Réflexions de fin de mandat sur le suivi des compétences sociales métropolitaines :
Des évolutions structurelles indispensables à partir de ce que la crise nous révèle
1ère partie : l’action sociale de proximité et quelques pistes de travail
1. Retrouver un fonctionnement démocratique : Une instance métropolitaine de réparation de l’action sociale.
L’objectif de cette contribution est de mettre en lumière quelques-uns des projets à construire au- delà des décisons que l’urgence commande dans le cadre des prérogatives et obligations de la Métropole.
Les réponses sont à construire avec une imagination rassemblée. Nous avons besoin de nouveaux outils pour une approche libérée des vieux schémas, une approche qui fasse renaître le politique, c’est-à-dire la capacité à penser l’avenir des relations humaines, car là est bien la fonction du politique : faire le lien entre les êtres.
En tout premier lieu se place l’urgence démocratique. La Métropole se construit avec celles et ceux qui y vivent, agissent et inventent le quotidien. C’est dans ce sens que nous proposons la mise en place d’une instance de réparation de l’action sociale métropolitaine qui associe l’ensemble des acteurs. Une sorte de Conseil de développement entièrement dédié à l’action sociale.
Le collège des professionnels de l’action sanitaire et sociale (travailleurs sociaux et médico- sociaux, de l’éducation, de la justice, de la police, du logement et de l’hébergement, ...)
Le collège des personnels et responsables administratifs (responsables de services, cadres administratifs, ...)
Le collège des usagers sera rassemblé de manière thématique (pairs aidants, associations d’usagers et groupements organisés, représentants des usagers dans les CVS,..)
Le collège des institutions (EHPAD, établissements d’accueil des personnes handicapés, CHRS, protection de l’enfance,..)
Le collège pluridisciplinaire des acteurs généraux (centres de formation du travail social, universitaires, chercheurs, consultants volontaires, médiateurs et conciliateurs de justice, commissions du barreau de Lyon, syndicat de la magistrature, groupes de réflexion, ..)
Les travaux des différents collèges seront collectés et leur synthèse confiée à un groupe expert composé de membres délégués des différents collèges.
2. « Prendre soin » : le care est une responsabilité métropolitaine
La crise nous ouvre les yeux sur plusieurs domaines de responsabilités de la Métropole inscrits dans le champ du « prendre soin ».
La crise a rendu visibles les conditions de travail et de vie des personnels de l’action sanitaire et sociale. Le temps consacré au bien être, à la restauration du lien social, tout cela, qui relevait de l’immatériel, devient tout à coup lisible. La place des femmes dans la gestion de crise conduit à regarder l’égalité avec les hommes sous un jour très concret, bien au-delà des slogans rassurants.
D’une manière générale, avec la crise, nos certitudes d’avoir bien fait sont mises en cause.
De la protection de l’enfance au grand âge, les enjeux sont multiples autour des moyens humains et du temps qu’il est possible de consacrer à la dignité de chaque personne.
3. Le « pot au noir » : un constat amer que la crise rend possible et nécessaire
L’action sociale de la Métropole repose sur les services hérités du Département et sur un secteur associatif très professionnalisé souvent prestataire de services. Dans tous les cas, une grande partie des missions dévolues à ces acteurs dépend également de l’Etat qui délègue aux Collectivités et en conséquence intervient pour le financement de beaucoup d’actions. De plus la Métropole partage avec les communes l’action des CCAS dont certains sont très autonomes, d’autres, comme ceux de la ville de Lyon, ont rejoint l’ensemble métropolitain.
Du côté des services métropolitains, l’état des lieux qui peut en être fait est celui d’une situation insatisfaisante à plus d’un titre. Les travailleurs sociaux sont à la peine. Dans certains services, le taux d’absentéisme témoigne des conditions dégradées de travail. L’accompagnement des personnes, parce qu’il obéit à des règles induites par les conditions d’exercice des métiers, est difficile à conduire. La distance avec les personnes en attente se creuse.
S’il fallait qualifier la situation actuelle de l’action sociale métropolitaine, on pourrait dire qu’elle se trouve dans une zone qu’en terme météorologique on appelle le « pot au noir ».
Au milieu des océans s’affrontent des vents contraires qui se neutralisent ou se combattent. Entre rationalité budgétaire, déontologie professionnelle, attentes des publics, obligation de résultats. Tout cela encadré par la pénurie de réponse, les orientations politiques mouvantes ou peu claires, les politiques migratoires en permanence revues, les violences des situations et des personnes, etc...
