à vaincre une addiction, au procrastinateur ou au paresseux de ne pas faire preuve de suffisamment de volonté.
Comme si la volonté était une puissance totalement autonome et indépendante des circonstances extérieures. On peut donc se demander s’il n’y pas là une confusion des causes et des effets ou plutôt l’oubli de prendre en compte que dans la nature tout peut être à la fois cause et effet. Pour vouloir, ne faut-il pas aussi pouvoir vouloir ?
Aussi, si l’on veut aider celui qui ne parvient pas à atteindre les buts qu’il s’est fixé, faut-il s’interroger sur ce qui l’empêche de parvenir à ses fins. Parler d’un défaut de volonté pour expliquer l’acrasie ou faiblesse de la volonté, n’est-ce pas procéder de la même manière que les médecins de Molière qui parlent de la vertu dormitive de l’opium ? De même que l’opium ferait dormir parce qu’elle fait dormir (vertu dormitive), la volonté serait faible parce qu’elle serait insuffisante. Autrement dit, elle serait faible parce qu’elle serait faible, c’est une belle tautologie, mais qui ne résout rien.
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On pourra certes nous rétorquer que l’expérience prouve la force de la volonté, chez celui qui parvient à cesser de fumer du jour au lendemain, par exemple. Mais est-ce bien la volonté, au sens où on l’entend couramment qui est ici à l’œuvre ? N’a-t-on pas plutôt affaire à une passion qui prend le pas sur une autre ? Parfois, c’est la peur de la maladie qui devient plus forte que l’addiction au tabac ou l’orgueil, se prouver à soi-même que l’on est capable de contrôler ses désirs, mais est-ce vraiment de la volonté ?
Aussi, à qui ne parvient pas à vaincre un penchant néfaste ou à mener à bien ses projets, il est souvent inutile de l’accuser de manquer de volonté. Cela ne fera qu’entretenir sa culpabilité et augmenter son impuissance. Il est préférable de l’aider à comprendre pourquoi il ne parvient pas à vouloir, à cerner ce qui fait obstacle à son désir, car tout cela finalement, est surtout une affaire de désir. C’est donc en essayant d’y voir clair dans ses propres désirs que l’on parviendra réellement à réaliser ce que l’on veut vraiment et que l’on pourra enfin pouvoir.
Tout cela repose sur une conception illusoire de la liberté, comme si cette liberté nous était donnée du simple fait de vouloir. Or, la liberté n’est pas donnée, elle se construit patiemment et sa construction ne dépend pas initialement de nous, mais des circonstances et des relations que l’on entretient avec les autres. Certains traumatismes peuvent nous empêcher de vouloir. L’éducation que l’on a reçu, l’histoire personnelle de chacun peuvent influer sur la force d’âme. Selon que je me serais développé dans un milieu social favorable, que j’aurai été aimé et éduqué durant mon enfance, j’aurai plus de capacité à construire cette liberté qui repose sur ma puissance réflexive et ma capacité à connaître. C’est cela aussi, c’est cela surtout, qui me fait pouvoir et qui me fait vouloir.
Alors, oui, quand on veut on peut, mais faut-il encore pouvoir vouloir, car c’est aussi lorsque l’on peut que l’on veut.
Éric Delassus
Accompagner avec des outils des arts du TAO, astrologie chinoise (BAZI 八宅 ) et numérologie taoïste (Jiu Gong Ming Li 九宫命理)), pour trouver des clés afin d'avancer dans la clarté et agir en conscience.
4 moisC'est une jolie ballade philosophique à laquelle vous m'avez convié avec cette citation "vouloir c'est pouvoir" que comme vois je trouve dans un 1er temps culpabilisante (une recommandation de lecture au passage "la peur de l'échec" de Charles Pepin).J'aime bien l'idée de départ qui serait le désir et à l'origine peut être l'intention ? Merci pour ce partage que j'ai trouvé inspirant et nourrissant.
Agrégée de philosophie et docteure en sémiologie du texte et de l'image
4 moisIl est aussi interessant de se demander qui est « on » dans cette expression. Ici la volonté est-elle celle de l’individu ou bien une entité anonyme et mystérieuse, venant à point nommé pour expliquer l’issue d’une action dont on n’a plus besoin d’analyser les conditions ?
Avocat
4 moisêtre dans le monde ou hors du monde est un choix de vie qui implique des sacrifices ....de même, être à la périphérie du monde pour se préserver; c'est cela la liberté, on l'expérimente chaque jour, ce n'est pas un " concept"
Avocat
4 moiscela dépend aussi de la "personnalité" de chacun, de son chemin de vie personnel, de ses état de santé, énergie, mentale, ambitions et désirs, éducation et réflexes de classe, puissances d'opposition exogène ( l'environnement, les autres): le simple fait de "vouloir" ne suffit pas, encore faut-il pouvoir, en avoir les moyens.... travailler sur soi est la solution....le moule social impose ses limites, la psyché humaine les siennes, c'est pourquoi il faut bien choisir le premier!
DG Fondation INSA Rennes/Directrice des Relations Entreprises et Partenariats
4 moisIl est bon de le rappeler, merci Éric Delassus