Qui a peur du Grand-méchant loup ?

Qui a peur du Grand-méchant loup ?

Cela fait bien longtemps que le loup ne représente plus un danger pour l’homme, pourtant la peur du loup est incontestablement, inscrite dans notre culture comme en témoignent les contes familiers notre enfance. le petit chaperon rouge, Pierre et le loup, les trois petits cochons, la chèvre de Monsieur Seguin et même les fables de La Fontaine nous ont appris à nous méfier de la bête. Ensuite, nous avons retrouvé l'immonde animal dans la littérature, le cinéma, la poésie («Les loups» de Verlaine), ou la chanson («Les loups sont entrés dans Paris » de Serge Reggiani. Sans Kipling ou London nous n’aurions plus jamais douté de sa vilenie. La vie du loup était pourtant plus enviable que celle du chien, chez La Fontaine mais, nous avons préféré nous apitoyer sur l'agneau. C’est que l’origine de la peur et de la haine remonte à loin comme l'attestent les expressions s'y référent dans le langage commun. Quand on parle du loup…on en voit la queue, n'est-ce pas ? Quel impressionnant florilège ! Crier au loup Etre jeté aux loups Avoir une faim de loup Marcher à la queue leu leu Se jeter dans la gueule du loup Un loup déguisé en mouton Marcher à pas de loup Manger avec les loups Entre chien et loup Avoir vu le loup Pays de loup Mais encore, La faim fait sortir le loup du bois. L’homme est un loup pour l’homme. En fuyant le loup, on rencontre la louve. Il n’y a pas de méchant lièvre ni de petit loup. Les loups ne se mangent pas entre eux. Nourris un louveteau, il te dévorera. Le loup emporte le veau du pauvre. Qui se fait brebis, le loup le mange. Si dans sa figuration féminine, la louve est une mère adoptive pour Remus et Romulus comme elle le sera de Mowgli, Mormolycée, celle qui mord les enfants désobéissants chez les Grecs, est déjà effrayante. Mais la figure de l'animal est surtout masculine et guerrière. Du bassin méditerranéen jusqu’en Scandinavie, elle évoque tour à tour, de l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge, fécondité, protection ou destruction. Esope en fait très tôt le miroir de la méchanceté humaine. Le moyen-âge le ridiculise sous les traits d'Isengrin, plus sot que méchant. Il faut attendre la renaissance et sa persécution de la sorcellerie et des vieux cultes païens pour que le loup devienne diabolique et pervers. On écrit au Grand siècle des traités savants sur les loup-garous et, la Bête du Gévaudan viendra confirmer la malignité du monstre qu'il faudra exterminer. Avec Perrault, le loup se présente séducteur, il faut prévenir les jeunes filles contre ce prédateur sexuel qui s'en prend d'abord aux grand-mères et qui est sûrement moins drôle que celui des dessins animés de Tex Avery. Criminel à souhait et personnage anthropomorphe par excellence, le loup avec ses caractéristiques physiques et ses avatars lycanthropiques est l'un des personnages de la littérature des plus repris. On trouve chez les libraires plus de deux mille quatre-cents œuvres dans lesquelles, il est présent. Heureusement, las de reproduire le grand méchant loup, les écrivains depuis plus d'un siècle ont entrepris d'en modifier l'image par naturalisme sinon ou par déconstruction du stéréotype, il symbolise la pureté des grands espaces, la liberté perdue. La littérature jeunesse contemporaine a revisité le rôle traditionnel du méchant de service. S'il demeure toujours gourmand , il est peu vorace et plus poltron que menaçant mais de plus en plus bêtement sentimental. Il n’effraie plus les enfants et fait vivre confortablement quelques auteurs. Cependant, voici que le grand méchant loup à récemment reprit du service dans les campagnes contre le harcèlement sexuel. Il est patent que certains sont demeurés figés sur des représentations qui remontent à leur lecture du petit chaperon rouge sinon, à l'époque encore récente, où il était commun de cacher pudiquement violeur et harceleur sous le masque du loup. C'est encore accorder trop d'honneur à cette lâche engeance, que de la comparer à ce fier animal. Il est plus à redouter pour les femmes et les enfants de se trouver face à des prédateurs bipèdes qu’à ce canidé qui n'affectionne que les vraies brebis.


Elie Elias HERNANDEZ

Chercheur associé Auteur Editions Nathan Rotary club international

6 ans

Le temps que j'écrive l'article en novembre, Michel Pastoureau   publiait  un excellent livre sur le loup que je vous recommande.

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