J’emprunte cette métaphore maritime à Mireille Delmas Marty (2019) qui l’utilise pour nous dire que « pour échapper au désordre, stabiliser l’instable et penser l’imprévisible, il ne suffit pas de placer l’humanité et ses valeurs au centre du monde, comme a tenté de le faire la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Il faut réguler les vents autour de principes communs et inventer la boussole d’un humanisme élargi à la planète qui guiderait les humains sur les routes imprévisibles du monde ».
Le pot au noir est l’aboutissement d’une cécité volontaire et d’un refus de la complexité. En poursuivant la métaphore maritime, on peut s’interroger sur les décennies de navigation à vue et de conduite au fil de l’eau, alors même que les transformations sociales nous atteignaient sans bousculer nos pratiques. C’est de cela que les évolutions indispensables doivent nous sortir et il faut en premier lieu évacuer l’auto-satisfaction rassurante : « Mais tout va bien, nous faisons aussi bien sinon mieux que les autres » et accepter l’inquiétude du bien faire.
4. Il faut renverser les tables, il en est (encore) temps.
Face à un constat aussi sévère, sur une situation qui ne perdure que par une sorte de résignation partagée devant l’ampleur de la tâche, la faiblesse des moyens, et peut-être surtout, l’illégitimité ressentie d’une grande partie de la population au coeur de l’action sociale -les plus pauvres, les migrants, les déviants mentaux,.. - des évolutions radicales sont indispensables.
Nos propositions pour la recherche et la mise en oeuvre des évolutions essentielles :
Proposition 1
La condition pour ouvrir la voie aux évolutions indispensables : organisation des états- généraux de l’action sociale métropolitaine, avec une volonté de faire participer les travailleurs sociaux de la base. Cette mise à plat doit être totalement transversale et prendre en compte l’approche sociale, sociologique, économique, de santé mentale, de sécurité des personnes et d’équilibre des territoires. Elle ne repose pas sur le galvaudé « humain au centre » mais sur la réalité des enjeux. Plusieurs réunions ont été tenues dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Elles ont rassemblé les institutions métropolitaines et les associations. Il y a là un lien à cultiver. C’est à ce type de groupe, élargi aux élu.e.s, qu’il faut confier la préparation des états -généraux pour que ça parte du bas, ou mieux encore que ça mélange le bas et le haut.
Proposition 2
La relation avec les associations doit trouver un nouveau cadre : sortir du schéma prestations et du dilemme subventions ou appels à projets. On se réfèrera à la circulaire du 29 septembre 2015 (relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations). Les rapports du secteur associatif et de la Métropole méritent d’être regardés avec la conscience de la complémentarité qui doit exister naturellement, mais en même temps de l’usage qui doit être fait de la capacité imaginative des associations.
Proposition 3
Pour renforcer la coordination, l’agenda sera tenu à jour, ainsi que la nomenclature des acteurs agréés et de leurs modalités d’interventions. Le partage effectif de la compétence facilite directement la coordination des services et/ ou des associations : institutions, associations, police, justice... Pour cela il faut aussi renforcer les espaces de concertation qui existent. Ces espaces, commissions ou autres, doivent être dégagés d’une approche fermée et rejoindre le droit commun.
Proposition 4
Les différents outils et niveaux d’observation seront unifiés sur les différents niveaux indispensables à la connaissance que les états-généraux auront permis d’identifier. La connaissance est un fondement de l’action. Les différents outils indispensables existants doivent être coordonnés et pour nombre d’entre eux faire l’objet d’une révision. Pour n’en citer que quelques-uns : observatoire des Loyers, ILHA (anciens observatoires de la demande sociale en logement), observatoire du non-recours, observatoire du mal-logement et du sans abrisme, connaissance des réponses possibles, ... En bref, sortir du cloisonnement au profit de la transversalité plurielle.
de Thierry Darnaud et Guy Hardy. Chronique Sociale. 2010.
Directeur adjoint Enfance (prévention et protection de l’enfance)
4 ans« Pot au noir « , « résignation « , « refus de la complexité « ... et pourtant la Métropole est une « jeune collectivité « paradoxalement Indispensable les observatoires pour permettre une vision globale et prospective Très bonnes choses les conférences de territoires à l’horizontal et à tous les étages C’est du boulot la coordination et la projection mais c’est le boulot de la Metro ;) bon courage